Intervention de Jean-Marie Sermier

Séance en hémicycle du vendredi 5 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Sermier :

Le vote du budget représente toujours un moment important dans une démocratie. Il l'est d'autant plus lorsqu'il porte sur l'écologie, car il engage alors les générations futures. Adaptation des agriculteurs et des viticulteurs aux épisodes de sécheresse et de gel de plus en plus fréquents ; adaptation de l'économie touristique de montagne à la disparition programmée de l'enneigement ; disparition de nombreuses espèces, que nos compatriotes d'outre-mer constatent déjà : voici quelques exemples, parmi d'autres, des défis liés au changement climatique, qui touchent tous les Français au quotidien.

Ce constat est, je le crois, partagé sur tous ces bancs. Je ferai d'ailleurs partie de la délégation qui se rendra d'ici quelques heures à Glasgow, dans le cadre de la COP 26, pour exprimer notre vision et les réponses que nous entendons apporter en la matière. La position du groupe Les Républicains, sur ce thème, est constante : le réchauffement climatique nous impose évidemment de travailler à opérer le plus rapidement possible une transition décarbonée.

Nos positions divergent en revanche, madame la ministre, sur la façon d'atteindre cet objectif. Ce qui compte, ce n'est pas la communication de l'instant : c'est l'efficacité de l'action à moyen et long terme. Au fil du quinquennat, le Président de la République a installé une logique binaire, selon laquelle toute mesure émanant de ses rangs serait bénéfique pour le climat, tandis que toute proposition venue des oppositions relèverait de l'idée rétrograde, voire de la critique systématique. Pire, à cette conception tronquée du débat s'ajoute la terrible rhétorique du « en même temps », qui permet de prétendre un jour diminuer la place du nucléaire, pour affirmer sans sourciller le lendemain que le nucléaire est une industrie d'avenir.

Le budget dont la présentation nous occupe aujourd'hui permettra-t-il à la France de réduire ses émissions de gaz à effet de serre ? Je ne le crois pas, car il ne s'appuie pas sur les domaines d'expertise de notre pays, à savoir les industries nucléaire et hydroélectrique. À en croire le dernier rapport de RTE, le mix mêlant nucléaire et l'hydroélectricité émet peu de carbone et garantit une forte puissance énergétique, tout en étant aisément pilotable et peu cher. La construction de nouvelles centrales s'impose donc comme une évidence. À cet égard, la décision relative à la construction de six nouveaux EPR se fait attendre : elle n'apparaît nulle part, dans aucun rapport ni aucun budget. Pourtant, même si tous les crédits nécessaires n'auraient évidemment pas vocation à être votés cette année, une telle décision aurait nécessairement des répercussions très fortes sur le budget que nous examinons aujourd'hui.

Par ailleurs, s'il faut effectivement développer les énergies renouvelables, nous ne devons pas le faire à n'importe quel prix, comme vous le proposez dans le programme 174. Nous posons trois conditions : les énergies renouvelables ne doivent pas concurrencer le nucléaire, leur montée en puissance doit respecter la beauté de nos paysages, et elle doit s'appuyer sur des filières intégralement françaises ou européennes – de la fabrication au recyclage – et créatrices d'emplois. En cela, l'installation de panneaux photovoltaïques sur des centres commerciaux, des usines ou des bâtiments agricoles ou la construction d'unités de méthanisation représentent des solutions intéressantes, que nous soutenons.

A contrario, nous demandons un moratoire immédiat sur la construction de nouvelles éoliennes. Entre le béton coulé dans les sols, la déforestation, l'atteinte à la biodiversité et la nécessité de relancer les centrales à gaz quand il n'y a pas assez de vent, cette technologie souffre d'un sérieux manque d'intérêt écologique. Chacun le sait, nous ne sommes pas des partisans de la décroissance affirmant qu'il faudrait réduire notre consommation électrique pour sauver la planète. Nous sommes encore moins de ceux qui souhaiteraient couvrir frénétiquement le territoire d'éoliennes non performantes pour y parvenir, comme il en est question dans le programme 174.

La mission Écologie, développement et mobilité durables englobe également l'eau et la biodiversité. Les forêts françaises sont malades. Il importe donc que l'Office national des forêts (ONF) soit rapidement mieux armé. En raison du réchauffement climatique, le scolyte frappe des départements forestiers entiers, comme celui du Jura. Les agences de l'eau auront également besoin de crédits : si ces derniers sont certes préservés cette année, vous les aviez tout de même amputés de 500 millions d'euros en début de quinquennat.

Le dispositif MaPrimeRenov' est bénéfique, et même nécessaire – vous voyez que, quand vous faites quelque chose de bien, nous le reconnaissons avec force ! Son déploiement rencontre toutefois des difficultés opérationnelles – je crois que nous nous accordons tous sur ce point –, comme en témoignent les remontées d'utilisateurs qui se heurtent à des blocages administratifs, voire techniques. Nous proposons de donner davantage de marge de manœuvre aux opérateurs locaux – je songe par exemple à l'association Soliha dans le département du Jura. Je crains par ailleurs, pour être franc, que les gains offerts aux particuliers par le dispositif MaPrimeRénov' ne soient balayés par l'augmentation des prix de l'énergie.

Vous l'aurez compris, madame la ministre : il ne suffit pas de partager des constats pour régler les problèmes que rencontreront nos enfants et nos petits-enfants. Permettez-moi, d'ailleurs, en cet instant, d'avoir une pensée particulière pour Zoé et Angèle, qui devront faire face à tant de nouveaux défis pour leur avenir.

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