Intervention de Catherine Lemorton

Séance en hémicycle du 26 mai 2016 à 9h30
Encadrement des rémunérations dans les entreprises — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi visant à encadrer les rémunérations dans les entreprises, que nous examinons aujourd’hui, interpelle au premier chef nos concitoyens, dont nous sommes les représentants. Nous ne pouvons pas rester indifférents face à des rémunérations qui atteignent des montants injustifiés, injustifiables, au point de choquer nos concitoyens.

Je citerai à titre d’exemple un secteur que nous sommes nombreux à connaître : celui des firmes pharmaceutiques. Ce secteur bénéficie du soutien de l’État au travers du crédit d’impôt recherche, du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, du pacte de responsabilité et de solidarité, notamment les entreprises de façonnage, où les salaires sont plus bas que dans la recherche. Enfin, il est solvabilisé par l’assurance maladie et les mutuelles.

Eh bien ! un PDG de ce secteur, nommé en 2008, a été accueilli à son arrivée par un golden hello de 2,2 millions d’euros et 65 000 actions gratuites. Il avait été nommé, alors qu’il bénéficiait d’un parachute doré, pour supprimer huit cents salariés et restructurer le groupe. Il est quand même incroyable qu’on alloue des sommes faramineuses à quelqu’un qui n’a au bout du compte réussi qu’à supprimer des emplois !

Le ministre l’a rappelé : depuis quatre ans qu’elle est au pouvoir, la gauche s’est attaquée aux rémunérations dites indécentes dans les entreprises du secteur public, dont elle a plafonné la rémunération annuelle des dirigeants à 450 000 euros bruts.

Le renforcement du code de gouvernance au sein des entreprises privées à la suite d’un accord entre l’AFEP et le MEDEF laisse dubitatif. Ce qu’on appelle le Say on Pay est une forme d’autorégulation dont on constate les limites.

La France a néanmoins obtenu des avancées au niveau européen. Les bonus ne peuvent plus excéder les salaires annuels fixes dans le secteur bancaire. La loi de 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a fait de la France un pays précurseur puisque nous avons transposé par anticipation la directive, affirmant ainsi que seule l’assemblée générale, par une majorité renforcée, peut décider de porter la part variable à deux fois la part fixe.

La proposition de loi de M. Charroux a fait l’objet d’un travail approfondi de la commission des affaires sociales, qui a supprimé l’article 1er, bien que nous partagions les objectifs du texte. Plusieurs raisons nous ont amenés à voter la suppression de cet article.

En premier lieu, l’article risquait de porter atteinte, le ministre l’a dit, au principe de la liberté d’entreprendre. Le Conseil constitutionnel exige que la limitation de ce principe ne soit pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. En second lieu, une telle mesure n’aurait pu s’appliquer aux contrats conclus antérieurement à la loi. En troisième lieu, ne l’oublions pas, elle pourrait conduire à une expatriation des fonctions de direction, les tâches d’exécution demeurant seules en France.

Comme je l’ai dit précédemment, il existe aussi un risque de contournement via l’attribution aux dirigeants nouvellement nommé de parachutes d’accueil, ou golden hello, exorbitants, au cas où les autres formes de rémunération seraient régulées.

Cette proposition de loi a permis l’émergence de ce débat, et je vous en remercie, monsieur Charroux, ainsi que votre groupe. En tant que présidente de la commission, je pense cependant qu’elle aurait dû satisfaire au principe posée par l’article L.1 du code du travail, qui nous engage à associer les partenaires sociaux. Certes, cet article ne concerne que les projets de loi, mais le sujet me semble suffisamment important pour justifier une concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux, notamment les syndicats de salariés, qui se font aujourd’hui entendre comme c’est leur droit. Sur un tel sujet, il aurait été opportun que les patrons, bien sûr, mais aussi les salariés puissent faire entendre leur voix.

Au moment où s’ouvre le débat en séance, je veux espérer que nous serons à même de trouver des solutions pérennes afin de lutter contre ces excès qui, je le répète, choquent nos concitoyens et les représentants que nous sommes. Si la proposition de loi n’arrivait pas à son terme, je souhaite que nous puissions poursuivre ce travail, au sein de la commission, avec vous tous, et notamment avec vous, monsieur Charroux.

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