Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du mercredi 19 mai 2021 à 21h00
Motion de rejet préalable (projet de loi ordinaire) — Article 3

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Ces amendements, tels qu'ils sont rédigés, ne peuvent pas prospérer. Je rappelle que, pour placer une personne en garde à vue, il faut des raisons plausibles de la suspecter ; pour mettre en examen, il faut des indices graves et concordants ; pour envoyer devant une juridiction, il faut des charges ; pour condamner, il faut des preuves. Et chacun de ces termes correspond à des choses bien précises.

Imaginons qu'un avocat soit suspecté d'avoir commis un faux ; il n'y a pas de preuve, mais on peut penser que c'est lui. Pourra-t-on perquisitionner dans son cabinet ? Oui ! Toutefois, il y aura un certain nombre de garanties : il y aura peut-être ce que vous avez appelé tout à l'heure « l'intime conviction » de l'officier de police judiciaire, madame Kuster, mais il y aura surtout l'examen de la demande par le juge des libertés et de la détention. Dans le système actuel, un juge d'instruction qui souhaite perquisitionner chez un avocat peut le faire, un contrôle étant exercé a posteriori. Désormais, le contrôle interviendra a priori.

On ne peut pas attendre qu'il y ait suffisamment d'éléments pour mettre l'avocat en examen, car il ne sera peut-être jamais mis en examen, notamment s'il y a une simple suspicion et rien d'autre. On ne peut pas non plus attendre d'avoir la certitude de sa culpabilité, car cela signifierait qu'il a déjà été jugé, comme l'a très justement relevé M. le rapporteur.

Le régime que nous proposons est le plus protecteur du secret professionnel de la défense. Celui-ci avait besoin de ces dispositions, car il s'était délité au fil des ans. Nous avons beaucoup travaillé sur la question, et je pourrais multiplier les exemples.

Sous une précédente législature, on avait promis une loi pour réparer le secret professionnel de la défense, mais elle n'a pas été présentée. Je m'y suis attelé. Le présent texte est protecteur, tout le monde s'accorde à le dire. Concernant les interceptions téléphoniques, monsieur Diard, ma réponse semble vous avoir convaincu.

Nous ne pouvons pas aller au-delà dans ce texte : il ne faudrait pas que l'avocat devienne un justiciable au-dessus des lois ! D'ailleurs, le secret professionnel de la défense protège non pas l'avocat, mais le justiciable. Selon un sondage récent, que Mme Avia a eu raison de mentionner, 93 % des Français se disent attachés au secret de la défense. Ils sont attachés de même, nous le savons, au secret médical.

Pour perquisitionner dans le cabinet d'un avocat – qui ne peut être l'annexe d'un commissariat de police ni une boîte aux lettres –, il faut qu'il y ait des raisons plausibles de le suspecter. S'il n'y en a aucune, il n'est pas question d'aller chercher quoi que ce soit dans ce cabinet.

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