Intervention de Philippe Gomes

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 15h00
Rénovation des casernes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe UDI ne peut que partager le constat présenté dans cette proposition de loi : les conditions de logement de certains militaires et gendarmes sont absolument inadmissibles. Elles sont indignes dans certains cas, cela a été rappelé à plusieurs reprises.

Elles sont d’autant plus inadmissibles – au-delà du fait que l’État ne tient pas les engagements qu’il prend à l’égard de ses fonctionnaires lorsqu’ils sont recrutés – lorsque l’on connaît l’engagement sans faille de nos forces de l’ordre pour leur pays.

Alors que nous traversons une période particulièrement trouble, nous avons plus que jamais besoin de nos policiers, de nos gendarmes et de nos militaires pour contribuer à instaurer un climat de sécurité et de paix dans notre pays lourdement fragilisé par la menace terroriste. Au nom du groupe UDI, j’aimerais une nouvelle fois rendre hommage à nos forces de l’ordre dont le travail exemplaire mérite à la fois respect et reconnaissance.

Et si les marques de soutien à leur égard sont de plus en plus importantes, notamment de la part de nos concitoyens, les actes restent, malheureusement, trop souvent insuffisants. Comment préserver le dévouement de ces hommes et de ces femmes, alors même que nous ne sommes pas capables de mettre en place des conditions de travail décentes, conformes aux engagements pris lorsqu’ils ont intégré leur corps ?

Cette proposition de loi ne traite finalement que d’un problème parmi tant d’autres, à savoir la vétusté des logements des gendarmes et des membres de l’armée française. Je dis « parmi tant d’autres », car depuis plusieurs années, les moyens alloués à notre « sécurité » ne cessent de se dégrader : suppressions de postes, insuffisances en matière de matériel, crédits limités en matière de fonctionnement – à une certaine époque, le quota kilométrique était réservé pour que les crédits inscrits en matière de carburant soient consommés dans la limite de l’inscription. Il est clair que, sur ce sujet comme sur tant d’autres, nous avons, au cours de la décennie écoulée et peut-être même avant, abandonné ce qui relève du régalien, c’est-à-dire des fonctions essentielles de souveraineté d’un État.

Le groupe UDI a régulièrement alerté le Gouvernement sur ce sujet, notamment lors des débats budgétaires.

Outre le manque chronique d’effectifs, amplifié par l’accroissement important de la charge de travail à la suite des attentats de janvier et de ceux du 13 novembre, nos forces de l’ordre doivent faire face à de lourdes carences en matière d’équipement, qui touchent aussi bien les véhicules et les armements que les logements.

Assurer des logements décents à nos militaires, à nos gendarmes et à leurs familles, mis quotidiennement à rude épreuve, est le minimum de ce que nous leur devons. Si un tel postulat peut paraître relever du bon sens, ce bon sens a du mal à se traduire dans les faits : nous assistons au contraire depuis plusieurs années, comme l’ont relevé les orateurs précédents, à la lente dégradation des logements, notamment des casernes.

La responsabilité n’en revient, bien entendu, pas seulement à l’actuel gouvernement ; elle est partagée par la droite et la gauche. Les investissements immobiliers ont connu sous la précédente législature des baisses importantes, qui se sont inlassablement poursuivies sous l’actuel quinquennat.

Le texte proposé par notre collègue François de Mazières, dont je salue le travail et l’implication, est incontestablement une première étape pour résorber un problème malheureusement bien plus profond.

En effet, la situation se révèle particulièrement préoccupante dans une centaine de casernes, où l’État n’a toujours mis aux normes de sécurité le réseau électrique ni les ascenseurs. Cela a été dit, la situation est, dans certains cas, proche de l’insalubrité. Ce constat vaut plus particulièrement pour le parc domanial, dont l’État est directement propriétaire.

Monsieur le rapporteur, vous évoquez souvent l’exemple de la caserne de Melun qui abrite 556 logements. Alors que le coût de sa rénovation a été estimé à cinquante millions d’euros, l’ancien Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, ne s’était engagé qu’à hauteur de dix millions d’euros pour l’ensemble du parc immobilier de la gendarmerie, fin 2013 et si le Gouvernement a récemment annoncé une enveloppe annuelle de soixante-dix millions d’euros sur la période 2015-2020 pour son plan de réhabilitation immobilier pluriannuel pour la gendarmerie, la lecture des chiffres montre que nous sommes loin du compte.

Plusieurs bureaux d’étude civils ont en effet chiffré le besoin annuel de construction et de réhabilitation de casernes à trois cents millions d’euros. Il existe aujourd’hui un fossé abyssal entre les besoins et les moyens débloqués par l’État, d’autant plus que nous n’avons ici évoqué que l’existant et que nous devons également faire face à un manque criant de casernes pour le logement de l’ensemble des personnels.

Pour compenser un tel déficit, le parc locatif a connu un important développement, qui a entraîné des effets d’aubaine prévisibles. Aujourd’hui, le parc immobilier de la gendarmerie se compose de casernes domaniales et de casernes locatives, qui appartiennent à des collectivités territoriales, mais aussi à des partenaires privés et donnent donc lieu au versement de loyers. Or, avec le développement du parc locatif, les loyers ont augmenté, alors même que nombreux ménages pourraient être éligibles à des logements sociaux.

Nous sommes tous conscients du problème, et la principale difficulté, véritable mur auquel nous nous heurtons constamment, réside dans le financement. Comment, en effet, espérer dégager des fonds supplémentaires dans une période de contrainte budgétaire sans précédent ?

Devant le Congrès réuni à Versailles, le Président de la République a affirmé que le pacte de sécurité l’emportait sur le pacte de stabilité. Cette formule valait engagement quant aux moyens supplémentaires alloués par l’État aux forces de l’ordre, notamment en matière de création de postes et d’acquisition d’équipements.

Bien qu’il n’ait jamais considéré qu’il fût pertinent d’opposer les deux idées de sécurité et de stabilité, le groupe UDI demande toutefois des engagements concrets, qui aillent dans le sens des propos tenus par le Président de la République ou, du moins, s’inspirent de leur esprit.

Cette proposition de loi offre précisément une solution réfléchie et sensée en proposant d’intégrer dans les missions de l’ANRU, et à titre exceptionnel, un nouveau programme de réhabilitation des casernes.

L’ANRU, dont plusieurs orateurs ont rappelé avant moi qu’elle avait été créée par Jean-Louis Borloo, peut tout à fait servir de support à cette mission. Un tel mécanisme n’est d’ailleurs pas nouveau puisqu’en 2008, il avait déjà été prévu de verser à l’ANRU une enveloppe de quarante millions d’euros pour réhabiliter les collèges les plus dégradés. La création d’un nouveau programme par l’ANRU permettrait donc de réhabiliter les casernes dégradées qui sont toujours en activité et qui relèvent des ministères de la défense et de l’intérieur.

Fin 2014, l’ANRU s’est vu doter d’une enveloppe de cinq milliards d’euros au titre du nouveau programme national de renouvellement urbain, ou PNRU, pour la période 2014-2024. Mobiliser une partie de ces fonds pour la rénovation de casernes est une idée d’autant plus intéressante que certaines d’entre elles se trouvent déjà à proximité d’opérations de rénovation urbaine.

Si donc il apparaît que les travaux de rénovation peuvent être pris en charge par l’ANRU, dont on connaît la qualité de l’expertise dans ce domaine, un tel dispositif soulève néanmoins quelques interrogations. Tout d’abord, le PNRU est-il en mesure de mobiliser de tels fonds pour les casernes ? Ensuite, les objectifs initiaux du nouveau PNRU, à savoir la réhabilitation de plus de deux cents quartiers prioritaires, ne risquent-ils pas d’être revus à la baisse ? En effet, chers collègues, la sécurité se joue également dans ces quartiers, souvent délaissés et particulièrement pauvres, où la délinquance, mais aussi la radicalisation, prennent de plus en plus souvent racine.

Lors de l’examen de ce texte en commission des affaires économiques, le président de l’ANRU, M. François Pupponi, a formulé un engagement que je trouve particulièrement constructif et consensuel. Il a en effet rappelé qu’il n’y avait aucune difficulté à ce que l’ANRU intervienne pour les casernes situées dans les quartiers prioritaires ou à proximité de ces quartiers. Il a également indiqué qu’une réunion devait se tenir très prochainement sur ce sujet avec l’ensemble des partenaires concernés. Il a enfin été proposé d’examiner au cas par cas et en concertation avec la direction générale de l’ANRU l’état des casernes qui ne se trouvent pas dans un quartier prioritaire.

Ce compromis, même s’il est limité et n’est à la hauteur ni des enjeux et des ambitions, ni de nos devoirs envers les forces de l’ordre, me paraît toutefois être un geste dans la bonne direction, susceptible de permettre à cette proposition de loi de se concrétiser. Les échanges doivent désormais se poursuivre au Sénat sur ce sujet qui revêt, me semble-t-il, toute son importance dans le contexte national particulier que nous connaissons.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI ne s’opposera pas à ce que nous considérons comme un appel solennel au Gouvernement à oeuvrer sur un point majeur pour l’avenir de nos forces de l’ordre.

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