Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 28 janvier 2016 à 9h30
Accord de coopération avec les États-unis en matière d'enquêtes judiciaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’accord dont nous débattons aujourd’hui vise à renforcer la coopération entre la France et les États-Unis en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir la criminalité grave et le terrorisme et de lutter contre eux.

Il faut d’ores et déjà souligner que la coopération opérationnelle entre la France et les États-Unis dans ce domaine est par ailleurs active et efficace.

La collaboration de nos deux pays est en effet ancienne puisque deux accords nous lient déjà : le premier, signé en avril 1996, est relatif à l’extradition ; le second, adopté en décembre 1999, est relatif à l’entraide judiciaire.

Quels sont les objectifs et les raisons d’être de cet accord ?

Depuis 2001 nos pays – comme d’autres en Europe – comptent parmi les cibles du terrorisme – comme en témoigne hélas une actualité tragique – et les ramifications internationales de ces organisations criminelles sont extrêmement difficiles à arrêter.

En effet, le caractère international des mouvements terroristes et des réseaux du crime organisé, l’extrême mobilité de leurs membres, leur capacité à contourner les techniques d’investigation des services d’enquêtes rendent nécessaire l’intensification de la coopération de part et d’autre de l’Atlantique. Cette dernière, nous l’avons constaté, est en effet décisive et implique un échange d’informations utiles et exploitables par les services chargés de la sécurité des citoyens.

Ainsi, le présent accord permettra de faciliter des échanges d’informations concernant les profils ADN et les empreintes digitales.

Le but est de pouvoir identifier de manière incontestable, avec l’aide de données dactyloscopiques et génétiques, des personnes qui utilisent des identités multiples – le nombre de vols de passeport au Moyen-Orient montre en effet qu’un certain nombre de pièces administratives ne signifient plus rien.

Entamées en 2009, les négociations pour un accord de coopération policière sur ces échanges de données ont abouti, en mai 2012, à l’accord examiné aujourd’hui par notre assemblée.

L’échange d’informations de ce type peut légitimement soulever des inquiétudes. Il a donc été déterminé que ces échanges seront encadrés et effectués dans des conditions particulières. Ainsi, le champ du présent accord est un peu moins étendu que celui du texte européen dont il est inspiré – le traité dit de Prüm, de mai 2005 – puisqu’il encadre plus fortement les conditions d’envoi des données personnelles et n’en implique pas une transmission automatique. Par ailleurs, le système d’échange d’informations mis en place par cet accord ne concerne que les infractions relatives à la criminalité grave et au terrorisme. Ces droits de consultation devront donc être exclusivement employés dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une procédure d’enquête relatives à des crimes graves, visant une ou plusieurs personnes déterminées.

S’agissant des libertés individuelles, cet accord offre des garanties en matière de protection des données personnelles. Ces garanties sont détaillées à l’article 10, lequel érige en principes le respect de la confidentialité et la protection appropriée des données à caractère personnel transférées. En conséquence, les parties s’engagent à ne transmettre que les données à caractère personnel « adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont communiquées ». Elles doivent aussi s’assurer que toute erreur constatée soit signalée à la partie destinataire, en vue de sa rectification ; elles doivent, enfin, conserver les données transmises pendant la seule durée d’utilisation nécessaire à la procédure judiciaire.

Par ailleurs, il semble essentiel de souligner que la France refusera toute entraide dans une affaire judiciaire pouvant conduire à une condamnation à la peine de mort aux États-Unis. Ainsi, la France a le pouvoir de refuser de répondre positivement à une demande d’entraide judiciaire, si l’accomplissement de cette dernière peut porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre juridique ou à d’autres intérêts essentiels. Les États-Unis se sont également engagés à assurer la protection des données communiquées. Notre pays devra être vigilant quant à la réalité de sa mise en oeuvre. Un droit de recours adapté sera garanti à toute victime d’une violation de ses droits.

En outre, il a été décidé la mise en place d’un suivi et de consultations entre les parties au sujet de l’application de l’accord. Un an après sa mise en oeuvre, il est prévu que les parties se consulteront pour dresser un bilan de son exécution. L’accord pourra être suspendu en cas de manquement substantiel, et après consultation bilatérale des parties.

Je ne peux que saluer la conclusion de cet accord, qui a le mérite d’être fondé sur la réciprocité. Mon collègue Jacques Myard a souligné en commission combien nous tenions à cette réciprocité, qui fait défaut à d’autres accords conclus avec les États-Unis – je songe notamment à certains accords fiscaux. Il facilitera la coopération judiciaire entre la France et les États-Unis, dans une période où les services de police français et américains ont de plus en plus besoin d’échanger rapidement. Il paraît donc opportun que l’Assemblée nationale donne aux hommes qui oeuvrent pour garantir la sécurité nationale et internationale l’ensemble des moyens dont ils ont besoin. Le terrorisme ne connaissant pas de frontières, nous devons nous adapter. Enfin, cet accord permettra à nos compatriotes de garder le bénéfice de l’exemption de visa pour des séjours de moins de trois mois.

Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, le groupe Les Républicains votera en faveur de cet accord.

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