Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Réunion du 1er décembre 2015 à 17h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain :

Si vous me permettiez un jeu de mots, je dirais que vous avez su prendre le taureau par les cornes, ou plutôt par l'école. En brisant bien des tabous, vous avez su mettre mots et maux sur la table. C'est un travail à la fois intéressant et compliqué.

Vous nous avez dit que, dans l'enseignement public, 40 % de collégiens sont issus de milieux populaires contre 19 % d'enfants de parents très favorisés, alors que, dans l'enseignement privé, 20 % de collégiens sont d'origine défavorisée, contre 36 % de collégiens de milieu aisé. Je voudrais constater, a contrario, que les élèves qui n'appartiennent ni à des familles aisées ni à des familles défavorisées représentent donc respectivement 41 % des élèves dans le public et 44 % dans le privé. La différence n'est donc pas si grande entre les deux.

Nous devons plutôt affronter la question de l'effet d'entraînement, vers le haut comme vers le bas, qui nous renvoie elle-même à la question des moyens. Vous nous avez expliqué qu'il y a seulement 1,6 élève de moins par classe entre les écoles primaires de l'éducation prioritaire et les autres, et que seulement 1,8 % du budget de l'enseignement scolaire est donné en plus à l'éducation prioritaire. Autant dire que le déploiement de ces moyens ne peut quasiment pas avoir de conséquences sur l'encadrement des élèves. C'est une faiblesse considérable de notre système. Peut-être la technique de l'allocation des moyens est-elle à revoir ?

Si, comme vous l'avez expliqué, seuls 3,25 % des postes du second degré étaient en 2014 des postes spécifiques académiques et que 37 % des enseignants de l'éducation prioritaire avaient moins de 35 ans pour cette même année, force est de constater que l'éducation prioritaire n'est pas une… priorité ! Le différentiel avec les autres classes est trop faible. Loin de toute analyse évanescente, nous devons regarder ici de plus près la réalité des faits.

Vous ne reculez pas devant l'emploi de l'adjectif « ethnoculturel » ou l'emploi du mot « race ». Nous avons pourtant supprimé ce dernier de toute notre législation. Je comprendrais la recherche de raisons culturelles, mais je m'interroge sur le recours à une notion ethnoculturelle pour laquelle je ne connais pas de définition scientifique.

Vous avez su exprimer la complexité du système actuel, qui implique potentiellement à la fois les conseils municipaux, les conseils départementaux et les conseils régionaux, ainsi que les DASEN, dans la construction de la carte scolaire. Vous constatez en effet le nombre insuffisant de conventions encadrant l'échange de données entre les DASEN et les services compétents des collectivités, ainsi que la rareté des outils cartographiques et des structures dédiées. L'ensemble donne une impression de chaos, voire de manque de professionnalisme. L'éducation nationale l'est décidément bien peu. En réalité, l'hétérogénéité règne et les collectivités territoriales sont totalement démunies. Il faut donc développer les moyens de dialogue entre elles.

Que le taux de demande de dérogation des élèves boursiers oscille autour de 5 % en sixième et en seconde, voilà certes qui pose question. Est-ce pourtant le bon critère à prendre en compte ?

Vous écrivez par ailleurs qu'en 2014, environ 56 % des demandes d'entrée par dérogation dans les collèges parisiens ne sont pas liées aux priorités ministérielles que sont la bourse ou le handicap ou bien à des parcours scolaires particuliers, mais à des critères de confort, tels que le rapprochement de fratrie, la proximité du domicile ou du travail ou encore d'autres motifs non répertoriés par les circulaires. A contrario, 44 % des demandes entrent donc dans le cadre des priorités ministérielles ; je m'en félicite. Encore la famille n'est-elle être pas toujours préparée mentalement à un changement d'établissement, qui peut créer une autre forme de non-mixité sociale. À cet égard, je pense qu'il sera difficile de toujours connaître la catégorie socio-professionnelle des parents d'élèves, mais que cette démarche a pour elle d'être rationnelle.

Votre travail est remarquable. J'ai présidé la fédération départementale des parents d'élève de l'Hérault, département très divers tant par sa géographie que par sa sociologie. Forte de cette expérience, je puis vous dire mon étonnement que de telles recherches n'aient pas été réalisées avant. Je vous dis bravo !

Je crois que, si la présente allocation des moyens ne se traduit pas en résultats scolaires, nous devons nous interroger sur son efficacité. Il ne s'agit pas d'un système, mais du sort des enfants, avec leurs parents, leur milieu et leur trajet jusqu'à l'école. Chacun d'entre eux a un potentiel. Chacun d'entre eux doit être au coeur du système.

Pour finir, je voudrais dire que l'école est d'abord un lieu de vie, et plus singulièrement la cour de récréation. C'est là qu'il faut regarder, car c'est là que les élèves peuvent être submergés par une sensation d'abandon. Il y faut plus d'accompagnement, il faut plus d'adultes dans les cours de récréation !

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