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Dino Cinieri
Question N° 97976 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 26 juillet 2016

M. Dino Cinieri alerte M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur le traitement de lutte contre le drosophila suzukii, insecte ravageur originaire d'Asie qui connaît depuis 2008 une progression spectaculaire en Europe. Identifié en France officiellement en 2010, il cause des dégâts très importants sur de nombreuses espèces fruitières, notamment sur les cerises du Pilat. Drosophila suzukii n'a actuellement pas de prédateur ou de parasite efficace en Europe. Très polyphage, très mobile et avec un taux de reproduction très élevé (une génération tous les 7 jours), ce ravageur redoutable s'adapte à une large gamme d'environnements. Actuellement, il n'existe qu'une seule molécule relativement efficace, le diméthoate. Mais l'ANSES a retiré l'autorisation de mise sur le marché des produits le contenant depuis le 1er février 2016. Au niveau européen, la substance active diméthoate est autorisée jusqu'à 2018 et le renouvellement de son autorisation pour les années suivantes est actuellement en cours d'examen. Les enjeux sont considérables : en 2015, il y avait, en France, 8 139 hectares de cerisiers ayant produit 41 814 tonnes de cerises. En culture de cerises, la main-d'œuvre représente 70 % des coûts de production. Des dizaines de milliers d'emplois sont donc en jeu. Afin d'éviter que l'agriculture française ne devienne la victime expiatoire de la « mouche asiatique », un allègement des conditions d'utilisation du diméthoate apparaît indispensable, tout comme la recherche de nouveaux financements pour la recherche appliquée afin d'apporter des solutions à court terme aux producteurs, ou encore la mise en œuvre de contrôles réguliers sur les productions de fruits et légumes étrangères, notamment italiennes, espagnoles ou encore turques, qui permettraient de déterminer le pourcentage de diméthoate contenu dans celles-ci et ainsi résorber une concurrence déloyale. Aussi il lui demande quelles dispositions entend prendre le Gouvernement pour rassurer les producteurs du Pilat concernés par les ravages de ce moucheron asiatique.

