Intervention de Franck Ribière

Réunion du 6 juillet 2016 à 16h15
Commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Franck Ribière, réalisateur du film Steak, Révolution et fondateur de la société Le boeuf éthique :

Je résumerai le public que nous visons par cette formule : ce sont les 10 % de gens qui vont arrêter de consommer de la viande. Pour ces gens-là, le problème n'est pas de savoir si la viande est saine : ils en sont persuadés. Mais ils ne sont plus sûrs du tout qu'elle soit bonne. Ils ont intégré des données morales, sociétales, lies au bien-être animal qui leur posent désormais un vrai problème. Les informations qui nous ont été données par rapport à certaines études de marché montrent que ces gens-là représentent à peu près 10 % de la consommation de viande. De toute façon, la filière les a déjà perdus. Lors des avant-premières de mon premier film, j'ai rencontré beaucoup de gens qui m'ont dit qu'ils allaient peut-être se remettre à consommer de la viande après avoir regardé mon documentaire ; ils avaient arrêté d'en manger parce qu'ils n'avaient pas d'informations claires et nettes sur la viande et découvraient qu'il y avait enfin moyen de manger de la bonne viande. Car il n'y a aucune bonne raison de manger de la viande, si ce n'est pour en éprouver du plaisir. Se battre pour dire qu'il faut à toute force manger de la viande n'a pas beaucoup d'intérêt.

Pour être rentable, le coût d'abattage ne doit pas être supérieur à deux fois le coût d'abattage dans un abattoir fixe. C'est ce que les Suédois ont réussi à faire. En France, le coût d'abattage dans un abattoir fixe se situe autour de 0,40 euro le kilo. Après avoir commencé avec un coût d'abattage à 1,40 euro, les Suédois ont réussi à le ramener à 1 euro, puis à 0,80 euro. Ce coût est d'autant plus envisageable que nous nous engageons à payer la carcasse à un prix supérieur à celui du marché : entre 25 et 40 % plus cher qu'une carcasse bio. Ensuite, il est possible de négocier le prix de l'abattage des animaux que nous achetons, dans la mesure où, ne l'oublions pas, l'éleveur économise le coût du transport. Tout cela modifie beaucoup l'approche de l'éleveur.

Sur les conditions d'abattage en France par rapport aux autres pays et entre petits et grands abattoirs, je serai tenté de vous faire une réponse de Normand.

S'agissant de la différence entre les petits et grands abattoirs, je n'ai jamais vu quelque chose qui puisse me gêner : que vous soyez dans un abattoir Bigard ou dans un abattoir de proximité, le métier est exactement le même, et d'une certaine manière effectuée avec la même qualité. C'est au niveau de la relation avec les éleveurs qu'il y a une différence. Le petit abattoir de proximité ou l'abattoir moyen cherche avec l'éleveur à modifier et à améliorer l'approvisionnement en proposant des races différentes, des produits plus adaptés au marché local, tandis que la finalité dans les grandes entités est d'une autre nature : il faut bien que quelqu'un tue nos vaches laitières. Quand les végans nous demandent d'arrêter de manger de la viande, je leur réponds d'arrêter de boire du lait. Il faut être logique : dès lors que l'on élève des vaches laitières, on va forcément les manger… On ne va pas les jeter ! Le bon sens a disparu… Le travail effectué sur les vaches laitières est de qualité, mais son prix de vente ne peut pas être celui d'un produit sur lequel on aura imposé une charte éthique compliquée, sachant qu'il n'est pas évident de proposer une charte éthique après des labels, des appellations d'origine protégées (AOP), des Indications géographiques protégées (IGP), qui n'ont pas, dans l'absolu, rendu tout le monde heureux. Ce qui plaît aux éleveurs, c'est la cohérence de notre proposition.

Cela étant, nous proposons un produit alternatif, non un produit de remplacement. Je n'imagine pas l'abattage mobile comme une solution à l'abattage, mais comme un modèle supplémentaire qui peut résoudre beaucoup de problèmes dans les abattoirs en général. Une fois qu'il y aura 600 ou 800 camions d'abattage sur les routes, les problèmes de contrôle ne risquent-ils pas d'être les mêmes que dans les abattoirs fixes ? Y faudrait-il des référents et des caméras ? Je ne le sais pas. J'espère seulement que notre démarche est comprise et que le poids global que représentera notre boeuf éthique ne sera un frein pour personne. Nous ne cherchons pas à prendre des parts de marché à quelqu'un, seulement à apporter quelque chose à des gens qui, de toute façon, vont arrêter de manger de la viande.

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