Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 5 avril 2016 à 21h30
Réforme du conseil supérieur de la magistrature — Motion de renvoi en commission

Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice :

Au début de la législature, on nous a dit que les textes ne correspondaient pas aux priorités ni aux attentes des Français. Lors des débats de 2013 sur le CSM, c’est Gilles Bourdouleix qui a exprimé cette idée au nom du groupe de l’UDI. Et aujourd’hui, en fin de législature, ce n’est apparemment pas le bon moment non plus… Je nous invite collectivement à réfléchir, pour la prochaine législature, au moment adéquat pour faire voter telle ou telle loi. En attendant, cet argument n’est pas suffisant en soi.

Pour ce qui est de la motion qu’a défendue Georges Fenech, je crois en effet que les magistrats sont des citoyens et qu’il est bon qu’ils se syndiquent. Dire que vous avez été contraint de vous syndiquer pour vous défendre est un des meilleurs plaidoyers que j’ai entendus pour justifier la syndicalisation, car les syndicats de magistrats, comme ceux de salariés ou d’autres professions, sont utiles pour donner à leurs membres un pouvoir d’expression, et c’est en tant qu’interlocuteurs qu’ils sont pertinents et fiables. Nous regrettons d’ailleurs souvent que les syndicats ne soient pas suffisamment forts car cela rend possible de contester leur représentativité, ce que personne ne souhaite. C’est un point de désaccord entre nous.

Mais si vous avez eu le sentiment d’être pris à partie, je m’en excuse car tel n’était pas mon objectif. Si le trait vous a paru forcé, c’est parce que j’ai voulu souligner l’orientation de cette réforme. Je me placerai d’un point de vue que nous n’avons guère emprunté jusqu’à présent : celui du justiciable. Au mois de décembre, je me suis rendu à l’École nationale de la magistrature pour rencontrer les auditeurs de justice, et nous avons débattu de l’indépendance du parquet. Je leur ai demandé quel en était l’intérêt du point de vue du justiciable. En effet, on peut en imaginer l’intérêt pour le magistrat, pour la profession ou pour le pouvoir, qui peut y trouver une forme de pertinence politique. Mais que peut en attendre le justiciable ? Quelle est pour lui la plus-value de cette indépendance ?

Un auditeur m’a répondu : c’est la qualité du service que les magistrats doivent à la population. C’est l’exigence de responsabilité qu’ils assument dans l’équité de leurs décisions. Qu’attend le justiciable, en effet ? Que la décision soit rendue à partir du dossier et de la règle de droit. Voilà ce qu’est, au final, l’indépendance de la justice : les idées de celui qui juge ne doivent pas interférer avec la règle de droit lors du verdict.

Vous l’avez évoqué, certaines pratiques ont pu se révéler contestables. Je voudrais à cet égard vous rappeler la devise inscrite sur une horloge de la chambre criminelle de la Cour de cassation, et que je me garderais bien de vous citer en latin : « Le temps dévore tout, seul le droit demeure. »

Je vous propose de faire en sorte que le droit demeure et que l’indépendance de la justice soit assurée.

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