Intervention de Élisabeth Guigou

Séance en hémicycle du 16 janvier 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'engagement des forces francaises au mali et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, la décision du Président de la République de répondre favorablement à la demande d'assistance militaire du Mali, confronté à une agression terroriste caractérisée, est une décision légale et légitime.

La légalité de cette intervention est fondée. Le droit de légitime défense est reconnu par l'article 51 de la charte de l'ONU qui permet à un État confronté à une agression de demander l'assistance militaire d'un autre État. Sa légitimité, concept plus subjectif il est vrai, est également établie. Il fallait en effet absolument arrêter une agression qui menaçait Mopti et au-delà Bamako et qui pouvait aboutir à la création d'un État dirigé par des narcoterroristes. Sa légitimité est également établie par le soutien quasi-unanime dont notre pays bénéficie de la part de la communauté internationale comme de la population du Mali, qui se réconcilie pour acclamer nos forces.

Hier, le ministre des affaires étrangères du Mali, M. Coulibaly, entendu par la commission des affaires étrangères, a remercié notre pays de façon émouvante et a récusé avec force les accusations de néocolonialisme, donnant pour preuve de la gratitude du peuple malien à l'égard de notre pays le fait que deux bébés nés dans le nord du Mali ont été baptisés Damien Boiteux.

La décision du Président de la République comporte bien sûr des risques, en particulier pour nos otages, mais elle veut conjurer le risque plus grand encore que le Mali devienne un État sanctuaire du terrorisme à partir duquel AQMI aurait été en mesure de prendre encore plus d'otages et de lancer des attentats partout en Afrique ainsi que contre notre pays et d'autres pays européens. La rapidité de la décision du Président de la République était à la hauteur de l'urgence et du risque que le Mali et notre pays encouraient. Elle n'a nullement affecté les droits de notre Parlement. Notre Constitution reconnaît au chef de l'État le droit de prendre des décisions exceptionnelles lorsque les circonstances l'exigent et le Parlement a été informé dans les délais requis par cette même Constitution.

Je ne doute pas non plus que cette opération soit à la portée de notre armée dont le dévouement et l'efficacité font notre admiration. Nous ne sous-estimons pas, monsieur le ministre, le risque de l'enlisement. Mais comme le Président de la République l'a affirmé avec force, nous n'avons pas vocation à maintenir au Mali un dispositif militaire permanent.

Le Premier ministre nous a indiqué hier que la France poursuivait trois objectifs : mettre en échec l'agression et dissuader ses auteurs de la répéter, préserver l'existence de l'État malien et lui permettre de retrouver son intégrité territoriale et préparer le déploiement d'une force d'intervention africaine. Pour atteindre ces objectifs politiques, quelles sont, monsieur le ministre, les instructions stratégiques données à notre armée ? Quelles sont les missions de nos forces armées avant qu'elles puissent passer le relais à d'autres forces, celles de la MISMA, qui doivent restaurer l'intégrité territoriale du Mali ?

Il est probable que les forces terroristes coalisées ont entrepris cet assaut afin de devancer la restauration de l'armée malienne et le déploiement de la MISMA prévu par la résolution 2085. Mais l'on peut penser, et en tout cas souhaiter, que cette nouvelle agression provoque un sursaut salutaire et lève les freins qui ralentissaient la mise en oeuvre des décisions de l'ONU.

Je veux saluer la réaction de l'Algérie, qui a su dominer sa prévention de principe à l'égard des interventions occidentales au profit du principe de la solidarité interafricaine. Le voyage du Président de la République a sans doute permis de créer un nouveau climat dans nos relations. Que nos amis algériens soient assurés que nous ne nourrissons aucun projet néo-colonialiste et que notre voeu le plus cher est que les Africains soient en mesure de prendre en mains complètement leurs propres difficultés !

Je me félicite également que ces événements aient provoqué en Afrique une prise de conscience et que s'accélère la mise en oeuvre de la MISMA. Je me réjouis que la Commission européenne ait pris la décision de débloquer l'aide budgétaire dont le Mali a un besoin absolu. L'Union, j'en suis sûre, saura mettre en oeuvre rapidement ses engagements relatifs à la formation de l'armée malienne et à sa contribution au financement de la MISMA.

Mais nous devons aussi entreprendre un travail de persuasion auprès de nos alliés européens. Un conseil des affaires étrangères extraordinaire se réunit demain afin de mobiliser l'Union européenne pour cette cause. Nous attendons de chaque État membre de l'Union qu'il manifeste sa solidarité…

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