Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du 16 décembre 2015 à 21h30
Transports collectifs de voyageurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérald Darmanin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, je voudrais tout d’abord remercier Gilles Savary pour son écoute attentive, même s’il n’a pas toujours été favorable aux amendements de l’opposition, laquelle a pourtant pris une part active au travail en commission. Pour montrer notre bonne volonté, nous avons décidé d’écourter la discussion en renonçant à défendre une motion de renvoi en commission. La suite de la discussion nous dira si nous pouvons voter la proposition de loi ; pour l’heure, nous privilégions une abstention constructive.

Cette proposition de loi très attendue – je ne reviendrai pas sur les vicissitudes qui en ont provoqué le report – comporte trois thèmes.

Le premier est le terrorisme. Bien évidemment, nous vous soutenons dans vos démarches, même si nous regrettons que vous n’ayez pas adopté l’amendement présenté par Mme Pécresse sur les « fiches S » et la transmission d’informations par le préfet à la plupart des AOT et aux présidents de la SNCF et de la RATP. On a certes retenu un mécanisme de criblage ; toutefois, monsieur le rapporteur, nos débats nous conduiront certainement à nous demander quoi faire si un employé de la SNCF ou de la RATP a été criblé ; en effet, ces entreprises, tout comme les AOT, n’auraient pas aujourd’hui la possibilité de le licencier, puisque le criblage ne signifie pas qu’il y a eu radicalisation ou passage à l’acte. Or, même si nous ne sommes pas dans Minority Report, nous devons avoir conscience qu’un conducteur de TGV ou un aiguilleur peut être mieux armé que celui qui tient en main un pistolet.

Deuxième thème : la sécurisation. Les propos pleins de bon sens de notre collègue de Rugy nous ont satisfaits. La sécurisation permet bien évidemment d’accroître les recettes des exploitants des transports en commun ; si les gens, notamment les publics sensibles, s’y sentent mieux, ils pourront y circuler tôt le matin ou tard le soir ; cela concerne non seulement les femmes – nous souscrivons aux amendements de nos collègues –, mais aussi les jeunes et les personnes qui cherchent un emploi dans les quartiers prioritaires de politique de la ville. Tout cela permettra de réduire le nombre de véhicules polluants et d’améliorer les transports.

Nous nous réjouissons, monsieur le rapporteur, des avancées sur les polices municipales et la sécurité, au sens large, dans les transports en commun. Toutefois, nous avons été quelque peu surpris par l’argumentation développée par M. le ministre – surtout s’agissant d’un ministre venant de province ! Nous demandons en effet, via les amendements que j’ai déposés, que les AOT bénéficient du même régime que la RATP et la SNCF à Paris, de manière qu’à Lille par exemple, l’on puisse disposer de l’équivalent de la Surveillance générale – la SUGE. Certes, M. le rapporteur a fait quelques avancées, et nous l’en remercions, mais il nous a aussi expliqué que cela nous coûterait plus cher ; nous considérons pour notre part qu’il s’agit d’une étrange atteinte à la province de la part d’un ministre venant de Cherbourg et d’un rapporteur député de la Gironde. Mais peut-être nous expliquerez-vous comment les AOT pourront, elles aussi, bénéficier d’une sécurisation au nom, non pas d’agents de sécurité privés, mais de sociétés comme Keolis ou Transdev.

Enfin, le troisième thème, qui nous paraît le plus essentiel, est la fraude. Nous n’avons toujours pas compris pourquoi vous avez refusé l’amendement que nous avions déposé avec Mme Pécresse sur la présentation obligatoire d’une pièce d’identité pour finalement en accepter un autre qui prévoit l’obligation de présenter un document attestant de son identité. La subtilité dépasse les capacités de compréhension de l’opposition !

Quoi qu’il en soit, nous nous réjouissons que la présentation d’un tel document soit rendue obligatoire, même si, nous l’avons bien compris, il existe un risque de censure de la part du Conseil constitutionnel et si l’opposition ne prend pas les contrôleurs et les agents de sûreté pour des policiers nationaux – ce qu’il importe de souligner, monsieur le ministre. En revanche, s’il est vrai qu’il peut exister de fausses pièces d’identité, de nombreuses personnes refusent tout bonnement de montrer les leurs aux contrôleurs. Il faudrait des contrôles en commun avec des policiers nationaux ou municipaux pour les y obliger : ce serait du temps perdu pour les forces de l’ordre, au moment même où le ministre cherche en accroître le nombre pour les affecter à des tâches plus « utiles ». Résultat : si une personne fraude dans le métro, à Tourcoing par exemple, et refuse de présenter sa pièce d’identité au contrôleur, il faudra attendre qu’un policier national ou municipal se rende sur place et que le fraudeur patiente sagement une heure dans le métro sur le coup de vingt-trois heures ! Et si cet individu persiste dans son refus, il faudra bien deux ou trois policiers pour l’emmener au commissariat et contrôler son identité – ce qui prendra quatre heures. Tout cela pour dresser un procès-verbal, dont on sait que seulement 14 % sont payés : quelle déperdition de forces !

Nous souhaitons aussi, de même que le rapporteur, qu’il y ait des évolutions dans le domaine fiscal ; sans doute faudra-t-il que Bercy y mette un peu plus du sien pour le recouvrement des amendes. Il faudrait en outre une évolution du contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, sur ces questions ; mais je crois qu’un amendement a été adopté en ce sens et je remercie le rapporteur d’y avoir donné un avis favorable, afin que les AOT puissent lutter contre les fraudeurs et recouvrer les amendes sans que la CNIL ne joue en sens contraire.

Je terminerai, madame la présidente, en disant que les amendements portant sur ce que l’on appelle les « mutuelles de fraudeurs » sont très importants. Il me semble cependant que la fraude – dont le coût a été évoqué : 500 millions d’euros – représente surtout une forme d’insécurité. Tous les fraudeurs ne sont pas délinquants, mais il est assez rare que les délinquants qui utilisent les transports en commun, notamment en province, disposent d’un abonnement en bonne et due forme !

Il est donc très important que le Gouvernement accepte les évolutions proposées non seulement par M. le rapporteur, mais aussi par l’opposition. Nous espérons que le débat qui aura lieu tout à l’heure et demain nous permettra d’avancer encore plus, afin de voter votre proposition de loi, monsieur le rapporteur.

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