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François Loncle
Question N° 81161 au Ministère des affaires étrangères


Question soumise le 9 juin 2015

M. François Loncle interroge M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur le trafic de pétrole au profit de l'organisation terroriste Daech. En septembre 2014, devant la Commission des affaires étrangères du Parlement européen, Jana Hybaskova, ambassadrice de l'Union européenne en Irak, accusait certains États membres de l'UE d'acheter du pétrole à Daech. Tout en refusant de dévoiler de quels pays il s'agissait, elle précisait que des tankers chargés de pétrole acquis auprès de Daech étaient arrivés dans les ports européens. Il souhaite qu'il lui fournisse des éclaircissements sur ces graves accusations. Il voudrait connaître les modalités et les circuits de ce trafic qui contribue largement à financer une organisation terroriste que nous combattons sur le terrain. Il aimerait savoir les mesures qui sont prises, tant sur le plan national et européen qu'auprès des compagnies pétrolières, pour arrêter ce trafic qui passe par la Turquie, l'Iran et le Kurdistan irakien.

Réponse émise le 15 juillet 2015

La lutte contre les sources de financement de Daech constitue un pilier du combat contre cette organisation terroriste. Les frappes de la Coalition ont permis de détruire un grand nombre des raffineries contrôlées par Daech, réduisant les revenus tirés de la vente de pétrole. Pour autant, cette action seule ne saurait suffire car les ressources de l'organisation terroriste sont multiples. Elles proviennent aussi de l'extorsion des populations et de la taxation des activités économiques, du produit des autres trafics, notamment d'antiquités et d'oeuvres d'art, et des enlèvements auxquels elle se livre, ainsi que des financements extérieurs qu'elle reçoit. Il est donc primordial de mieux comprendre ces modes de financement et d'élaborer une stratégie globale visant à les tarir. C'est l'objet du groupe de travail de la coalition portant sur le financement de Daech, auquel la France participe. Il s'est réuni à deux reprises depuis le début de l'année (à Rome, les 19 et 20 mars, et à Jeddah, le 7 mai dernier). Par ailleurs, au Conseil de sécurité des Nations unies, la France a joué un rôle actif dans l'adoption de la résolution 2199 du 12 février 2015 relative au financement du terrorisme. Celle-ci durcit le régime des sanctions contre Daech et appelle les Etats membres à prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre les différents trafics, notamment de pétrole et d'antiquités, et bloquer les financements en provenance de l'étranger. Les résolutions 2170 et 2178 du Conseil de sécurité, adoptées respectivement en août et en septembre dernier, avaient déjà renforcé de façon significative le dispositif international de lutte contre Daech, Jabhat Al-Nosra et les autres groupes affiliés à Al Qaeda, en particulier sur le plan financier. Le GAFI joue également un rôle de premier plan à travers l'adaptation de ses recommandations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Les travaux du GAFI visent à approfondir le dialogue entre les cellules de renseignement financier, le secteur privé et les organisations internationales compétentes afin de mieux analyser la façon dont Daech pourrait utiliser les faiblesses des systèmes économiques et financiers internationaux et, partant, d'identifier des actions permettant d'y remédier. Pour sa part, l'Union européenne et ses Etats membres ont adopté, le 16 mars dernier, une stratégie régionale européenne pour l'Irak, la Syrie et la lutte contre Daech. L'UE soutient pleinement, dans le cadre de cette stratégie, la mise en oeuvre effective des sanctions des Nations unies visant à limiter l'approvisionnement de l'organisation en armes et en financements. Au niveau national, le ministère des finances a élaboré un dispositif de vigilance financière à l'encontre de Daech. Publié sur le site internet du ministère des finances, ce dispositif appelle les acteurs économiques et financiers français à adopter des mesures de vigilance à l'égard de certains établissements financiers syriens et irakiens, de certaines transactions (commerce de pétrole, de biens culturels et archéologiques, etc.) et de tout concours financier en direction d'individus susceptibles d'apporter une assistance à Daech.

1 commentaire :

Le 08/08/2015 à 17:35, chb17 a dit :

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A cette cruciale question qui pose le problème de la plus ou moins grande complicité de certains états avec le terrorisme, il a été répondu un mois après. Le temps de réactiver une cascade de commissions pour enterrer le problème ?

On note que les nombreuses raffineries, dont le ministère se réjouit qu'elles aient détruites en Irak ou en Syrie parce qu'elles étaient déclarées "contrôlées par Daesh", comptent parmi les plus onéreuses installations industrielles d'une région saccagée par quatre ans de conflit, et n'empêchent probablement pas la contrebande de pétrole brut. En revanche, ces équipements manqueront cruellement lorsque la paix reviendra dans le pays.

Force est de constater que la lutte contre le terrorisme, priorité affichée à l'agenda de la coalition idoine depuis longtemps, a en réalité accompagné le développement des al Qaeda et autres affreux. Objectivement, il l'a même favorisé ; si, comme on l'espère, ce n'était pas exprès, on s'interroge sur la compétence des états-majors alignés, des services spéciaux et diplomatiques, voire du GAFI, qui s'obstinent à réitérer des fiascos !

Toujours est-il qu'en quelque dix ans, les terroristes ont pu multiplier leurs finances, leurs effectifs, leur armement, et ils semblent même proches d'accéder au statut d'état grâce aux larges zones passées sous leur férule. Cela prouve (au moins!) l'inefficacité de cette OTAN qui se targue de protéger la liberté, ne lésine pas sur les dommages collatéraux, et se trouve contrainte de reconnaître régulièrement ses "erreurs" passées en matière d'interventions pseudo-humanitaires et de "responsabilité de protéger". Ainsi les fauteurs d'assassinats par drones doivent-ils piteusement avouer que les exécutions extra judiciaires ont, sur le long terme, l'effet inverse de ce qu'ils déclarent vouloir atteindre : pour chaque terroriste ciblé (+ 15 ou 20 civils innocents liquidés, et des milliers terrorisés, et des dizaines de milliers "renvoyés au Moyen-Âge"), ce sont des dizaines de nouveaux "ennemis combattants" qui apparaissent.

Parmi les entêtantes questions auxquelles le ministère répond si rondement, il restera d'inquiétantes au-delà des douces assurances ministérielles. Par exemple : nos excellentes relations avec quelques pétrodictatures, qui ne font pas mystère de compter de ces "individus pieux" très généreux avec les djihadistes les plus "efficaces" (jusqu'au Mali, saperlotte), sont-elles cohérentes avec la lutte contre le terrorisme ? A qui notre propre soutien aux ASL, "amis du peuple syrien" et autres mi-insurgés mi-terroristes, est-il finalement utile ?

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