Intervention de Jean-Luc Daub

Réunion du 30 juin 2016 à 9h00
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Jean-Luc Daub :

Je faisais effectivement mes visites de façon inopinée. Je travaillais pour l'OABA (Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoir), dont vous avez auditionné le directeur et le président. Et je précise que j'ai écrit mon livre après l'avoir quittée.

Je ne procédais pas à la légère. J'ai toujours été très sérieux, et je le suis encore maintenant, avec mon expérience, et une position qui peut sembler plus radicale. Mais on tourne toujours autour d'une même question : la nécessité de végétaliser l'alimentation, peut-être pas à 100 %, mais au maximum, pour limiter les impacts négatifs de la consommation de viande.

Je pouvais visiter des abattoirs à peu près partout en France. Je m'y rendais à quatre ou cinq heures du matin, suivant le plan de route que j'avais moi-même établi, et je venais me présenter. À l'époque, c'était très dur. Défendre la protection animale était mal vu, d'autant que sévissaient plusieurs crises : la crise de la vache folle, la crise de l'agriculture, etc.

Parfois, dans certaines structures, on ne me laissait pas rentrer ; c'était plutôt le fait de structures privées. Mais c'était assez rare, et j'ai donc eu accès à de nombreux abattoirs. Certains directeurs ne me connaissaient pas, peut-être parce qu'ils venaient de prendre leurs fonctions et n'avaient pas encore eu affaire à l'OABA.

J'ai vu aussi des abattoirs conformes, au niveau de l'abattage ou du matériel. Mais il n'est jamais arrivé que tout soit correct, à 100 %, entre le moment où les animaux quittaient leur élevage, arrivaient à l'abattoir et étaient abattus.

Par exemple, à un moment donné, à un certain endroit, un étourdissement peut être correct, avec l'utilisation d'une pince électrique très perfectionnée couplée à un boîtier, permettant de moduler la décharge de courant en fonction de l'animal. Mais souvent, les pinces sont mal réglées. Les directeurs et les techniciens en abattoir ne savent pas forcément comment faire, et ils ne sont pas toujours aidés quand ils téléphonent à ceux qui les ont vendues. Il faut jouer avec le courant électrique qui doit être radical, mais pas trop puissant non plus : sinon, l'animal ne se crispe et cela provoque des déchirements dans la carcasse, l'épaule et le jambon.

Un mauvais réglage entraîne des actes de cruauté et de souffrance : l'opération prend trop longtemps, l'animal lève encore la tête, hurle et la pince ne fait que lui envoyer des décharges électriques. J'ai pu le constater dans les derniers abattoirs que j'ai visités en Bretagne : les coches étaient crispées, la tête relevée. L'étourdissement n'était pas efficace. Cela fumait, même au niveau des cosses électriques. Cela leur brûlait la peau, c'était horrible.

Je ne veux pas attaquer les éleveurs, les professionnels des abattoirs, les services vétérinaires ou qui que ce soit. Mais je veux défendre et aider les animaux, parce que je suis témoin de leur souffrance et de leur détresse en abattoir.

Le problème des abattoirs multi-espèces, ce sont les cadences ou la rentabilité. On l'a vu à l'abattoir de Mauléon, s'agissant des moutons : c'est un petit abattoir qui s'est industrialisé. Il a pris plus de commandes qu'il ne pouvait en assurer. D'où certains agissements, de la part du personnel, qui n'avaient pas lieu d'être.

Moi aussi, dans le milieu médico-social en tant qu'éducateur, avec peu de moyens, peu de personnels, j'ai des difficultés avec les résidents handicapés. Je dois faire mon travail en temps et en heure. Pour autant, je ne m'en prends pas à eux et je ne leur tape pas dessus. Même si ma position est difficile, je prends sur moi.

C'est le système qui veut cela, quand tout doit aller vite, quand tout doit être rentable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion