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Jean-Claude Mathis
Question N° 100076 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 25 octobre 2016

M. Jean-Claude Mathis attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les inquiétudes exprimées par le secteur viticole concernant la création de la zone non traitée « en bordure des lieux d'habitation ». Les professionnels estiment en effet que la perspective de cette création, compte tenu des particularités du vignoble français, augure d'un recul considérable de la vigne sur plusieurs milliers d'hectares. En effet, une vigne non traitée doit être arrachée car non seulement sa production serait le plus souvent inexistante mais encore elle participerait à la propagation des maladies. Le vignoble français couvre moins de 3 % de la surface agricole utile et environ la moitié est en appellation d'origine contrôlée. S'il génère 15 % de la valeur de la ferme France, selon FranceAgriMer, 80 % de cette valeur est réalisé sur le parcellaire AOC. C'est-à-dire que 12 % de la valeur de la ferme France est généré sur environ 1,5 % de la surface agricole de notre pays. Outre que la vigne est une plante pérenne mise en place pour plusieurs décennies qui nécessite de lourds investissements amortis sur plusieurs années, le vignoble AOC n'est par ailleurs pas substituable au gré des contraintes nouvelles qui apparaissent. En effet, les zones classées sont déterminées à l'échelle de la parcelle cadastrale en fonction de critères qualitatifs objectifs. Cette délimitation parcellaire arrêtée par l'INAO sur la base d'expertises des terrains et après enquête publique a pour conséquence que le vignoble AOC n'est pas déplaçable d'un territoire à un autre. Si la vigne est présente dans une soixantaine de départements, le vignoble est cependant à 95 % situé sur une trentaine de départements avec une présence supérieure à 5 000 hectares. Selon Agreste, la viticulture est une activité urbaine à hauteur de 9 % et périurbaine à 35 %. Si la question d'une zone non traitée en bordure des lieux d'habitation se poserait pour l'ensemble du vignoble par proximité des villages et de l'habitat diffus, il reste que la proximité avec les lieux d'habitation est un fait saillant et souvent recherché par nos concitoyens. De nombreux vignobles à forte réputation sont situés en milieu urbain. C'est le cas pour certaines propriétés célèbres totalement enclavées, certaines appellations tout aussi renommées sont également implantées sur des territoires urbanisés. Toujours selon Agreste, on cultive, dans des ensembles de plus de 10 000 habitants, 500 hectares de Châteauneuf-du-Pape, 400 hectares de l'appellation Beaune et 300 destinés à chacune des appellations Champagne, Pomerol ou Pessac-Léognan. La vigne présente depuis plusieurs générations se voit déjà très souvent grignotée par l'urbanisation. L'utilisation d'outils SIG performants permet aux professionnels d'affirmer qu'une zone de non traitement pourrait entraîner un recul du vignoble alsacien de 7 %, soit environ 1 000 hectares sur 15 000. Ils ne seront pas substitués. Sur la commune de Bourg-Saint-Andéol en Ardèche, dans les Côtes-du-Rhône, 381 parcelles dans la commune seraient impactées, soit 42 %. Ces parcelles qui représentent une somme de 155 hectares plantés pourraient se voir amputer de 24,3 hectares par application d'une telle ZNT. On multipliera à l'envi ces situations sur l'ensemble du vignoble. Outre les effets dévastateurs pour le parcellaire viticole, les conséquences pourraient également se faire ressentir bien au-delà des superficies directement concernées au niveau des exploitations. En effet, dans certains vignobles, comme la Bourgogne ou la Champagne, les parcelles peuvent être de quelques ares. C'est donc parfois toute la parcelle qui devra être arrachée. Dans d'autres situations, quand les exploitations sont de petites dimensions (deux à trois hectares), c'est l'équilibre économique de l'exploitation qui sera impacté. Ces arrachages ne pourront pas être compensés par des augmentations de rendement à l'hectare, qui sont plafonnés pour préserver la qualité des vins, d'une part, et le plus souvent compte tenu des aléas climatiques qui ne sont pas atteints une année sur deux, d'autre part. Dans de nombreuses exploitations, ces arrachages auront des conséquences sur leur capacité à produire l'AOC si le respect de l'équilibre de l'encépagement n'est plus respecté. La profession ne comprend pas la logique d'une ZNT en bordure des lieux d'habitation alors même que cela ne constituait pas une des recommandations du rapport sénatorial de Mme Bonnefoy en 2012 intitulé « Pesticides : Vers le risque zéro », que cela n'a pas été la conclusion du débat parlementaire dans la loi d'avenir pour l'agriculture et la forêt en 2014 et enfin que cela constitue une remise en cause des autorisations de mise en marché pour lesquelles le risque riverains est manifestement évalué. Il ressort ainsi du règlement communautaire que le « risque riverains » doit être spécifiquement évalué en vue de l'autorisation de mise en marché. Dans ces conditions, pour que l'arrêté en discussion puisse fixer une ZNT riverains par précaution pour l'ensemble des produits, encore faudrait-il que cette nécessité soit justifiée, notamment par des éléments sérieux sur la preuve que les taux d'exposition au-delà des parcelles traitées constituent un risque avéré pour les populations riveraines. Les professionnels craignent en réalité de devoir faire face à une proposition disproportionnée dans le but de calmer les inquiétudes de nos concitoyens, lesquelles sont régulièrement alimentées par les médias, sans discernement. Ils sont sensibles aux alertes sur les conditions d'utilisation des produits phytosanitaires depuis des années, leurs pratiques ont évolué et continuent d'évoluer, les viticulteurs ne sont-ils pas eux-mêmes les riverains de leurs propres parcelles, avec leurs amis, leurs familles, leurs enfants ? Si des études épidémiologiques démontrent un risque sérieux pour les riverains, les pouvoirs publics doivent retirer les AMM. C'est pourquoi il lui demande que la raison l'emporte dans ce dossier pour que la création de ces zones non traitées ne renforce pas inutilement les tensions entre les viticulteurs et leurs voisins.

