Intervention de Christophe Sirugue

Séance en hémicycle du 15 janvier 2013 à 15h00
Contrat de génération — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd'hui le projet de loi portant création du contrat de génération.

Comme le chef de l'État et le Gouvernement l'ont confirmé en ce début d'année, la relance de l'économie et de l'emploi constituent la priorité de notre pays. Comment pourrait-il en être autrement ?

Le contrat de génération constitue un des leviers, l'une des réponses, mais une réponse forte, aux objectifs fixés par le Président de la République : « inverser la courbe du chômage d'ici à la fin de l'année » et « mettre la jeunesse au coeur de nos priorités ».

Ce sont en effet 85 000 contrats de génération qui pourraient être conclus dès 2013 et 500 000 au total sur le quinquennat. Il s'agit donc d'une mesure d'ampleur dans la lutte non seulement contre le chômage des jeunes, mais également contre la précarité de l'emploi des jeunes. De ce point de vue, le contrat de génération, tout comme les emplois d'avenir, place résolument les jeunes au coeur de la politique de l'emploi.

Depuis des années, nous passons notre temps à inventer des dispositifs qui échouent à faire entrer les jeunes durablement sur le marché du travail. Or, pour la première fois, nous avons enfin l'occasion de voter un texte qui n'invente pas une nouvelle stratégie d'approche, sursegmentée. Pour la première fois, nous avons l'occasion de voter un texte qui vise tout simplement à faire entrer les jeunes salariés dans le droit commun, en leur proposant des CDI, parce qu'il est insensé de vouloir toujours compenser leur jeunesse auprès des chefs d'entreprise, de vouloir les excuser d'être jeunes. Leur jeunesse est une chance.

Il faut finalement revenir à ce qui n'aurait jamais dû cesser d'être : l'exigence de normalité, l'exigence de l'inclusion ordinaire dans la masse des travailleurs. Il n'y a pas de raison de traiter les jeunes qualifiés à part : ils ne sont pas malades, ils sont débutants.

D'ailleurs, le sont-ils vraiment ? Qui peut croire qu'en 2013, un enfant de la génération Y a tout à apprendre de ses aînés ? Qui peut croire qu'un jeune né après la révolution numérique n'a pas une longueur d'avance en matière de technologies, lesquelles font partie intégrante de sa vie depuis sa naissance ?

Mais l'idée phare du contrat de génération – et c'est sa spécificité, en tout cas ce en quoi il est particulièrement novateur – est celle de l'alliance des âges : il est pour la première fois véritablement question de promouvoir conjointement l'accès et le maintien dans l'emploi non seulement des jeunes mais aussi des seniors, dont on connaît la vulnérabilité particulière sur le marché de l'emploi.

Les politiques publiques en faveur de l'emploi des seniors se sont elles aussi accumulées, peut-être avec davantage de succès. Quoique... Plusieurs mesures ont été prises, en particulier les accords seniors, initiés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui institue l'obligation de négocier un accord d'entreprise ou de branche sur l'emploi des seniors sous peine de se voir infliger une pénalité représentant 1 % de la masse salariale. S'agissant de ce dernier dispositif, si les 34 200 plans d'action et accords d'entreprise et les 90 accords de branche attestent du succès de l'initiative, le bilan, sur le fond, est en fait plus mitigé, puisque ces accords n'ont que rarement pris en compte la gestion des âges par l'entreprise.

Dès lors, le contrat de génération constitue un objectif ambitieux, indispensable, qui doit amener les entreprises à mettre en place une véritable dynamique de gestion active des âges.

La force de ce dispositif est, tout d'abord, d'être issu du dialogue social. À l'heure où les partenaires sociaux aboutissent à un compromis sans précédent sur la sécurité de l'emploi que je tiens à saluer, l'accord conclu sur le contrat de génération apparaît comme un heureux avant-goût. Le dialogue social est aujourd'hui renoué et il faut s'en réjouir. Le Gouvernement a su lui donner toute sa place, ce que le présent projet de loi confirme d'ailleurs, puisque la mise en oeuvre du contrat de génération reposera très largement sur la négociation collective au sein des entreprises. Le dialogue social est non seulement un principe, mais aussi, dorénavant, une méthode.

Je reviendrai d'abord sur le dispositif lui-même avant d'évoquer les principales modifications qui y ont été apportées par la commission des affaires sociales et les principales dispositions qui me semblent devoir encore être débattues aujourd'hui et demain dans notre hémicycle.

Le contrat de génération repose avant tout sur la combinaison de deux axes phares : d'une part, la négociation d'accords portant sur l'accès et le maintien en emploi des salariés jeunes et âgés et, d'autre part, la création d'une aide spécifique pour l'embauche d'un jeune et le maintien en emploi d'un senior.

Ces deux axes s'imbriquent pour déboucher sur le dispositif suivant, qui distingue trois catégories d'entreprises.

