Intervention de Jean Jacques Vlody

Séance en hémicycle du 24 mars 2016 à 9h30
Action extérieure des collectivités territoriales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Jacques Vlody :

Cette proposition de loi jette les bases d’une nouvelle architecture de coopération régionale et revêt en cela une importance stratégique.

Aujourd’hui, les territoires ultramarins souffrent encore trop souvent de n’être considérés que comme des acteurs de seconde voire de troisième zone dans la construction et la conduite de la politique de coopération régionale avec leur environnement immédiat – j’ai bien entendu les propos de ma collègue.

Pourtant, la place de la France, son rayonnement dans ces espaces géographiques comme l’océan indien ou les Caraïbes et sa participation à certaines organisations internationales, dépendent des outre-mer. Ainsi, la France est membre de la commission de l’océan indien grâce à la Réunion. Elle n’en aurait pas le droit autrement.

À travers des actions de « coopération décentralisée » ou de « coopération régionale », puis en participant sous des statuts divers aux organisations internationales, ces collectivités d’outre-mer ont acquis une dimension d’interlocuteurs incontournables auprès des États de leur voisinage et de l’Union européenne.

Ces acquis ont été renforcés par notre assemblée grâce à l’adoption d’un amendement que j’avais déposé au projet de loi NOTRe, afin d’obliger l’État à consulter systématiquement les régions ultramarines avant de conclure des accords diplomatiques ou de coopération avec les États voisins.

Nous avions donc accompli une partie du chemin. Mais une partie seulement !

À travers ce texte, nous allons plus loin et passons d’une logique de « coopération décentralisée » et de « coopération régionale » à ce que l’ancien ministre des affaires étrangères appelait une amorce de « diplomatie territoriale ».

À travers des programmes-cadres de coopération régionale, cette proposition de loi donne enfin un cadre juridique approprié pour faire des collectivités les fers de lance, les moteurs et les pierres angulaires pour tout ce qui concerne leur voisinage immédiat.

En effet, qui mieux que les collectivités locales ultramarines connaît son environnement immédiat, les pays voisins, les opportunités qu’ils recèlent, les risques encourus ?

Aujourd’hui, la France se prive de l’expertise et des compétences de nos territoires. Les relations bilatérales entre la République française et les États voisins de nos régions se font bien souvent contre nos propres intérêts, voire en dépit de tout bon sens. L’État peut ainsi décider de financer le développement portuaire d’un État voisin, donnant à celui-ci une avance considérable dans son rayonnement régional, et accompagner dans un second temps le financement du seul port français de la zone. C’est la réalité.

Ces exemples de coopération entre l’État français et les États voisins des régions d’outre-mer démontrent l’incohérence de notre stratégie de développement lorsque nos collectivités d’outre-mer ne sont pas associées.

D’autre part, les processus de décisions de l’État constituent un véritable handicap dans les stratégies de développement de nos régions d’outre-mer.

Pour bien comprendre l’enjeu des mesures que nous allons décider aujourd’hui, je vous donnerai un simple exemple.

La desserte aérienne entre nos territoires de la zone du sud-ouest de l’océan indien est compliquée. Pendant que la France réfléchit à la question, un État voisin s’est déjà engagé dans le lancement d’une compagnie aérienne low-cost pour desservir la zone ! Je pourrais vous citer une dizaine d’exemples de ce type. À chaque fois qu’une opportunité de développement s’ouvre pour nos territoires, nous sommes systématiquement devancés par les territoires voisins où les processus de décision sont plus rapides.

En conclusion, cette proposition de loi permet trois grandes avancées – je salue aujourd’hui tous ceux qui ont décidé de la soutenir et le Gouvernement qui s’est engagé à nos côtés.

Elle permettra de ne plus se priver de l’expertise des collectivités ultramarines en faisant d’elles les fers de lance d’une diplomatie territoriale. Elle raccourcira les processus de décision, ce qui fera gagner un temps d’avance précieux sur des marchés économiques en pleine construction. Elle garantira enfin une plus grande cohérence dans la stratégie de développement régional.

Partant de ce nouveau cadre juridique et institutionnel, il convient dans un second temps – Gabriel Serville l’a évoqué tout à l’heure puisque je suis, auprès de Mme la ministre, chargé d’une mission pour améliorer l’insertion de nos territoires dans nos espaces géographiques – d’identifier et de lever les freins à une meilleure insertion de nos territoires dans notre environnement géographique afin que, d’un territoire périphérique, nous devenions les centres de nos espaces géographiques.

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