Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 15 janvier 2013 à 15h00
Contrat de génération — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que nous allons examiner aujourd'hui prétend apporter une réponse forte à ce qui est, disons-le, l'une des plaies récurrentes de notre marché du travail depuis de trop nombreuses années : le chômage excessif des jeunes et des seniors.

Aux deux extrémités de la pyramide des âges, l'accès à l'emploi est, en effet, un parcours encombré d'obstacles multiples que, jusqu'à ce jour, les dispositifs existants ne sont pas parvenus à lever – les chiffres l'attestent et ceux du troisième trimestre 2012 le confirment, avec un taux de chômage des jeunes de 24,9 %.

Le taux d'emploi des 15-24 ans a reculé de 0,7 point sur trois mois, pour atteindre un niveau historiquement bas de 28,4 % de la classe d'âge. La situation est évidemment plus grave dans les quartiers relevant de la politique de la ville : plus de 40 % des moins de 25 ans y étaient à la recherche d'un emploi en 2011. La crise a frappé dans ces quartiers encore plus qu'ailleurs.

Dans le même temps, le taux d'emploi des seniors atteint 41,5 %, ce qui est un progrès, mais il n'en reste pas moins inférieur à la moyenne européenne. Du reste, un senior actif n'est pas nécessairement un senior ayant un emploi.

L'augmentation du taux d'activité des seniors ne s'est pas accompagnée des recrutements qui leur auraient permis d'occuper un emploi. Pour les plus de 55 ans aussi l'accès au travail est difficile et prend la forme de contrats provisoires. La proportion des plus de 55 ans inscrits à Pôle Emploi a augmenté de 41 % entre 2008 et 2011 et la part des recrutements en CDD et en intérim a également progressé fortement.

Ainsi le début et la fin du parcours professionnel sont-ils marqués par l'instabilité, voire la précarité des formes d'emploi et du contrat de travail. Nous sommes tous d'accord pour déplorer le véritable gâchis que cette situation représente.

D'un côté, une volonté d'aborder une vie professionnelle riche, créative, épanouissante ; cet espoir se fracasse sur l'instabilité des emplois précaires et des longues phases de chômage.

De l'autre, une expérience accumulée au fil d'une vie professionnelle riche en enseignements et une volonté d'aller au bout de son parcours, de transmettre, le cas échéant, un savoir-faire, de partager. Or c'est tout un capital humain qui s'échoue et s'étiole après un licenciement à cinquante-cinq ans et avec l'impossibilité de retrouver un emploi.

Dans les deux cas, c'est la question de l'utilité sociale qui est posée. Comment se sentir utile dans la société, comment avoir le sentiment d'en être un acteur à part entière, respecté, si l'on se sent rejeté de la sphère du travail ? Avoir un travail détermine tout le reste : la capacité à obtenir ou à garder un logement, à fonder un foyer ou à payer les études de ses enfants. Avoir un emploi détermine aussi, et peut-être surtout, le regard que l'on porte sur soi-même et celui que les autres portent sur votre situation – c'est peut-être d'ailleurs de celui-ci que l'on se remet le moins quand on passe un an, deux ans, voire davantage sans emploi.

Je suis élu de l'agglomération roubaisienne, durement frappée par la crise de l'industrie textile et la désindustrialisation tout au long des trente dernières années.

J'ai rencontré à plusieurs reprises des organisations de défense de demandeurs d'emplois touchés par le chômage de longue durée. Lors de nos échanges, j'ai toujours été saisi par le sentiment d'incompréhension qui domine les témoignages des plus anciens d'entre eux. Quels que soient les efforts qu'ils fournissent pour trouver un emploi, la réponse est toujours la même : « Vous êtes trop vieux ».

Évidemment, la réalité est plus complexe. Heureusement, tous les seniors ne sont pas durablement au chômage. Bien sûr, les critères de la formation et de la mobilité interviennent aussi dans la décision des recruteurs.

Nous retrouvons souvent les mêmes problématiques dans les raisons avancées pour expliquer le chômage des jeunes : l'absence de qualification adaptée et les freins à la mobilité géographique se combinent pour barrer l'accès à l'emploi.

Nous sommes nombreux, en qualité d'élus locaux, à nous battre contre ces handicaps à la reprise d'un emploi en développant des actions dans le cadre des maisons de l'emploi, des missions locales et des plans locaux pour l'insertion et l'emploi, les PLIE. Forts de cette expérience, nous estimons que si le contrat de génération peut être un outil pour les acteurs territoriaux de l'accompagnement vers l'emploi et de l'insertion professionnelle, il n'est pas un outil suffisant. C'est l'un des principaux reproches qu'il est possible d'adresser au contrat de génération : tout, dans ce dispositif, nous montre qu'il pourrait être l'une de ces promesses qui suscitent plus d'espoirs que de résultats concrets.

Il nous est présenté comme l'un des deux piliers, avec les emplois d'avenir, de la politique du Gouvernement en direction des jeunes. Il est ambitieux : selon vous, pas moins de 500 000 contrats de génération doivent être conclus d'ici à 2017. Mais est-il réaliste, dans une situation économique aussi difficile que celle attendue en 2013 ? Nous pouvons sérieusement en douter. Surtout si nous en croyons les partenaires sociaux qui, en aparté, nous expliquent que l'objectif de 500 000 créations d'emploi risque fort de n'être jamais atteint, compte tenu de la conjoncture. Sans doute n'ont-ils pas l'intention de tenir, contre vents et marées, une promesse que, pour leur part, ils n'ont jamais faite.

Peut-on raisonnablement croire qu'il suffit de multiplier les dispositifs d'emplois aidés en direction des secteurs publics ou privés pour assurer des créations massives d'emploi ? C'est le développement de l'activité, soutenue par un environnement juridique et fiscal favorable à l'investissement, à l'innovation et à la recherche qui crée l'emploi. Or, ce n'est pas la direction dans laquelle s'est engagée l'action de ce gouvernement et de cette majorité. J'y reviendrai.

À l'occasion de l'examen de ce projet de loi, le groupe UDI a décidé de tirer trois signaux d'alarme, qui justifient cette motion de rejet préalable.

Le premier concerne la façon dont ce projet de loi a été soumis à l'examen de notre assemblée. Voilà en effet un nouvel épisode de la désinvolture avec laquelle le Gouvernement relègue le Parlement à un rôle subalterne depuis le début de cette législature. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Le deuxième signal d'alarme touche à la portée même de ce texte, dont les effets sont d'ores et déjà entravés par les conséquences prévisibles de la politique économique.

Le troisième signal d'alarme porte sur le message adressé à la jeunesse de notre pays : incontestablement, les contrats de génération, après les emplois d'avenir, ne sont qu'une réponse partielle aux défis qu'elle doit relever.

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