Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 24 mars 2016 à 9h30
Proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

…qui vise à substituer un principe d’équité à la règle actuelle de l’égalité des temps de parole. Les règles actuelles prévoient en effet que les médias assurent cette égalité pendant les cinq semaines qui précèdent le premier tour : les deux semaines de campagne officielle, mais aussi les trois semaines dites de « période intermédiaire », qui séparent la publication de la liste des candidats du lancement de la campagne officielle.

La version initiale de la proposition de loi remplaçait l’égalité durant la période intermédiaire par un principe d’équité bien plus souple, sur lequel le Conseil supérieur de l’audiovisuel serait chargé de veiller. Mais le Sénat a préféré conserver l’égalité des temps de parole pendant cette période intermédiaire, tout en réduisant celle-ci à une dizaine de jours. C’est notamment à cause de ces divergences sur l’article 4 que la commission mixte paritaire réunie le 15 mars a échoué.

À l’appui de cet article, qui propose d’instaurer le principe d’équité, le groupe socialiste indiquait que les règles trop strictes découragent la couverture médiatique de la campagne. Jean-Jacques Urvoas, qui avait rédigé le texte initial, soulignait ainsi dans l’exposé des motifs que « le nombre important de candidats – 12 en 2007, 10 en 2012 – rend difficile l’application d’une stricte égalité, dissuadant certaines chaînes d’organiser des débats et conduisant in fine à une réduction du temps médiatique consacré à la campagne présidentielle. »

L’équité laisse en effet davantage de liberté aux médias, qui doivent veiller à un traitement équitable des candidats en fonction de certains critères définis par la proposition de loi, comme les « résultats obtenus aux plus récentes élections », les « indications d’enquêtes d’opinion », ou encore la « contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral » – des notions qui, vous en conviendrez, restent pour le moins subjectives. Cette disposition n’est pas seulement problématique : elle est également loin de faire consensus dans cet hémicycle.

Pour ma part – et j’exprime ici la position majoritaire du groupe écologiste, que j’ai déjà exposée – je considère que cette mesure est une forme d’atteinte au pluralisme politique, car elle vise à empêcher l’expression de la diversité politique en période électorale. Cette diversité est déjà fortement mise à mal en temps normal ; en faire la règle en période électorale revient à suivre la logique hégémonique d’un bipartisme qui, non seulement appauvrit le débat d’idées, mais surtout n’existe plus vraiment aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé à nouveau un amendement tendant à supprimer cet article 4. Je crois qu’il sera voté, en dehors du groupe socialiste, par d’autres forces politiques représentées dans cet hémicycle. J’espère, comme de nombreux parlementaires et de nombreux citoyens, que les Sages seront sensibles aux arguments développés et qu’ils rappelleront l’absolue nécessité du principe d’égalité.

Chers collègues, je regrette également que notre amendement sur l’interdiction des machines à voter en France ait été rejeté une nouvelle fois en commission des lois. Cette prohibition s’appuie en effet sur de nombreux incidents survenus en 2007, comme des écarts entre le nombre d’émargements et de votes. D’ailleurs, les pouvoirs publics n’ont-ils pas décidé d’un moratoire sur ces machines, mettant ainsi clairement en cause leur fiabilité ?

Depuis huit ans, plus aucune nouvelle commune française n’est autorisée à opter pour cette technique de vote. En revanche, une soixantaine de villes continuaient à l’utiliser en 2012, ce qui représentait environ 1,1 million d’électeurs. Outre des difficultés d’usage et un coût élevé, pour ne pas dire prohibitif, les sénateurs ont également noté un défaut d’assurance technique permettant de garantir la sincérité du scrutin. Un dysfonctionnement, des rayonnements ou la malveillance peuvent en effet altérer le fonctionnement de ces machines à voter. De plus, il est impossible pour l’électeur de vérifier son vote.

En commission des lois, bien que nous ayons proposé une application de la mesure au 1er janvier 2018, c’est-à-dire après les prochaines élections présidentielles et législatives, notre amendement n’a été retenu ni par Mme la rapporteure ni par le Gouvernement. J’espère que, déposé à nouveau en séance, il recueillera cette fois un avis favorable.

Par ailleurs, compte tenu du rejet de notre amendement visant à encadrer a minima l’organisation financière des primaires – étant donné que ces opérations de vote mobilisent plusieurs millions d’électeurs, comme celles organisées par le parti socialiste en 2011 – il est important de maintenir à un an la tenue des comptes de campagne pour l’élection présidentielle. Nous n’avons pas d’opposition de principe à un alignement à six mois de la période couverte par les comptes de campagne pour toutes les élections mais, en pratique, il nous semble nécessaire de maintenir une période d’un an pour l’élection présidentielle, faute d’un encadrement des primaires.

Autre point important : l’article 8 de loi organique propose que, d’ici au 31 décembre 2016, date de clôture des listes électorales, tout électeur inscrit à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale en France choisisse la liste sur laquelle il souhaite demeurer inscrit, ce choix entraînant sa radiation d’office de l’autre liste. En l’absence d’expression de ce choix, l’électeur serait radié d’office de la liste électorale consulaire.

Je propose de revenir à la version adoptée par le Sénat et j’ai déposé un amendement en ce sens. Il prévoit que « la radiation d’un Français du registre des Français établis hors de France entraîne de plein droit sa radiation de la liste électorale consulaire, sauf opposition de sa part. » Il s’agit de régler le problème qu’ont rencontré les 40 000 personnes qui n’ont pas pu voter en France, alors qu’elles croyaient pouvoir le faire, lors de la dernière élection présidentielle. Si une personne inscrite au registre consulaire demande sa radiation, il est effectivement logique qu’elle soit aussi radiée de la liste électorale, puisque l’on peut supposer qu’elle quitte la circonscription consulaire.

Dans ce contexte, on peut se féliciter de l’annonce du secrétaire d’État chargé des Français de l’étranger, M. Matthias Fekl, qui a indiqué que, d’ici quelques semaines, les Français de l’étranger devraient pouvoir demander en ligne leur radiation de la liste électorale consulaire, sur le site www.service-public.fr.

J’en arrive aux dispositions relatives à la publicité intégrale des parrains : il me semble très important que chacun assume ses choix devant les électeurs. La publicité des parrainages m’apparaît donc comme une bonne chose, et son principe a été accepté d’une manière assez consensuelle. Rien ne me semble raisonnablement opposable à ce que ces mêmes parrainages puissent être adressés au Conseil constitutionnel sous format électronique, et ce, dès la prochaine élection.

Enfin, je répète que la question des enquêtes d’opinion, au sujet de laquelle j’ai tout de même déposé plusieurs amendements, afin de soulever les questions qui me semblent cruciales, ne me paraît pas pouvoir être traitée de manière satisfaisante dans le temps dont nous disposons. Il me semble, par conséquent, que l’amendement de suppression qui a été déposé est une bonne solution.

Chers collègues, toucher aux règles applicables aux élections à un peu plus d’un an des échéances exige d’être capable de construire un très large consensus. À l’ouverture de nos débats, nous sommes encore loin du compte.

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