Intervention de Harlem Désir

Séance en hémicycle du 28 janvier 2016 à 9h30
Accord de coopération avec les États-unis en matière d'enquêtes judiciaires — Présentation

Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes :

Monsieur le président, madame la présidente et monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les députés, l’accord entre la France et les États-Unis, dit « Prüm transatlantique », soumis à votre approbation ce matin prend une importance particulière dans un contexte marqué par des attentats récents et une menace terroriste deux côtés de l’Atlantique. Il vise au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de combattre la criminalité grave et le terrorisme, une priorité absolue pour la France comme pour les États-Unis.

La France mène depuis longtemps une coopération judiciaire et opérationnelle très soutenue avec les États-Unis, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et la pédopornographie. Cette coopération fonctionne bien : en 2013, une centaine de commissions rogatoires internationales ont été traitées entre nos deux pays. C’est aussi un renseignement américain qui a permis, en juin 2012, la saisie de 113 kilogrammes de cocaïne dans le port du Havre – ce ne sont là que des exemples.

Cependant, et l’on peut s’en étonner, à l’exception du canal d’Interpol, cette coopération n’est pas institutionnalisée par un service centralisé, en raison d’une multiplicité d’acteurs fédéraux américains appartenant à différents ministères tous chargés, selon leur juridiction, de l’application de la loi. Jusqu’à présent, il n’existait en effet aucun accord bilatéral de coopération entre la France et les États-Unis en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de combattre la criminalité grave et le terrorisme, alors que vingt-trois États membres de l’Union européenne en disposent déjà, dont nos principaux partenaires, en particulier l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.

Cet accord, signé en mai 2012 et approuvé par le Sénat le 4 juin dernier, renforcera donc indéniablement les échanges opérationnels entre nos pays.

Plus spécifiquement, l’accord qui est soumis à votre approbation vise à renforcer la coopération par des échanges d’informations sur les profils génétiques et les empreintes dactyloscopiques – c’est-à-dire les empreintes digitales –, et à permettre la transmission spontanée d’informations à titre préventif.

Aujourd’hui, seules les données dactyloscopiques et génétiques permettent d’établir avec certitude l’identité des personnes recherchées et de procéder à des identifications précises lors de l’utilisation par un même individu d’états civils différents. Il est donc essentiel que toutes ces vérifications puissent être faites par la consultation des fichiers existants, dans le plein respect, bien évidemment, des libertés et des droits fondamentaux.

L’objectif est donc de permettre aux points de contact nationaux de nos deux pays d’accéder à nos bases respectives de données dactyloscopiques et génétiques pour une consultation automatisée, cas par cas.

Concrètement, le point de contact national de l’État requérant sera informé par voie automatisée de la concordance – ou non – des données enregistrées dans la base de données de l’autre État. Les consultations de données dactyloscopiques s’opérant dans le respect de la législation nationale de l’État qui est à l’origine de l’interrogation, elles ne seront utilisées, pour procéder à des comparaisons sur la base d’une interrogation du type : « Y a-t-il concordance ou non ? », que lorsque chaque législation nationale l’autorise et selon le principe de réciprocité.

C’est ainsi qu’en France, le point de contact américain pourra consulter le fichier national automatisé des empreintes génétiques pour les profils ADN et le fichier automatisé des empreintes digitales, dont la finalité est exclusivement judiciaire. Il en ira de même pour le point de contact français, qui pourra consulter les fichiers américains correspondants.

À ce stade, cette information ne constitue pas une donnée à caractère personnel. La seule information qui parvient alors à l’État à l’origine de l’interrogation est la confirmation – ou non – que l’empreinte de l’individu figure dans la base de données interrogée. Cette information ne permet pas l’identification directe de la personne concernée. En effet, cette identification n’est en aucun cas automatique et n’intervient qu’à une seconde étape. C’est un point essentiel pour nous.

L’accord prévoit aussi, en application de la législation nationale de chaque État, la possibilité d’échanger des informations en l’absence de requête lorsque certains faits laissent présumer que des personnes sont susceptibles de commettre des infractions.

Je veux insister sur ce point qui me paraît essentiel : cet accord concilie les exigences sécuritaires et la garantie des droits fondamentaux.

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