Intervention de Jean-Jacques Candelier

Séance en hémicycle du 26 mai 2016 à 15h00
Réhabilitation des fusillés pour l'exemple — Article unique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Cela ne surprendra personne : j’émets à titre personnel un avis défavorable sur cet amendement qui pourrait renvoyer ma proposition de loi dans un tiroir.

Comme je l’ai indiqué en commission la semaine dernière, à l’occasion des commémorations du centenaire de cette guerre monstrueuse, je pense que nous devons aller au-delà des gestes symboliques. C’est d’ailleurs le choix qu’ont fait le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. C’est aussi le sens des résolutions adoptées par le Conseil régional de Champagne-Ardenne, par près de quinze conseils généraux de tous bords politiques, dont celui de la Corrèze, alors présidé par le Président de la République, et par nombre de conseils municipaux.

Il y a quelques décennies, des lois d’amnistie ont été adoptées, dont l’une a du reste gracié le maréchal Pétain. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, deux lois d’amnistie sont adoptées en 1951 et 1953 au sujet de certains faits de collaboration constitutifs d’indignité nationale ou ayant notamment entraîné une dégradation nationale.

Au terme de la Guerre d’Algérie, trois lois d’amnistie sont adoptées par le Parlement, en 1964, 1966 et 1968, portant sur les infractions contre la sûreté de l’État ou en relation avec les événements d’Algérie, qu’elles aient été commises par le FLN ou par l’OAS. Un amendement parlementaire permettra même la réintégration dans leurs cadres et leurs grades des officiers ayant participé à l’OAS. Et que dire de la réhabilitation des putschistes de 1961 !

Permettez-moi de citer à nouveau, comme en commission, les mots du musicien-brancardier Leleu du 102e régiment d’infanterie, décoré de la croix de guerre : « Je me suis laissé dire qu’après la guerre, des fusillés avaient été considérés comme « Morts pour la France », ce qui serait une sorte de réhabilitation. Je ne sais si cela est exact mais, quant à moi, je crois sincèrement que beaucoup de ces malheureux sont effectivement morts pour le pays, car c’est la France qui les a appelés, et c’est pour elle qu’ils se sont battus, qu’ils ont souffert là où les menait leur tragique destinée et ce n’est pas un moment de défaillance physique ou morale qui peut effacer leur sacrifice. J’ose m’incliner devant leur mémoire. Jugera qui voudra, à condition qu’il soit passé par là. »

Nous n’y étions pas, évidemment, et il n’est d’ailleurs pas question de juger l’histoire, mais simplement de nous interroger sur la place que nous souhaitons accorder à ces 618 malheureux au sein de notre mémoire nationale. Certains de nos illustres prédécesseurs, qui, eux, avaient parfois vécu l’enfer des tranchées et l’exécution de leurs camarades, ne s’y étaient pas trompés : dès la fin de 1914 et le début de 1915, ils se sont emparés de la question et se sont battus pour faire cesser ces exécutions, puis réhabiliter ceux qui en avaient été victimes pour des faits de désobéissance militaire parfois seulement présumée.

C’est pourquoi aujourd’hui il me semble essentiel d’avoir le courage et l’honneur de poursuivre leur travail et de procéder à la réhabilitation de ces 618 fusillés pour l’exemple en raison de faits de désobéissance militaire, morts pour la France.

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