Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 15 janvier 2013 à 15h00
Contrat de génération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Après les emplois d'avenir adoptés il y a à peine trois mois, le Gouvernement aborde dès à présent une étape supplémentaire avec la mise en place des contrats de génération. Ce dispositif se veut ambitieux, novateur et pragmatique. En liant la lutte contre le chômage des jeunes au combat pour l'emploi des seniors, il vise en effet à intégrer et à maintenir à leur poste celles et ceux auxquels le marché du travail offre les conditions les plus défavorables. Au début de la vie active comme en fin de carrière, les salariés sont bien souvent confrontés aux mêmes difficultés : les uns comme les autres subissent le chômage, souvent de longue durée, le temps partiel, les contrats précaires. Ils sont devenus des variables d'ajustement. Leur sort est directement lié aux fluctuations économiques.

Les données fournies par l'étude d'impact qui accompagne ce projet de loi sont un rappel éloquent du sort réservé aux salariés les plus jeunes et les plus âgés. La situation des régions d'outre-mer n'est pas abordée. Elle n'est pas non plus prise en compte dans les statistiques présentées. Le constat est certes le même, mais tout y est amplifié. Une étude d'impact qui accorderait une place à ces régions révélerait qu'à La Réunion 60 % des jeunes sont au chômage, que près de 20 % des seniors y sont à la recherche d'un travail, que le temps nécessaire pour trouver ou retrouver un emploi est plus long, que le chômage de longue durée dure encore plus longtemps, que tous les taux sont lourdement aggravés et qu'aucun équivalent ne se rencontre dans aucun département français, ni dans aucune région européenne.

Cette situation hors normes explique aussi pourquoi l'alliance des générations, destinée à lutter contre le chômage, a déjà eu un précédent dans les régions d'outre-mer. Il s'agit du « congé solidarité » qui avait été instauré par l'article 15 de la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin et qui nous avait fait beaucoup de bien. À bien des égards, le contrat de génération participe de la même logique. L'objectif du « congé solidarité » était de favoriser l'embauche en contrat à durée indéterminée des jeunes de moins de 30 ans par le départ en préretraite des salariés âgés de plus de 55 ans. Ce dispositif spécifique aux départements d'outre-mer a été supprimé en décembre 2007, en dépit de ses résultats et en dépit du soutien unanime que lui accordaient les organisations syndicales et patronales. En sept ans d'existence, il a concerné plus de 3 000 salariés, dont les deux tiers à La Réunion, et environ un millier d'entreprises. L'apport de ce dispositif dans la lutte contre le chômage massif des jeunes et le consensus qui l'accompagne méritent sans aucun doute une attention renouvelée.

C'est en raison de cette expérience qu'il nous apparaît que les bornes d'âge prévues par le projet de loi – 26 ans au plus et 57 ans au moins – pourraient être adaptées à la situation réelle des outre-mer. Pour que les chances de succès de ce dispositif soient au moins équivalentes, les critères d'âge devraient être élargis à moins de 30 ans et plus de 55 ans, comme pour le « congé solidarité ». Cela permettrait en outre d'harmoniser ce nouveau dispositif avec celui des contrats d'avenir qui définit précisément comme prioritaires les territoires ruraux et ultramarins. Cette adaptation coïnciderait d'ailleurs avec la nomenclature de l'Union européenne selon laquelle les seniors sont âgés de 55 à 64 ans.

Mais, vous le savez, l'article 40 veille, et interdit aux parlementaires d'amender le texte en ce sens. Nous comptons donc sur une initiative gouvernementale.

Notre préoccupation est d'aboutir à un dispositif qui aille à la rencontre des potentialités de notre tissu économique. Pour l'essentiel, il est constitué de très petites entreprises, et ces TPE qui, le plus souvent, n'ont pas ou peu de personnel subissent de plein fouet les fluctuations de l'activité. Étant donné les grandes difficultés qu'elles rencontrent en ce moment même pour le paiement des charges sociales, il est raisonnable de s'interroger sur l'accueil qu'elles pourront réserver à ce nouveau dispositif.

Il est à craindre que la baisse du coût du travail induite par le contrat de génération ne soit pas en soi décisive pour déclencher, comme il le prévoit, le recrutement de jeunes en CDI dans le cadre du droit commun. C'est pourquoi il est indispensable que les mesures pour relancer les investissements soient aussi concomitantes que possible à la mise en oeuvre des dispositifs pour l'emploi.

La question se pose également de savoir si les coopératives, qui sont des structures créatrices d'emplois durables, et dont les compétences et les savoir-faire méritent d'être soutenus et transmis, figurent parmi les bénéficiaires de ce nouveau dispositif.

Pour différentes raisons et malgré les conséquences désastreuses qui en résultent pour les existences personnelles et pour tous les aspects de la vie sociale, le marché du travail s'est organisé, malheureusement, en repoussant aux marges les deux extrémités de la pyramide des âges. Cette réalité est encore plus marquée lorsqu'il s'agit des femmes. Quand elles sont à la recherche de leur premier emploi, elles doivent surmonter des obstacles supplémentaires et leur niveau de formation ne les protège guère. Quelques décennies plus tard, elles sont plus nombreuses sur le marché du travail, souvent sans emploi, en attendant l'âge de la liquidation de la retraite. En augmentant de deux ans l'âge ouvrant à une retraite à taux plein, la réforme de 2010 aggrave encore cette situation. Si l'on ne peut inscrire dans la loi que le contrat de génération devrait surtout se décliner au féminin, il est certain que la place qu'il accordera aux femmes sera décisive et qu'elle donnera la mesure de son succès ou de son échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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