Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du 15 janvier 2013 à 15h00
Contrat de génération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran :

Le contrat de génération, proposition majeure du Président de la République, présentée le 3 juillet 2012 par le Premier ministre dans son discours de politique générale, prend une tonalité bien sûr particulière tandis que vient de s'ouvrir l'année de la bataille pour l'emploi.

Il s'ajoute aux réformes et mesures déjà mises en oeuvre par le Gouvernement pour lutter contre un chômage qui n'a cessé d'augmenter ces dernières années.

Ces mesures je les rappelle, car elles attestent d'une mobilisation sans précédent en faveur de l'emploi : emplois d'avenir – plusieurs milliers de contrats ont été déjà signés partout en France ; renforcement des équipes de Pôle Emploi ; dynamique tournée vers la croissance, en France comme en Europe ; pacte de compétitivité ; investissements pour l'innovation, la recherche, l'éducation, les formations ; sans oublier, bien sûr, les accords sur l'emploi obtenus, là encore, à l'issue du dialogue social.

Le contrat de génération est issu d'une conviction forte : l'idée simple et ambitieuse d'une amélioration de l'accès des jeunes à l'emploi durable, qui ne doit plus résulter d'une stratégie consistant à pousser les seniors hors du marché du travail. Dans les entreprises et sur le terrain, deux questions reviennent trop souvent, qui finissent, en période de crise économique, par obséder les salariés. Chez les plus anciens : « Quand allons-nous partir ? ». Chez les plus jeunes : « Quand allons-nous pouvoir entrer, et avec quel statut ? ».

Ce projet de loi, qui repose sur trois objectifs, apporte une réponse claire, fondée sur l'indispensable réconciliation des âges et la solidarité entre les générations : en finir avec l'opposition des jeunes et des moins jeunes.

Le premier objectif est l'emploi des jeunes. Face aux chiffres désastreux du chômage et au constat que l'âge moyen du premier emploi stable ne cesse de reculer – il est aujourd'hui de 27 ans –, il est urgent de permettre aux jeunes d'accéder rapidement à l'emploi durable et de les sortir des contrats précaires. Voilà l'enjeu numéro un de la bataille pour l'emploi.

Le deuxième objectif est le maintien des seniors dans l'entreprise. Le faible taux d'emploi des seniors – 41 % en moyenne – doit être surmonté collectivement, en permettant à ces salariés d'atteindre la retraite sans crainte du licenciement.

Qui, dans cette assemblée, n'a été témoin de situations dramatiques, qui voient des hommes et des femmes privés de leur emploi du jour au lendemain, alors que l'on sait qu'à cet âge il est si difficile de trouver un emploi ?

Le contrat de génération permettra demain à des centaines de milliers de salariés de ne plus subir cette expérience.

Quant au troisième objectif – l'intégration des jeunes dans l'entreprise –, c'est un moment particulier qui nécessite un accompagnement.

Le contrat de génération a été pensé pour favoriser cette intégration en utilisant la formation et les compétences acquises par le jeune et en les renforçant avec les connaissances et les compétences propres à l'emploi qu'il occupe. Quelle rupture !

J'ajoute que, bien que ce ne soit pas sa fonction première, le contrat de génération permettra à des dizaines de milliers d'artisans de transmettre une vie de travail à un jeune repreneur dans de bonnes conditions – ce qui n'est pas rien, quand on connaît les enjeux de cette reprise d'activité pour notre territoire. Je pense notamment aux artisans des territoires ruraux, qui attendaient un signe fort, mais aussi, bien sûr, à tous ces citoyens qui conserveront ainsi leurs services de proximité, ces commerces dont ils ont tant besoin.