Les entreprises de moins de cinquante salariés ne sont pas soumises à une obligation de négociation ; elles pourront, en revanche, bénéficier de l'aide au titre du contrat de génération dès lors qu'elles embaucheront en CDI un jeune de moins de 26 ans et maintiendront dans le même temps dans l'emploi un senior de plus de 57 ans ou un salarié âgé qui aurait été recruté à 55 ans ou plus.

Les entreprises de 50 à 300 salariés seront, quant à elles, soumises à l'obligation de négocier un accord collectif ou de mettre en place un plan d'action relatif à l'accès et au maintien en emploi des jeunes et des salariés âgés. L'objectif est d'inciter ces entreprises à mettre en oeuvre une gestion active des âges en leur sein. Dès lors qu'elles seront couvertes par un tel accord ou plan d'action, elles pourront également bénéficier de l'aide au titre du contrat de génération à partir du moment où elles embaucheront un jeune et maintiendront concomitamment un senior dans l'emploi.

Enfin, les entreprises de plus de 300 salariés seront soumises à une obligation de négociation d'un accord ou d'élaboration d'un plan d'action sur l'accès et le maintien en emploi des jeunes et des seniors. Ces entreprises auront jusqu'au 30 septembre pour être couvertes par un tel accord ou plan d'action : passée cette date, elles s'exposeront à une pénalité dont le plafond est fixé à 1 % de la masse salariale ou, si ce montant est plus élevé, jusqu'à 10 % des allégements de cotisations sur les bas salaires dont elles bénéficient par ailleurs.

Je veux le dire tout de suite : une telle pénalité se veut avant tout dissuasive. Il n'en est d'ailleurs pas attendu de « rendement » puisque le Gouvernement fait le pari – nous le faisons également – que les entreprises de plus de 300 salariés négocieront des accords ou mettront en oeuvre des plans d'action, ce pour quoi elles sont, au vu de leur taille, suffisamment armées en termes de gestion des ressources humaines. Cette pénalité est d'ailleurs équivalente à des systèmes de pénalités existants, tels que ceux qui s'appliquent en cas d'absence d'accord ou de plan d'action relatif à l'égalité professionnelle hommes-femmes ou à la pénibilité, ou en cas d'absence d'accord ou de plan d'action seniors.

S'agissant des accords collectifs ou des plans d'action prévus par le texte, qui ne concernent que les entreprises de plus de 50 salariés, le contrat de génération se substitue au dispositif existant sur les accords seniors. Il n'est, en effet, pas nécessaire de laisser subsister ce dernier, dans la mesure où le nouveau dispositif reprend les objectifs de l'ancien tout en les articulant avec les objectifs d'embauche des jeunes et de transmission des savoirs et des compétences.

En outre, et il est important de le souligner, le système prévu au titre du contrat de génération améliore sur plusieurs points l'actuel dispositif relatif aux accords ou plans d'action seniors. En effet, en premier lieu, il suppose la réalisation d'un diagnostic préalable sur la situation de l'emploi des jeunes et des seniors au sein de l'entreprise avant le lancement d'une négociation ou l'élaboration d'un plan d'action. Il s'agit d'obliger les entreprises à dresser un bilan en la matière, afin d'identifier de manière satisfaisante les problèmes spécifiques qu'elle peut rencontrer dans ce domaine.

Ensuite, l'accord collectif une fois conclu ou le plan d'action une fois élaboré seront soumis à validation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui des accords seniors. L'administration aura donc vocation à contrôler la conformité de l'ensemble des accords ou plans d'action aux exigences posées par le législateur. C'est d'ailleurs ce contrôle ou le constat de l'absence d'accord qui pourront donner lieu à la fixation d'une pénalité pour les entreprises de plus de 300 salariés.

Enfin, une procédure d'évaluation des accords conclus ou des plans d'action mis en oeuvre est prévue : les entreprises de plus de 300 salariés devront ainsi transmettre annuellement à l'administration un document d'évaluation de la mise en oeuvre de l'accord ou du plan d'action qui les couvrent. Ici encore, il s'agit d'un renforcement par rapport aux accords seniors actuels.

S'agissant ensuite de l'aide prévue au titre du contrat de génération, elle est réservée aux entreprises de moins de 300 salariés. Elle est également conditionnée, pour les entreprises comptant entre 50 et 300 salariés, à la négociation d'un accord. Cette aide sera forfaitaire, équivalente à 2 000 euros pour l'embauche en CDI d'un jeune de moins de 26 ans et 2 000 euros au titre du senior maintenu en emploi, soit 4 000 euros. Elle sera versée pendant trois ans, ce qui équivaut à 12 000 euros au total.

Deux conditions supplémentaires sont également prévues par le texte, afin de contrecarrer de potentiels effets d'aubaine. L'aide sera ainsi conditionnée au non-licenciement économique, dans les six mois précédant l'embauche du jeune, sur le poste sur lequel est prévue l'embauche. Il sera également exigé de l'entreprise qu'elle ne procède pas, pendant la durée de l'aide, au licenciement d'un salarié âgé présent dans l'entreprise. Si tel était le cas, l'aide versée au titre d'un binôme jeune-senior lui serait en effet retirée.

