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Marion Maréchal-Le Pen
Question N° 15937 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 22 janvier 2013

Mme Marion Maréchal-Le Pen alerte M. le ministre de l'intérieur sur les manifestations de clandestins qui se déroulent régulièrement sur notre territoire depuis une vingtaine d'années, et notamment aux abords de l'Assemblée nationale. Nombre de ces manifestations, par exemple celle du 11 janvier 2013, s'accompagnent de harangues menaçantes, accusant la France et les Français de « colonialisme barbare », d'être des « voleurs », des « tortionnaires », etc., le tout sous les fenêtres de la représentation nationale. De tels propos à l'égard d'un pays qui leur donne autant voire plus de droits qu'à ses propres ressortissants, comme c'est le cas avec l'aide médicale de l'État, devrait amener une réflexion du Gouvernement sur l'autorisation de telles manifestations. Il semble difficile de concevoir comment un État de droit tolère durablement que des personnes qui ne sont pas en règle avec la législation sur le séjour manifestent constamment sans être inquiétés. Nombre de ces manifestants relèvent du reste des dispositions pénales du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Elle attire son attention sur l'incompatibilité qu'il y a entre l'hospitalité d'un pays et la rancœur visiblement forte que lui vouent ceux qui aspirent à la régularisation. Il est permis de douter que ces clandestins feront demain des citoyens paisibles et assimilés alors même que, déjà dans l'illégalité, ils font preuve d'un mépris choquant à l'égard de la France. Elle lui demande quelle sera l'attitude du Gouvernement face à ce type de manifestation à l'avenir.

Réponse émise le 4 mars 2014

Le Conseil constitutionnel a érigé la liberté d'association au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971) et a reconnu une valeur constitutionnelle à la liberté de manifestation en se référant au « droit d'expression collective des idées et des opinions » (décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995). L'article 10 de la charte des droits de l'union européenne du 30 mars 2010 énonce également que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion [et que] ce droit implique [...] la liberté de manifester [...] sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé [...] » et son article 19 « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique[...] ». En outre, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 protège les libertés d'expression et de réunion (articles 10 et 11). La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) considère que la liberté d'expression est « l'un des fondements essentiels de la société démocratique et l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun » dont les restrictions « appell[ent] une interprétation étroite », en particulier « dans le domaine du discours politique ou de questions d'intérêt général » (CEDH, 3e Sect. 15 mars 2011, Otegi Mondragon c. Espagne, Req. n° 2034/07- ADL du 16 mars 2011). Ainsi, seuls des « comportements représentant un danger pour la société [...] ne méritent pas d'être tolérés dans une société démocratique » (CEDH, 2e Sect. 3 février 2009, Women On Waves et autres c. Portugal, Req. n° 31276/05, § 42 - ADL du 3 février 2009). L'encadrement de ces libertés, doit donc être strictement proportionné aux nécessités de l'ordre public. Ainsi, exprimer une opinion collectivement et pacifiquement sur la voie publique est un droit fondamental qui ne saurait être remis en cause. Les services de police sont chargés du maintien de l'ordre durant les manifestations, et ont notamment pour mission de veiller à l'absence de débordements. En outre, si, l'article L. 611-1 du code du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), prévoit que « en dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire », il précise également que ces contrôles ne peuvent être effectués que si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger. Cette exigence d'extranéité est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, dans sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, a indiqué que la mise en oeuvre des vérifications ainsi confiées par la loi à des autorités de police judiciaire doit s'opérer en se fondant exclusivement sur des critères objectifs et en excluant, dans le strict respect des principes et règles de valeur constitutionnelle, toute discrimination de quelque nature qu'elle soit entre les personnes. " (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Journal officiel du 18 août 1993, p. 11722). Or, le fait qu'une personne défende une opinion selon laquelle les étrangers en situation irrégulière devraient pouvoir obtenir le droit de séjourner en France ne peut constituer un signe extérieur d'extranéité dans la mesure où cette opinion peut être manifestée par tous. De même, les conditions préalables à la réalisation de contrôles d'identité ne sont pas réunies lors de telles manifestations. En effet, le fait qu'une personne exprime l'opinion en faveur d'une politique de régularisation des étrangers ne permet pas d'en conclure qu'il existe des raisons de soupçonner que cette même personne est elle-même en infraction avec le droit au séjour des étrangers en France. Aussi, le juge n'hésite pas à sanctionner tout détournement de procédure de nature à porter atteinte aux droits de la personne qui manifestait légitimement, sans qu'aucun débordement ne lui soit reproché par le ministère public, sa situation particulièrement difficile sur le plan humain (cour d'appel de Douai 7 avril 2012 n° 12/00154). Ce n'est qu'en cas de manifestation interdite que les participants pourront faire l'objet d'un contrôle d'identité prévu par l'article 78-2 du code de procédure pénale (CPP) dans la mesure où ils sont coupables de la contravention de 1re classe prévue par l'article R.610-5 du code pénal pour violation des interdictions édictées par les décrets et arrêtés de police. Très attaché au respect des libertés d'expression et de réunion, le Gouvernement n'en demeure pas moins attentif aux débordements qui pourraient avoir lieu lors de telles manifestations et constitueraient des infractions pénales.

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