Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du 15 janvier 2013 à 15h00
Contrat de génération — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en ce début d'année 2013, que je souhaite fructueuse et positive pour notre économie et nos concitoyens, le Gouvernement nous propose un texte issu d'une promesse du candidat François Hollande lors de l'élection présidentielle de 2012. Mes souhaits pour 2013 ne me semblent malheureusement pas d'actualité, compte tenu des projets du Gouvernement.

Dans la partie « Combattre le chômage qui frappe particulièrement les jeunes et les seniors », le programme du candidat Hollande prévoyait en effet trois propositions : le contrat de génération, projet dont nous sommes saisis ; les emplois d'avenir, mesure que la majorité a déjà adoptée ; la sécurisation des parcours professionnels, notamment à travers la formation professionnelle.

Ce sont trois propositions pour enrayer le chômage des jeunes, véritable fléau, dont le taux s'élève à presque 25 % des actifs de la classe d'âge 15 à 24 ans et le chômage des seniors. Le taux de chômage s'élève effectivement à près de 7 % pour les plus de cinquante ans. Cela fait un total de 1,2 million de personnes, et ce sans compter les non-inscrits à Pôle Emploi.

Afin de répondre à cette situation, le Gouvernement se borne à appliquer le projet du candidat, qui consiste en la création des emplois dits d'avenir, soit 150 000 contrats sur deux ans, en la création des contrats de génération – lesquels, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, ne créeront que 21 000 emplois nouveaux par an, comme cela vient d'être rappelé – et une sécurisation des parcours professionnels dont on ne connaît pas encore l'ampleur ni l'importance.

Enfin, le coût de ces deux premières mesures s'élève aux alentours de 5 milliards d'euros pour 250 000 emplois nouveaux sur cinq ans. La majorité se satisfait apparemment de cette réponse au million de personnes appartenant à ces classes d'âge qui attendent, elles, une vraie réponse à leurs problèmes.

À cela s'ajoutent une avalanche de taxes votées dans le cadre des récentes lois de finances et de financement de la sécurité sociale et un mépris total pour les créateurs d'entreprise et les chefs d'entreprise de notre pays, qui se manifeste au travers des mesures fiscales adoptées et prévues et des déclarations de certains membres de la majorité et même du Gouvernement, un environnement fiscal et législatif incertain et un flou des plus grands dans la communication gouvernementale sur tous ces sujets.

Alors que cela fait maintenant cinq trimestres que le chômage ne cesse d'augmenter, il est regrettable que le Gouvernement et sa majorité ne fassent qu'appliquer, dans un but purement électoraliste qui ne sera pas atteint, les promesses du candidat à la présidence. Depuis le mois de mai, le climat s'est manifestement détérioré. Tous les indicateurs sont dans le rouge. Et vous vous entêtez dans des solutions de facilité !

L'année 2012 s'est achevée avec un taux de chômage de 10,5 % et, selon certains, on peut craindre que la barre des 11 % ne soit franchie en 2013.

J'en viens au texte qui nous est présenté. Celui-ci transpose – vous l'avez rappelé – l'accord national interprofessionnel du 19 octobre dernier, adopté à l'unanimité par les partenaires sociaux. Nous ne pouvons que saluer ce dialogue social fructueux.

Vous connaissez mon attachement à ce dialogue : j'ai le plus grand respect pour le travail qui a été fourni par les partenaires sociaux. Il est dorénavant du rôle du législateur de prendre ses responsabilités et d'adopter, de rejeter ou d'amender le projet que vous nous présentez. Par notre vote, nous exprimons la volonté générale : rien ne saurait entraver cette liberté, comme l'a rappelé M. Vercamer il y a quelques instants. Je dis cela malgré tout notre respect pour les syndicats des salariés et du patronat. Par ailleurs, les partenaires sociaux avaient déjà en tête la grande négociation qui s'est déroulée la semaine dernière : je pense que c'est peut-être là une raison cet accord a minima.

Je souhaite éclairer, au nom de mon groupe, la représentation nationale sur les raisons qui justifient un renvoi en commission du texte proposé.

Premièrement, ce contrat de génération est assez peu intergénérationnel. Il part d'une belle idée : chacun saura le reconnaître. Chacun saura reconnaître aussi que le texte que nous examinons aujourd'hui est considérablement éloigné de la proposition du candidat François Hollande. Son engagement n° 33 mentionnait un tutorat pour préserver les savoir-faire. De plus, François Hollande parlait dans son discours du Bourget d'une « réconciliation entre les âges », d'une « alliance des générations ». Ces belles paroles ne sauraient cacher que le contrat de génération qui nous est aujourd'hui proposé n'a plus rien d'intergénérationnel.

Pas de tutorat, ni d'accompagnement, ni de compagnonnage : simplement des aides attribuées à un jeune et un senior qui peut-être ne se croiseront jamais dans l'entreprise. Force est donc de constater que les ambitions de candidat Hollande sont aujourd'hui réduites à une obligation de négocier sur la transmission des savoirs dans les entreprises de plus de 50 salariés. C'est déjà beaucoup, mais ce n'est plus tout à fait ce qui était annoncé. Toutefois, si les partenaires sociaux ont estimé, en se basant sur leur expérience, que le senior n'était pas forcément le bon tuteur, faisons-leur confiance pour conclure des accords qui feront vivre dans l'entreprise cette notion de partage des savoir-faire et des compétences entre les générations.

Des contrats déjà existants permettent le transfert de ces compétences, comme le contrat d'apprentissage ou le contrat de professionnalisation, pour ne citer qu'eux. Il est regrettable de ne pas y lier le contrat de génération. Le précédent Gouvernement avait permis des avancées, particulièrement concernant l'alternance. Au lieu d'éparpiller ses efforts, surtout financiers, dans de nouveaux dispositifs dont on sait qu'ils n'atteindront pas leurs objectifs, il aurait peut-être plutôt fallu renforcer ces contrats déjà existants, quitte à y intégrer des dispositions concernant les seniors. Le dispositif que vous proposez, je le crains, risque de porter préjudice à l'apprentissage, qui, d'après les chambres consulaires, semble d'ores et déjà se réduire.

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