Intervention de Gilda Hobert

Séance en hémicycle du 4 février 2016 à 15h00
Lutte contre le hooliganisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilda Hobert :

« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois », écrivait Albert Camus.

L’intitulé de la proposition de loi qui nous réunit cite nommément le hooliganisme. Je reviendrai sur la nécessité de faire une distinction entre les genres. Commençons donc par le hooliganisme. Mais d’où leur vient cette envie, ce besoin d’en découdre, de se laisser aller à des paroles et à des gestes de violence, voire de haine ?

Les hooligans sévissent aujourd’hui partout dans le monde et se distinguent par leur brutalité, essentiellement lors de matchs de football, bien qu’on soit en droit de s’interroger sur l’authenticité de leur intérêt pour ce sport. Ils s’adonnent à la violence avant, pendant et après les matchs. Il me vient à l’esprit, à ce propos, une phrase de Jean-Paul Sartre : « La violence n’est pas un moyen parmi d’autres d’atteindre la fin, mais le choix délibéré d’atteindre la fin par n’importe quel moyen ».

En parallèle, on trouve les ultras, des supporters amateurs de foot, fans de leur équipe mais parfois excessifs dans leurs réactions. Citons notamment les incidents qui se sont hélas produits le week-end dernier lors de la rencontre entre Nantes et Rennes, à l’issue de laquelle des supporters nantais s’en sont pris à des Bretons.

La proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le hooliganisme présentée par notre collègue Guillaume Larrivé a été adoptée mardi dernier en commission des lois. Le texte fait suite aux événements survenus en septembre dernier lors du match de football entre l’Olympique marseillais et l’Olympique lyonnais.

Durant la rencontre, en effet, des canettes et des fumigènes ont été lancés depuis les tribunes sur les forces de l’ordre et les joueurs, ce qui provoqua une suspension de jeu d’une vingtaine de minutes. En outre, des échauffourées se sont produites avant et après la rencontre aux abords du stade, ce qui a entraîné la condamnation de supporters de l’Olympique de Marseille par le tribunal correctionnel de Marseille, en comparution immédiate, à des peines de quatre à six mois de prison ferme.

Vous avez condamné ces incidents, monsieur le secrétaire d’État, rappelant que nous sommes à six mois de cet événement formidable qu’est l’organisation de l’Euro de football par notre pays. Qui pourrait dire le contraire au sujet de l’Euro 2016 ? Nous nous réjouissons par avance.

Quant au président de la Ligue de football professionnel, Frédéric Thiriez, il a expliqué qu’il fallait aider le club, avec les pouvoirs publics, à reprendre le contrôle de son public, notamment de ses virages. Il a proposé un renforcement des sanctions financières et sportives à l’encontre des clubs dans les stades desquels se produisent de tels incidents.

Les comportements incivils des supporters ultras dans les championnats professionnels de Ligue 1 et de Ligue 2 lors de la saison 2014-2015 et les événements de Marseille, de Reims, ou encore ceux qui se sont produits lors des rencontres entre l’équipe de Lyon et celles de Saint-Étienne ou de Nice ne peuvent qu’être condamnés, et les sanctions applicables doivent être renforcées.

En effet, les agissements de certains supporters ou des hooligans – je m’efforce de faire le distinguo – sont condamnables et il apparaît nécessaire de renforcer la sécurité à l’intérieur et aux abords de nos équipements sportifs, et ce d’autant plus à la proche perspective de l’Euro 2016.

Pour autant, nous devons éviter les amalgames entre un hooligan et un supporter. Un supporter encourage, s’enthousiasme, exprime ses déceptions et ses joies, parfois haut et fort, mais sans recourir à la violence physique. Il soutient une équipe pour la performance de ses joueurs et des clubs auxquels ils appartiennent. Vous avez souligné la distinction avec raison, monsieur le rapporteur. Nous devons la réaffirmer et ne pas nous abandonner à une stigmatisation généralisée des supporters et des clubs.

