Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 4 février 2016 à 15h00
Lutte contre le hooliganisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Des personnes ont même été placées en garde à vue en raison du simple port de l’écharpe jaune et verte des supporters du Football club de Nantes. C’est absolument incompréhensible, d’autant plus que leur garde à vue a duré, me semble-t-il, près de quinze heures, gâchant non seulement la fin d’après-midi mais aussi la soirée et la nuit de ces personnes, la mesure n’ayant été levée que le lendemain matin.

D’une manière générale, l’interdiction pure, simple et générale des déplacements de supporters est une mesure extrême qui ne peut réellement se concevoir que dans des circonstances très particulières. Pour le coup, l’état d’urgence déclaré après les attentats de novembre a justifié de telles mesures ; je crois d’ailleurs que les clubs de supporters ont pu les comprendre. Elles ont d’ailleurs été levées alors que l’état d’urgence est toujours en vigueur, car on a bien vu qu’elles étaient disproportionnées. Je tiens à dire qu’il faut garder cet équilibre.

La proposition de loi que vous présentez, cher collègue Larrivé, comporte deux dispositions principales. L’article 1er autorise les organisateurs de manifestations sportives à refuser l’accès aux stades aux personnes portant atteinte à la sécurité de ces mêmes manifestations.

Il permet également aux clubs, dans certaines circonstances, de mettre en place « un traitement automatisé de données à caractère personnel » – c’est-à-dire un fichier – « relatif au non-respect des conditions générales de vente et du règlement intérieur ».

L’article 2 étend les durées d’interdiction individuelle de stade, à l’instar de ce qui peut se pratiquer dans d’autres pays européens.

En commission, un amendement déposé sur l’initiative du groupe socialiste, républicain et citoyen et défendu par Patrick Mennucci a permis de récrire l’article 1er afin d’encadrer plus strictement la constitution de ces fichiers.

Il prévoit que les conditions dans lesquelles le traitement automatisé de données personnelles peut être mis en oeuvre sont « fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ». Cet encadrement garantira le respect du droit à la vie privée des supporters et permettra, je l’espère, de dissiper les craintes exprimées par les associations de supporters, notamment lors de la création du fichier « STADE ».

Il faut un équilibre. La CNIL légitime le traitement automatisé de données, donc la constitution de fichiers, pour des raisons commerciales, comme dans de nombreux autres secteurs, lorsqu’il y a des impayés, que les règles de billetterie ne sont pas respectées ou que des paris sont réalisés dans l’enceinte sportive. Ce doit être également possible pour assurer la sécurité des personnes : il faut que tous les acteurs, y compris la CNIL, comprennent que cet équilibre est nécessaire. Des matchs de foot peuvent rassembler dans un stade des dizaines de milliers de personnes – 20 000, 30 000, 40 000, jusqu’à 80 000 pour le Stade de France. C’est donc une responsabilité très lourde d’assurer la sécurité à l’occasion d’un match de football.

Plus généralement, la proposition de loi de M. Larrivé, dans sa forme actuelle, avant l’adoption, je l’espère, d’amendements, ne traite la question de la violence dans les stades que sous l’angle du fichier et d’une mesure très restrictive, à savoir l’interdiction de stade.

Il y a pourtant beaucoup à faire, et d’abord avec les supporters, pour renforcer la prévention et, ainsi, mieux lutter contre les phénomènes de violence. L’immense majorité des supporters soutiennent le principe du fair-play et contribuent à faire du sport un vecteur de cohésion sociale ou même, on peut le dire, de mixité sociale. Le stade est un lieu où tout le monde peut se retrouver. C’est la raison pour laquelle j’avais d’ailleurs exprimé en commission des réserves sur le titre de la proposition de loi.

Comme M. le secrétaire d’État, je rappelle qu’il y a eu de nombreux travaux parlementaires, sans oublier Le Livre vert du supportérisme. M. Glavany avait également fait des propositions en ce sens.

J’ai moi-même déposé une proposition de loi visant à promouvoir la représentation des supporters. Ce texte, préparé avec les associations de supporters, a été signé par plus de soixante de nos collègues, de tous les groupes. Il proposait notamment d’élargir la composition des organes des fédérations aux représentants de supporters, d’instaurer un conseil des supporters au sein des sociétés commerciales qui exploitent les clubs de football, de développer l’actionnariat populaire et de créer un organisme représentatif des supporters afin de renforcer les liens entre les supporters, les clubs et les instances nationales sportives mais aussi les pouvoirs publics.

Dans la continuité de ce travail, j’ai déposé plusieurs amendements, toujours dans le même état d’esprit, et ils sont signés aussi par des collègues de plusieurs groupes, pour rééquilibrer le dispositif de la proposition de loi.

Deux de ces amendements ont fait l’objet de discussions très poussées avec vous, monsieur le secrétaire d’État, et avec votre cabinet, bien sûr. Je tiens d’ailleurs à vous remercier pour votre écoute, votre sensibilité sur le sujet et votre esprit extrêmement constructif pour avancer concrètement à l’occasion de cette proposition de loi.

Le premier amendement prévoit la désignation par les clubs, après avis des associations de supporters, point important, d’une ou plusieurs personnes référentes chargées des relations avec les supporters ; le second permet la création d’une instance nationale du supportérisme, dont la mission est de contribuer au dialogue entre les supporters et les autres acteurs du sport concernés.

Ces amendements, s’ils sont adoptés, permettront de faire entrer dans la loi une définition positive des supporters et une représentation à la fois locale et nationale. Je souhaite qu’ils soient adoptés le plus largement possible. Je défendrai aussi, bien sûr, les autres dispositions que contenait la proposition de loi que nous avions déposée.

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