Intervention de Catherine Vautrin

Séance en hémicycle du 6 juin 2016 à 17h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - protection des lanceurs d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Vautrin :

Je me contenterai de commenter les articles relevant de la commission des affaires économiques. Celle-ci a travaillé en bonne intelligence, grâce à l’esprit constructif du rapporteur pour avis, Dominique Potier, que je remercie.

Ce texte arrive à un moment où la crise agricole fait rage, où la situation des éleveurs comme celle des producteurs laitiers nous interpelle. Pour autant, le grand soir n’est pas encore arrivé pour ce qui est de refondre totalement la loi de modernisation de l’économie et je ne crois pas, d’ailleurs, que cela soit le sujet.

Les uns et les autres, nous avons cherché à répondre à plusieurs questions qui nous tiennent à coeur, sans oublier que le Gouvernement a commandé une étude à trois économistes, Marie-Laure Allain, Claire Chambolle et Stéphane Turolla, qui doivent rendre à la fin de l’année un diagnostic sur les effets économiques de la LME. Nous verrons alors l’opportunité d’écrire une nouvelle loi ou de modifier en profondeur la LME.

Je rappelle également que, depuis le début de la législature, la majorité a déjà voté deux textes visant à faire évoluer la LME : les lois Hamon en 2014 et Macron en 2015. Faut-il encore une évolution, voire une révolution ? Attendons de voir ce que diront les économistes.

D’ores et déjà, un sujet nous interpelle : l’évolution législative a montré que les pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont augmenté. Je me réjouis que nous ayons pu mesurer et vérifier l’adaptation des moyens de cette direction à ses nouvelles missions. Trop souvent, nous entendons dire sur le terrain que, si elle fournit un excellent travail, elle n’est pas toujours à même de réagir dans le temps nécessaire. Or, pour être efficaces, les contrôles doivent être rapides.

La LME, dont on a tant parlé dans cet hémicycle, aura bientôt dix ans. L’heure des replâtrages est sans doute passée, d’autant que replâtrage rime souvent avec complexité.

L’environnement économique est bouleversé ; les relations entre distributeurs et producteurs sont unanimement considérées comme déséquilibrées, ce qui nécessite probablement une vision plus globale. Nous constatons tous que la course aux prix bas détruit de la valeur et des emplois, notamment lorsque des entreprises font le choix de quitter notre territoire. De plus, quand on se place du côté du consommateur, on mesure que la baisse réelle des prix est très limitée : elle ne dépasse pas 2 euros par caddie.

Par ailleurs, la part des dépenses alimentaires dans le budget des ménages tend à se réduire. Les postes qui pèsent le plus lourdement sur le pouvoir d’achat sont probablement le logement, les communications et les fluides, au même titre – c’est à peine si j’ose l’ajouter devant vous, monsieur le ministre – que la fiscalité des ménages.

Alors, mes chers collègues, au lieu de nous lancer dans une course effrénée à l’amendement et à la modification législative, ayons l’humilité de considérer que ce secteur économique a besoin de stabilité, de lisibilité. Laissons le normatif au législateur et le réglementaire à l’administration. Freinons notre envie de réagir sur chaque texte.

Dans tous ceux que nous discutons, nous trouvons toujours un article ou deux permettant de revenir sur les relations entre la distribution et le commerce. Mieux vaudrait adopter une vision globale, seule capable de résoudre la situation. Cherchons ensemble le moyen d’enrayer la spirale déflationniste et la baisse immodérée des prix.

C’est dans cet esprit que je me propose d’analyser les sept articles examinés par la commission des affaires économiques avec, j’ose le dire, prudence et sagesse. Le premier principe doit être de commencer par appliquer les textes en vigueur, notamment en matière de sanction, plutôt que de faire preuve d’une créativité législative parfois éloignée des réalités.

À l’article 30, relatif à la fin des quotas laitiers, la commission a adopté des amendements. J’en présenterai un de précision sur une spécificité de l’organisation agricole bien connue du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, la coopération, et ce en cohérence avec les demandes et les besoins des professionnels. Le coopérateur est à la fois un associé détenteur de parts sociales et un fournisseur de matière – en l’occurrence le lait, mais ce peut être de la betterave ou toute autre chose. Il existe souvent une cohérence entre ses apports et le nombre de parts sociales qu’il détient.

Chacun d’entre nous doit être conscient que la coopérative n’est en réalité qu’un prolongement de l’activité agricole : sans cette activité, il n’y aurait pas de coopérative, même si celle-ci porte la création de valeur. La crise agricole, notamment dans le domaine laitier, nous a montré que les producteurs avaient besoin que l’on adapte les modalités de conclusion des contrats. C’est pourquoi, monsieur le rapporteur pour avis, nous avons fait adopter un amendement tendant à prolonger l’interdiction de cession de cinq à sept ans. Je propose aujourd’hui que l’on précise les droits des producteurs non coopérateurs et qu’on améliore le dialogue interprofessionnel.

En ce qui concerne la possibilité de conclure des conventions pluriannuelles, j’ai noté les effets potentiellement positifs des contrats, mais aussi la grande prudence des associations professionnelles. Certains dispositifs existent déjà. En matière de conventions pluriannuelles, monsieur le rapporteur pour avis, nous avons la responsabilité de trouver un dispositif fixant des modalités réellement applicables de révision des prix.

Quant aux négociations annuelles, tous les retours montrent que le terme est désormais galvaudé, tant le rapport est déséquilibré. En termes calendaires, un détail me préoccupe depuis longtemps : je ne suis pas certaine qu’une date unique pour toute activité ou tout produit soit opportune. On peut aussi s’interroger sur la concomitance des dates du Salon international de l’agriculture et la fin des négociations. C’est un autre point sur lequel nous devons travailler.

Nous avons obtenu quelques avancées en commission sur le rapport entre les prix et les coûts de production. Je pense qu’il faut prendre en compte d’autres indices, issus par exemple d’observatoires européens et relatifs à la conjoncture, comme le prix de la matière première et les frais de logistique. Ce sera l’objet d’un amendement.

Entre les acteurs de la négociation commerciale, j’ai voulu donner plus d’importance aux petites ou très petites entreprises, que l’obligation de publier leurs comptes fragilise vis-à-vis de la concurrence. Cette obligation se comprend pour les grands groupes ou pour certains systèmes coopératifs, non pour les toutes petites entreprises, que nous devons protéger.

En ce qui concerne les accords internationaux, je considère qu’il est anormal que l’on puisse rémunérer des centrales d’achat, alors qu’aucun produit n’est commercialisé à l’international ou qu’aucun service n’est apporté. C’est le sens de l’amendement que j’ai proposé. Il s’agit là encore d’une mesure extrêmement concrète.

J’ai aussi voulu proposer quelques mesures supplémentaires sur les délais de paiement. Le sujet est crucial. L’État a fait des efforts, mais il doit continuer – comme pourrait l’écrire en guise d’appréciation un maître d’école.

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