Intervention de Isabelle Le Callennec

Séance en hémicycle du 15 janvier 2013 à 15h00
Contrat de génération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le chômage des jeunes augmente et s'établit à 25 % dans notre pays, alors qu'il reste contenu chez certains de nos voisins européens. Ce n'est donc pas une fatalité et nous devons tout mettre en oeuvre pour faire reculer ce fléau efficacement, durablement, en commençant par cesser d'accabler les entreprises d'impôts, taxes et autres normes asphyxiantes si l'on souhaite qu'elles embauchent, singulièrement des jeunes.

Nous examinons aujourd'hui le texte portant création des contrats de génération. Il concerne a priori tous les jeunes et s'adresse aux entreprises du secteur marchand, du secteur productif, de celui qui crée la richesse et l'emploi.

Pour l'UMP, ce projet de loi comporte de nombreuses zones d'ombre sur lesquelles je reviendrai, mais, en opposante constructive, je commencerai par souligner les points positifs avant de proposer des améliorations.

Premier point positif : le principe du contrat de génération a fait l'objet d'un accord de l'ensemble des partenaires sociaux, patronat et syndicats. Il apparaît par conséquent malaisé de rejeter ce texte en bloc. Contrairement à une idée reçue, nous vous rejoignons sur la nécessité d'un véritable dialogue social dans notre pays et accueillons positivement les accords lorsqu'ils aboutissent. Je pense en cet instant à l'accord sur la flexisécurité à la française qui vient d'être conclu, même s'il convient de rester extrêmement vigilant sur sa portée et sa mise en oeuvre à terme.

Deuxième point positif : l'esprit du texte qui consiste à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes dans l'entreprise via un contrat à durée indéterminée tout en maintenant en activité des salariés en fin de carrière, et en veillant à la transmission des compétences des uns aux autres. Cette idée est séduisante, tant le niveau de chômage ou d'inactivité de ces deux catégories de la population est élevé : 19 % des personnes âgées de 60 à 64 ans occupait un emploi en 2011 dans notre pays, contre 31 % dans l'Union européenne.

Permettez-moi d'observer que cette idée de favoriser l'emploi des seniors est nouvelle chez certains d'entre vous. Pendant tant d'années, vous nous avez vanté le partage du travail, les 35 heures, les vertus de la retraite anticipée ou le plus tôt possible pour laisser prétendument la place aux jeunes. Or dans les faits, le travail crée le travail et les pays qui ont le taux d'emploi des seniors le plus élevé sont aussi parmi ceux qui ont le taux de chômage le plus faible. Je salue votre conversion.

Venons-en aux principales évolutions souhaitables que vous avez d'ailleurs évoquées, monsieur le ministre. Je ne doute pas que, contrairement aux us et coutumes de cette maison que je découvre depuis six mois, vous serez enclin à accepter certains de nos amendements. Comme plusieurs orateurs l'ont rappelé, il nous faut lever ensemble le principal risque identifié par tous : l'effet d'aubaine qui, selon l'OCDE, plane a priori sur 80 % des contrats. Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je retiendrai les deux améliorations les plus importantes.

La première concerne la formation. Après avoir évalué les compétences du jeune à l'embauche, l'entreprise d'accueil s'engagerait à mettre en place des actions de formation et à assurer un suivi des acquis du jeune salarié afin qu'il accroisse ses compétences, condition de son insertion durable dans l'entreprise ou plus largement sur le marché du travail.

Deuxième amélioration : la désignation au sein de chaque entreprise d'un tuteur clairement identifié, formé à cet effet, chargé de suivre le jeune, de l'accompagner et de s'assurer de la transmission des compétences. Ce principe de parrainage que l'on retrouve dans l'alternance ou l'apprentissage a fait ses preuves, vous le savez parfaitement, monsieur le ministre. Je le mesure chaque jour sur le territoire dont je suis l'élue, où le taux de chômage est deux fois inférieur à la moyenne nationale et où plus du tiers des salariés travaillent dans l'industrie.

Venons-en aux principales zones d'ombre. La première, ce sont ces pénalités applicables aux entreprises de plus de 300 salariés. Pour elles, point de carotte financière, seulement le bâton de la sanction. Pourquoi cette défiance a priori ? Laissons à tout le moins à ces entreprises davantage de temps pour adopter un accord collectif ou un plan d'action avant d'envisager une pénalité financière qui aurait pour conséquence de les fragiliser. N'appliquons pas de pénalités aux entreprises qui subissent des difficultés conjoncturelles ou structurelles liées au ralentissement de leur marché, indépendantes de leur volonté. Exonérons de pénalités les entreprises ayant conclu un accord seniors ou un accord pénibilité. Exonérons de pénalités les entreprises aux offres d'emploi non satisfaites, qui peinent à recruter alors qu'elles proposent des emplois.

Deuxième zone d'ombre, qui est de taille : le coût et le mode de financement de cette mesure. Le coût est estimé à 180 millions d'euros en 2013, à 540 millions d'euros en 2014, à 790 millions d'euros en 2015, à 920 millions d'euros en 2016. Où comptez-vous trouver ces sommes ? Dans les pénalités versées par les entreprises de plus de 300 salariés qui n'auront pas joué le jeu ? Le rapporteur nous a précisé qu'il n'en attend aucun rendement. Une ponction sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, rogné avant même d'être distribué ? Nous attendons du débat parlementaire des réponses claires à cette question du financement qui vous poursuivra d'ailleurs durant tout le quinquennat : nous sommes bien là dans notre rôle de contrôle du Gouvernement.

Pour conclure, je n'ai à titre personnel pas d'opposition de principe à ce texte mais j'ai une grande vigilance et sans doute moins d'enthousiasme que le ministre du travail lorsqu'il évoque les contrats de génération. Ils sont un moyen mais ne régleront pas tout, loin de là.

Pour rappel, ce que nous demandent en priorité les entreprises ce ne sont pas des subventions ou des contraintes supplémentaires, mais de créer les conditions favorables à l'esprit d'entreprise : le soutien à l'innovation, la baisse des charges, l'harmonisation des règles, l'amélioration du système d'orientation et de formation professionnelle. C'est d'abord à ces conditions que nous irons chercher les points de croissance nécessaires à la création nette d'emploi et au recul du chômage.

En conséquence, mon vote dépendra de l'évolution de nos débats et de vos réponses à nos interrogations.

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