Réponse émise le 27 décembre 2016

Par décision du 6 juillet 2016, le Conseil d'État a enjoint le Gouvernement à abroger l'arrêté du 12 septembre 2006 encadrant la mise sur le marché et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans un délai de 6 mois pour un motif procédural, sans remettre en cause le fond des dispositions. En effet, le Conseil d'État a jugé que le texte aurait dû faire l'objet d'une notification auprès de la Commission européenne et des autres États membres pour une partie de ses dispositions. L'arrêté du 12 septembre 2006 définit des règles d'utilisation des produits phytosanitaires en tenant compte du droit européen. En particulier, il impose plusieurs mesures de protection d'importance concernant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, telles que l'interdiction de traitement au-delà de certaines vitesses de vent pour limiter la dérive des produits, la fixation de délais de rentrée dans les parcelles après traitement, la protection de la qualité de l'eau. Le Gouvernement doit appliquer la décision de justice dans les meilleurs délais pour sécuriser juridiquement les dispositions permettant d'encadrer l'usage des produits phytosanitaires. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement envisage, à titre conservatoire, de notifier à la Commission européenne les dispositions actuelles de l'arrêté du 12 septembre 2006. Il importe toutefois que les discussions puissent se tenir sur les attentes des parties prenantes sur ces dispositions. Il a été indiqué que, si des mesures consensuelles de nature réglementaire émergeaient au cours des consultations, elles pourraient être intégrées au projet d'arrêté qui sera notifié. Le Gouvernement entend également examiner, avec l'ensemble des parties prenantes, toutes les dispositions qui peuvent être prises et les outils qui peuvent être mobilisés pour compléter ces dispositions réglementaires et répondre aux nouvelles préoccupations de santé publique et de protection de l'environnement. Il s'agit notamment : - d'étudier les dispositions les plus adaptées, y compris législatives, à la mise en œuvre d'une mesure transversale d'encadrement et de limitation de l'usage des produits phytopharmaceutiques à proximité des habitations ; - de généraliser d'ici au 1er février 2017 la mise en œuvre du dispositif d'encadrement par les préfets des conditions d'épandage des produits phytopharmaceutiques à proximité des établissements accueillant des personnes vulnérables (écoles, hôpitaux, …), en application de l'article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime ; - de contribuer à travers le plan Écophyto 2 à l'amélioration du matériel d'épandage utilisé par les agriculteurs afin de limiter efficacement la dérive des produits phytosanitaires, en tenant compte de l'évolution des connaissances scientifiques et des performances des nouveaux matériels disponibles ; - de poursuivre et achever les travaux en cours sur l'identification et la cartographie des cours d'eau tels que définis dans la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ces actions seront engagées et pilotées par les ministères chargés de l'agriculture, de l'environnement, de la santé et de la consommation. Toutes les parties prenantes seront associées et une restitution sur l'état d'avancement sera effectuée dans les prochains mois.

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