Faisant suite à l'important travail d'auditions et de synthèse réalisé avec le rapporteur Christophe Sirugue, le groupe socialiste, républicain et citoyen a déposé des amendements en commission comme en séance. Notre but n'est pas de dénaturer le projet de loi équilibré présenté par le Gouvernement – projet qui répond aux attentes des partenaires sociaux tout en laissant augurer d'un dispositif à la fois pragmatique et audacieux – mais d'apporter un certain nombre de précisions destinées à sécuriser par endroits le dispositif. Il s'agirait d'éviter, par exemple, qu'un salarié puisse être licencié dans le seul but de le substituer par un autre, pour bénéficier de l'aide. Dans un registre similaire, il conviendrait également d'ôter tout risque de voir licenciés des salariés âgés de moins de 26 ans et déjà en CDI, de façon à ce que l'arrivée des uns ne se traduise pas par le départ des autres.

S'agissant de la pénalité pour les entreprises d'au moins 300 salariés et n'ayant pas obtenu d'accord collectif, elle doit bien sûr s'appliquer, mais nous souhaitons éviter un système binaire en donnant à l'autorité administrative compétente la possibilité de fixer le montant de ladite pénalité au regard des efforts consentis par l'entreprise, mais aussi du contexte et de sa santé économique et financière.

Nous proposons également des précisions pour lutter contre toutes les formes de discrimination à l'embauche. C'est important. Il s'agit de garantir l'égalité professionnelle entre hommes et femmes lors de l'établissement de l'accord collectif, et d'assurer la mise en oeuvre des objectifs d'accès à l'emploi en portant une attention particulièrement vigilante à la lutte contre tout stéréotype lié à l'âge ou à l'origine.

Il y a également des précisions visant à améliorer et à adapter les conditions de travail des seniors. L'expérience et les compétences acquises par les salariés au cours d'une carrière sont bien trop précieuses pour qu'il n'en soit pas tenu compte.

D'autres précisions visent à éviter les risques d'effets d'aubaine. Nous proposons que les accords conclus avec les représentants du personnel fixent des objectifs chiffrés et précis en matière de recrutement des jeunes en CDI, d'embauche en général mais aussi de maintien des seniors dans l'emploi, juste contrepartie des aides reçues. C'est toujours le souci d'éviter les effets d'aubaine qui motive notre amendement tendant à ce que le versement des aides cesse dès la rupture du contrat par l'une des trois parties ou quand l'un trois objectifs initiaux n'est pas rempli.

Il faut aussi préciser comment laisser vivre les contrats signés en cas d'imprévu, et préserver ainsi la dynamique des entreprises. Nous proposons donc qu'en cas de démission d'un salarié, qu'il soit jeune ou senior, l'employeur perçoive l'aide, plafonnée, pour la durée nécessaire au recrutement d'un salarié en remplacement.

Enfin, nous apportons des précisions pour que le dispositif créateur d'emplois puisse être utilisé par nos entreprises le plus tôt possible. À cet effet, le groupe SRC a proposé que les premiers contrats de génération puissent être signés de manière rétroactive avec effet au 1er janvier 2013.

J'en termine par un aspect important de notre réflexion, que nous souhaitons voir aborder. La règle générale doit être le contrat à durée indéterminée à temps plein. Mais, de façon à tenir compte de certaines situations pouvant conduire à ce que le jeune salarié ne soit pas en recherche d'un plein temps, nous souhaitons que certaines dérogations soient inscrites dans la loi, à la double condition que la demande provienne du jeune et que le temps de travail soit au minimum de 80 % afin de sécuriser le jeune et de lui assurer un revenu permettant de sortir de la précarité. Cela a du reste été très largement évoqué lors de la grande conférence sociale de juillet dernier.

Mes chers collègues, le compte est là et les promesses sont tenues : 500 000 contrats de génération disponibles pour nos entreprises, ce sont 500 000 emplois durables pour des jeunes salariés et bien plus encore de seniors confortés dans leur carrière.

C'est un dispositif qui incite ou contraint les entreprises à faire aboutir des accords professionnels collectifs pour le bien de tous les salariés. Il incite ou contraint, disais-je, car il s'adapte à la réalité de toutes les entreprises, toutes n'ayant pas les mêmes leviers en matière d'emploi, ni les mêmes capacités de négociation

J'ai confiance, je sais que cette assemblée votera largement…

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