Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du 6 novembre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Il aurait été pertinent d’y inclure de la flexibilité, de la modernité et de créer une dynamique, comme le rapport Combrexelles y a incité.

Finalement, vous renoncez à la grande réforme du droit du travail en 2016. On sait déjà que les 35 heures, le SMIC et le contrat de travail resteront gravés dans le marbre. Cette prétendue grande loi de 2016 se résumera à une petite discussion.

L’annonce phare du Gouvernement n’est finalement pas législative mais consiste en la formation d’une mission, puis, d’une commission chargées de réécrire le code du travail.

Je veux juste vous rappeler, madame la ministre, qu’en octobre 2014, il y a un an, l’article 1er de la proposition de loi de M. Cherpion ne demandait rien d’autre que la constitution d’une commission d’experts chargée de réécrire le code du travail, ceci, en un an. Le Gouvernement, alors, ne voulait pas en entendre parler.

Venons en maintenant au PLF pour 2016.

Vous avez annoncé devant la commission élargie, madame la ministre, que ce « projet de budget pour 2016 est axé autour de trois priorités : l’emploi des jeunes, l’apprentissage et le soutien aux TPE et PME. »

Pourtant – je regrette d’avoir à vous le dire – il manque cruellement à votre Gouvernement une réelle culture d’entreprise car lorsque votre prédécesseur regrettait qu’« en France, 350 000 emplois ne trouvent pas preneurs », encore faudrait-il que l’adéquation entre les offres et les demandes d’emplois soit effective.

Là, encore, votre projet n’apporte pas de nouvelles pistes et inquiète. Ces inquiétudes ont d’ailleurs conduit notre collègue Jean-Patrick Gille, président de l’Union nationale des missions locales, a écrire lundi dernier au Premier ministre pour l’alerter sur le financement du réseau des missions locales qui agit pour l’emploi des jeunes de 16 à 25 ans, en réclamant sa réévaluation.

En effet, les ressources des missions locales seront fragilisées en 2016 – moins 30 millions – avec la diminution de 50 % sur un an des crédits d’accompagnement des jeunes en emploi d’avenir et la fin des crédits accordés par les partenaires sociaux aux missions locales dans le cadre de l’ANI-Jeunes.

Vous avez dit il y a quelques instants à cette tribune que votre ambition était de mobiliser ces réseaux. Permettez-moi d’en douter compte tenu de cette baisse de crédits.

La mission locale L’Aigle-Mortagne-au-Perche, que je connais bien, a signé de novembre 2012 à avril 2015 293 emplois d’avenir, ce qui correspond à 9,5 % de ce qui a été réalisé au plan régional et constitue donc une bonne performance. Ces organismes – je peux vous le dire pour en avoir discuté avec la directrice ce matin – ressentent très mal cette coupe budgétaire qu’ils assimilent à une sanction alors qu’ils n’ont pas démérité.

Il en est de même des maisons de l’emploi, dont les crédits sont encore revus à la baisse. Finalement, vous dépossédez et démunissez les structures locales de leurs moyens.

Concernant les contrats aidés dont vous estimez, madame la ministre – je reprends vos propos – qu’ils « restent une voie efficace en dépit des critiques qui peuvent être formulées », il serait intéressant que vous précisiez ce qu’il en est des contrats de génération lesquels, en dépit d’un nouvel élan, ne cessent de décliner avec des autorisations d’engagement qui baissent de moitié et des crédits de paiement en diminution de 42 % – 163 millions – par rapport au PLF 2015.

Par ailleurs, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le volet consacré à l’apprentissage a fait l’objet de nombreuses annonces, après deux ans d’allers-retours qui s’étaient traduits par une chute de 8 % des contrats d’apprentissage en 2013, de 3 % en 2014 dans le secteur privé et de 4 % dans le secteur public.

Là encore, votre projet ne comporte aucune réforme structurelle de l’apprentissage qui serait à même d’en consolider les bases.

Enfin, en matière fiscale et sociale, les entreprises s’inquiètent des différents revirements du Gouvernement qui font perdre du temps.

Je vous ai entendu vous réjouir des résultats du CICE mais le déploiement du pacte de responsabilité est aujourd’hui contrarié : le report des allégements de cotisations patronales familiales et des nouveaux abattements de contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – au 1er avril 2016 permettent certes à l’État d’économiser un milliard mais privent les entreprises de 25 % de baisses des charges.

D’autres points auraient mérité qu’on y consacre davantage d’attention comme la santé au travail, l’exposition à l’amiante et, à ce titre, on ne peut que regretter la diminution globale des crédits consacrés à la santé au travail qui figurent au programme 111.

En conclusion, mes chers collègues : sur le front de l’emploi, nous avons tous une obligation de résultats et pas seulement de moyens.

La perspective d’un maintien d’un fort niveau de chômage se traduit d’ailleurs dans les crédits de la présente mission puisque la dotation de Pôle emploi est reconduite à un niveau élevé, ainsi que les recettes du fonds de solidarité.

Il faudrait faire preuve d’audace, d’anticipation et de pragmatisme.

Pour terminer : à quand la stabilité des dispositifs, à quand une réforme structurelle dont notre marché du travail a tant besoin ?

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