Aujourd’hui, des interdictions de stade peuvent être prononcées à l’encontre de supporters violents selon deux moyens : des interdictions judiciaires, peines complémentaires aux sanctions de comportements répréhensibles prévues par le code du sport et le code pénal, et des interdictions administratives, qui permettent aux préfets d’agir préventivement, sans attendre que soit commise une infraction et que soit prononcée une condamnation par le juge pénal, mais la sanction administrative ne peut être prononcée que si la personne constitue une menace pour l’ordre public, ce qui est normal.

Que les personnes fassent l’objet d’une interdiction judiciaire ou administrative de stade, elles sont inscrites de facto au fichier national des interdits de stade, fichier créé par l’arrêté du 28 août 2007 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux personnes interdites de stade. Ce fichier est mis en oeuvre par la direction générale de la police nationale, et les données relatives aux personnes interdites sont conservées pendant cinq ans.

Le rapport précise que le nombre d’interdictions judiciaires de stade a été relativement stable au cours des six dernières saisons de football. Les interdictions administratives de stade ont quant à elles subi une hausse, en raison notamment de confrontations entre les forces de l’ordre et certains agitateurs à l’intérieur et aux abords des stades.

L’article L. 332-1 du code du sport dispose que les organisateurs de manifestations sportives à but lucratif peuvent être tenus d’assurer un service d’ordre au sein des équipements sportifs. Pour ce faire, monsieur le rapporteur, vous proposez opportunément la mise en place d’un nouveau dispositif permettant aux organisateurs de refuser aux supporters violents l’accès aux manifestations ou d’en annuler les titres d’accès.

L’article 1er prévoyait, dans sa rédaction initiale, d’autoriser également les clubs à établir un fichier ad hoc de données pertinentes relatives à ces personnes interdites d’accès aux stades et de conserver les données pendant une durée maximale de trois ans.

La commission des lois a adopté une rédaction plus respectueuse des libertés des supporters, ce dont nous devons nous réjouir. Il est ainsi prévu que les organisateurs établissent « un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au non-respect des conditions générales de vente et du règlement intérieur, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ».

Ces dispositifs apparaissent plus que nécessaires afin d’endiguer l’augmentation du nombre d’incidents violents constatés lors de certains matchs. Ils sont également le gage d’une bonne gestion de la sécurité des joueurs et des spectateurs par les organisateurs de manifestations sportives.

Cela dit, il me paraît important de considérer avec respect les supporters sportifs qui témoignent de leur soutien à une équipe sans recours à la violence ; ils participent à la vie des clubs et à leur promotion. C’est pourquoi j’ai cosigné des amendements tendant à créer un dispositif renforçant le dialogue avec les supporters, un dispositif qui leur confère davantage de responsabilités, qui les associe au bon fonctionnement d’un réseau renouvelé entre clubs et supporters, avec désignation de représentants officiels. C’est par l’accompagnement des nombreux supporters responsables que la lutte contre le hooliganisme sera plus efficace.

Pour accompagner une réduction des incidents constatés lors des rencontres sportives, l’article 2 de la proposition de loi prévoit un allongement de la durée de l’interdiction administrative de stade.

Aujourd’hui, la durée maximale de cette interdiction est de douze mois lorsque les personnes sanctionnées ne l’ont pas été dans les trois années précédentes. Elle est de vingt-quatre mois dans le cas inverse. La proposition de loi, dans son article 2, propose d’allonger ces deux délais d’une année, en portant ainsi la durée maximale à vingt-quatre mois pour une première sanction et à trente-six mois en cas de récidive. L’allongement des délais permettra de se rapprocher du délai de droit commun de cinq ans de la peine complémentaire d’interdiction de stade prononcée par le juge pénal. Les pouvoirs publics et les organisateurs de manifestations sportives afficheront ainsi un message fort en faveur du renforcement de la lutte contre toutes les violences.

Enfin, la vente nominative des cartes annuelles d’abonnement proposée par la commission des lois semble être une mesure judicieuse pour prévenir les risques de débordement. Elle renforcera la sécurité de l’ensemble des personnes présentes dans le stade.

À condition que soient acceptés les amendements, notamment après l’article 4, qui garantissent une meilleure coordination, une responsabilisation, le dialogue et l’ouverture, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera avec enthousiasme cette proposition de loi.

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