Réponse émise le 10 janvier 2017

Au niveau européen, la substance active insecticide diméthoate a été inscrite sur la liste des substances autorisées dans des produits phytosanitaires le 1er octobre 2007 pour dix ans. Cette décision a été prolongée jusqu'au 31 juillet 2018. Dans ce cadre, l'entreprise à l'origine de la demande d'inscription devait fournir des données relatives à certains métabolites préoccupants, destinées à confirmer l'évaluation des risques toxicologiques pour le consommateur. En 2013, sur la base de l'ensemble des données fournies par l'entreprise, l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu que les données disponibles ne permettaient pas de confirmer formellement, au niveau européen, que l'utilisation de la substance active diméthoate ne présentait pas de risque inacceptable pour le consommateur. L'absence de conclusion européenne a renvoyé aux États membres la responsabilité de statuer, produit par produit et usage par usage, sur le niveau de risque pour le consommateur lié à l'utilisation de produits à base de diméthoate. En l'absence de données sur les résidus, quels que soient les usages revendiqués, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) a été conduite à retirer l'autorisation de mise sur le marché du DIMATE BF 400 en France en février 2016, sans aucune observation de la part de l'entreprise commercialisant ce produit lors de la procédure contradictoire. L'examen des autorisations délivrées par d'autres États membres pour des produits identiques, notamment au titre de l'article 53 du règlement (CE) no 1107/2009 (« dérogations 120 jours ») avait par ailleurs conduit la France à solliciter auprès du pétitionnaire les données d'évaluation du risque pour le consommateur qui auraient pu être fournies dans d'autres États membres. Le détenteur a répondu que l'ensemble de ses données avaient été transmises dans le cadre de la demande de ré-approbation de la substance active, actuellement en cours d'examen par l'Italie, État membre rapporteur. L'usage sur cerises n'est toutefois pas défendu dans le cadre du dossier de ré-approbation de la substance active. Aucune pratique agricole sur la cerise ni aucune étude de résidus sur cette culture ne sont donc disponibles dans le dossier actuellement en cours d'examen. En l'absence de toutes données complémentaires permettant d'envisager une dérogation, la France a demandé le 29 mars dernier à la Commission européenne de mettre en place des mesures d'interdiction immédiate de l'utilisation du diméthoate dans toute l'Union européenne sur les fruits et légumes et des mesures d'interdiction d'importation de cerises provenant de pays dans lesquels la substance serait autorisée. La Commission européenne a saisi l'EFSA, qui a rendu un avis, en urgence, le 11 avril, sur la base des données disponibles. L'avis de l'EFSA constate le manque de données pour utiliser ce produit, en particulier dans le traitement des cerises, et conclut que les risques aigus et à long terme de l'utilisation du diméthoate sur la santé des consommateurs ne peuvent pas être exclus. Une intoxication au diméthoate peut provoquer notamment des tremblements, une hypersalivation et, dans les cas graves, une détresse respiratoire. Dans le cadre des utilisations revendiquées antérieurement pour l'usage du diméthoate, la pratique agricole visant à assurer un niveau suffisant d'efficacité contre les mouches attaquant les cultures est très proche de la dose qui présente un risque pour le consommateur. Ce constat a d'ailleurs conduit, au niveau européen, à inscrire en 2015 le diméthoate sur la liste des substances actives dont les États membres doivent envisager la substitution par d'autres produits ou alternatives agronomiques. Le ministre chargé de l'agriculture a porté ce dossier au niveau européen afin de trouver une issue européenne collective garante à la fois de la protection des consommateurs et de l'absence de distorsion entre producteurs sur le marché européen. A ce jour, il est établi que les principaux États membres producteurs de cerises n'ont pas délivré de dérogation pour usage de ce produit sur les cerises. La Commission a pour sa part d'ores et déjà engagé des travaux de révision des limites maximum de résidus, sans pour autant interdire le diméthoate à l'échelle européenne. Pour être certain de protéger la santé des consommateurs, mais également les agriculteurs français d'une concurrence déloyale, le ministre chargé de l'agriculture a décidé, en l'absence d'interdiction au niveau européen, de prendre une clause de sauvegarde qui interdit l'importation et la commercialisation en France de cerises fraîches provenant de pays autorisant le diméthoate. Pour les producteurs, la priorité est aujourd'hui de limiter les dégâts de Drosophila suzukii en s'appuyant sur les préparations insecticides alternatives autorisées sur cerises ainsi que sur les solutions non chimiques de protection des cerisiers, qui présentent des niveaux d'efficacité variables mais apportent des solutions, seules ou en combinaison, pour lutter contre les mouches. Le ministre chargé de l'agriculture a également permis l'utilisation de trois produits supplémentaires pour traiter les cerises, en alternative au diméthoate. En outre, l'avis de l'Anses, que le ministre chargé de l'agriculture a saisie en urgence le 13 mai 2016 à la demande des industriels, conclut que les données complémentaires fournies par ces derniers ne permettaient pas non plus de lever les incertitudes quant à une utilisation exceptionnelle uniquement pour les vergers dont les cerises sont destinées à la transformation. Dans le cadre des échanges réguliers avec les professionnels agricoles concernés dans ce dossier, le ministre chargé de l'agriculture a clairement indiqué que les pertes de récoltes qui résulteraient cette année des dégâts générés par la mouche Drosophila suzukii pourraient être indemnisées à condition que les producteurs de cerises s'engagent dans un plan de prévention et de lutte durable contre cet insecte nuisible. Les situations des entreprises de transformation seront examinées au cas par cas au regard des perturbations ou des difficultés d'approvisionnement qu'aura générées, le cas échéant, le retrait d'autorisation de ce produit. De façon plus générale, les agriculteurs doivent, avec l'appui technique et financier décidé par le Gouvernement dans le cadre du plan Écophyto 2, construire des stratégies de lutte et de prévention collectives pour mieux se prémunir contre les ennemis des cultures.

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