Enfin, je voudrais dire un mot du contrat de génération dans sa dimension de transmission d'entreprise. L'aide pourra en effet également bénéficier à un chef d'entreprise senior qui souhaiterait embaucher un jeune en CDI dans la perspective de lui transmettre son entreprise. Je pense notamment aux entreprises artisanales. Il s'agit là d'un souhait fort des partenaires sociaux et le texte reprend cette possibilité.

La commission des affaires sociales a souhaité apporter un certain nombre de modifications au texte initial du projet de loi. Elle a surtout modifié deux aspects du texte. Le premier concerne les accords collectifs ou plans d'action relatifs au contrat de génération qui devront être conclus dans les entreprises de plus de 50 salariés ; le second se rapporte aux modalités relatives à l'aide au titre du contrat de génération qui sera versée aux entreprises de moins de 300 salariés.

S'agissant des accords collectifs ou des plans d'action, la commission a précisé le contenu obligatoire du procès-verbal de désaccord qui conditionne la possibilité pour l'employeur de recourir à un plan d'action, afin de s'assurer de la loyauté de la négociation menée. La commission a en effet souhaité conforter l'idée selon laquelle le plan d'action unilatéralement mis en oeuvre par l'employeur n'interviendra véritablement qu'en dernier recours.

Elle a également tenu à préciser le contenu du diagnostic préalable qui devra être réalisé dans les entreprises avant le lancement de la négociation ou l'élaboration du plan d'action. L'établissement d'un tel diagnostic est en effet loin d'être anecdotique : il se présentera comme un état des lieux, un point de départ qui permettra de fixer les principaux engagements devant être pris par l'entreprise dans le cadre de l'accord.

La commission a enfin souhaité préciser le contenu des trois volets que chaque accord devra comporter : l'embauche en CDI de jeunes, le maintien en emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences. Les éléments développés par l'accord national interprofessionnel ont donc été repris, et ce afin de renforcer la portée de ces futurs accords.

S'agissant de l'aide relative au contrat de génération, la commission a souhaité – une décision prise à la quasi-unanimité des groupes – conditionner le bénéfice de l'aide aux seuls jeunes embauchés en CDI à temps plein. Il s'agit d'un signal fort, destiné à marquer la volonté de lutter contre la précarité de l'emploi des jeunes, qui sont, plus souvent que leurs aînés, confrontés à des situations de temps partiel subi.

La commission a également élargi la condition de non-licenciement dans les six mois précédant l'embauche du jeune non pas au seul poste sur lequel est prévue l'embauche mais à l'ensemble des postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle cette embauche est prévue.

Elle a enfin tenu à préciser que tout licenciement et toute rupture conventionnelle avec l'un des salariés du binôme ouvrant droit à l'aide au titre du contrat de génération conduiront au retrait de l'aide.

Conformément à la vocation de contrôle, qui est aussi celle du Parlement, la commission a également prévu qu'un rapport annuel d'évaluation de la mise en oeuvre du dispositif lui serait remis.

Le projet de loi ainsi modifié est celui qui nous est aujourd'hui soumis pour examen.

Quelques points restent à discuter ; sans anticiper sur le contenu de nos débats, je souhaiterais simplement les évoquer.

Le premier point concerne évidemment la question de la condition d'embauche du jeune à temps plein, au sujet de laquelle, monsieur le ministre, vous avez ouvert des perspectives intéressantes. On peut en effet concevoir qu'il faille prévoir une exception à cette règle ; il me semble néanmoins essentiel que cette exception n'entraîne pas un retour en arrière par rapport au souhait qui a été exprimé de lutter avec efficacité contre le temps partiel subi. En revanche, si cette exception consiste à rendre possible un contrat à temps partiel pour tenir compte de la situation familiale ou des contraintes personnelles du jeune concerné, elle me semble devoir être examinée avec attention, sous réserve que le temps partiel ne soit pas réduit en deçà de 80 % d'un temps plein.

Le deuxième point touche à la question de la pénalité. Si d'aucuns souhaitent réduire ses effets, voire la supprimer, ma préoccupation est au contraire de la rendre efficace, autrement dit de la rendre suffisamment incitative à la négociation. Je répète qu'il ne s'agit aucunement de « punir » les entreprises de plus de 300 salariés, mais bien de les amener à se saisir du sujet de l'accès et du maintien en emploi des jeunes et des seniors et à mettre en place en leur sein une véritable gestion active des âges.

Nous aurons enfin un débat sur la formation des jeunes embauchés en contrat de génération, un point qui a d'ailleurs déjà été abordé par de nombreux collègues lors de l'examen du texte en commission. À cet égard, je tiens à souligner une fois encore que le contrat de génération n'est pas un nouveau contrat aidé.

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