Intervention de Ericka Bareigts

Séance en hémicycle du jeudi 17 mai 2018 à 15h00
Prestation de compensation du handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEricka Bareigts :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la prestation de compensation du handicap est un des piliers du droit à compensation inscrit dans la loi du 11 février 2005. Cette prestation est destinée à couvrir les besoins de la personne en situation de handicap à partir d'une évaluation globale et individualisée. Elle contribue à l'objectif essentiel de la politique du handicap, qui est de permettre à chacun de choisir librement son projet de vie.

En mars 2016, la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, et la secrétaire d'État chargée des personnes en situation de handicap et de lutte contre l'exclusion, Ségolène Neuville, ont saisi l'IGAS d'une demande de mission portant sur la « révision des conditions et modalités d'attribution » de la PCH, afin de « viser une meilleure équité sur le territoire » et de mieux cibler ses conditions d'attribution.

Trois pistes d'amélioration sont suggérées dans cette lettre de mission : la mise en commun de la PCH en logement « partagé », la prise en compte d'une « aide à la parentalité » au sein de la prestation, la suppression de la barrière d'âge de soixante-quinze ans pour accéder à la prestation, voire de soixante ans pour faire reconnaître le handicap.

Le comité interministériel du handicap du 2 décembre 2016 a pris quatre décisions pour améliorer la compensation du handicap : supprimer la barrière d'âge de soixante-quinze ans pour bénéficier de la PCH dans le cas des personnes qui y étaient éligibles avant soixante ans ; prendre en compte les besoins liés au handicap psychique, cognitif ou mental dans les critères d'éligibilité à la PCH ; créer des aides à la parentalité dans le cadre de la PCH ; accompagner, enfin, dans le cadre d'un partenariat pluriannuel, l'association Handéo dans ses démarches d'enrichissement de l'offre de services à la personne destinés aux publics en situation de handicap et de promotion de la qualité de service. Cependant, le comité interministériel du handicap du 20 septembre 2017 n'a proposé aucune mesure concernant le droit à compensation du handicap.

Le texte que nous examinons aujourd'hui propose deux mesures visant à améliorer la prestation de compensation du handicap. La première supprime la barrière d'âge de soixante-quinze ans au-delà de laquelle une personne ne peut plus demander à bénéficier de la PCH, alors même qu'elle répondait aux critères d'attribution de cette prestation avant l'âge de soixante ans.

Actuellement, les textes législatifs et réglementaires imposent deux barrières d'âge pour demander la PCH, l'une à soixante ans, l'autre à soixante-quinze ans, qui sont toutes deux contestées. Celle de soixante-quinze ans pénalise ceux qui n'ont pas jugé utile de demander la PCH avant soixante-quinze ans et qui se retrouvent, passé cet âge, en difficulté en raison d'un changement survenu dans leur environnement.

L'article 45 de la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a prévu la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur l'impact des seuils de soixante et de soixante-quinze ans pour l'attribution de la prestation de compensation du handicap dans la prise en compte du handicap pour les personnes vieillissantes en situation de handicap.

C'est à la suite de l'adoption de cet article que le gouvernement précédent a saisi l'IGAS. Le rapport de celle-ci, paru en novembre 2016, propose d'assouplir les barrières d'âge. Il recommande, d'une part, de supprimer la barrière d'âge de soixante-quinze ans et, d'autre part, de repousser dans un premier temps la barrière d'âge pour l'accès à la PCH de soixante à soixante-cinq ans. Le comité interministériel du handicap du 2 décembre 2016 s'est également prononcé en faveur de la suppression de la barrière d'âge de soixante-quinze ans.

Dans le cadre des travaux de la mission de l'IGAS, une évaluation de son coût a été réalisée par la DRESS – direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques. Il serait faible : la DGCS – direction générale de la cohésion sociale – avait estimé que cette mesure pourrait concerner 8 700 bénéficiaires potentiels, pour un montant mensuel moyen de PCH de 750 euros : le coût de la mesure serait de 69 millions d'euros. Si le groupe Nouvelle Gauche soutient cette première mesure de la proposition de loi, la question de l'autre barrière d'âge, celle de soixante ans, reste posée.

La seconde mesure de la proposition de loi prévoit de mettre en place une expérimentation sur trois ans, dans des départements volontaires, afin d'étudier les conditions de faisabilité d'un dispositif garantissant un niveau de reste à charge équivalent au maximum à 10 % des ressources des bénéficiaires de la PCH. Les frais de compensation restant à la charge du bénéficiaire de la PCH sont pris en charge par le fonds de compensation, dans la limite des financements de ce fonds. Cette aide du fonds serait accordée sous condition de ressources.

Si le groupe Nouvelle Gauche prend acte de la volonté du rapporteur de réduire les restes à charge des personnes qui font appel aux fonds départementaux de compensation, nous nous interrogeons sur la situation des personnes qui n'auront pas la chance de vivre sur les territoires retenus pour cette expérimentation.

En effet, selon l'enquête de la CNSA réalisée en 2015, il existe de grandes disparités sur le territoire, à la fois en matière d'organisation et de financement des fonds, de publics et d'aides éligibles. Lorsque les données sont disponibles, le reste à charge des personnes ayant bénéficié d'un financement du fonds est en moyenne de 16 %, soit plus que le maximum de 10 % de reste à charge fixé par la loi.

La rédaction actuelle de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles soulève plusieurs questions. La première est celle du champ d'intervention des fonds départementaux de compensation : doivent-ils financer uniquement les restes à charge des bénéficiaires de la PCH ou de toute personne en situation de handicap ? La circulaire du 19 mai 2006 a, quant à elle, une vision très large du public éligible.

La deuxième est celle du périmètre et de la définition du reste à charge : la loi pose un double critère contradictoire. Elle précise que les frais de compensation restant à la charge du bénéficiaire de la PCH ne peuvent excéder 10 % de ses ressources personnelles nettes d'impôts « dans des conditions définies par décret », mais dans la limite des tarifs et montants pris en charge par la PCH. Ce décret d'application sur le reste à charge n'a jamais été publié.

La troisième est celle de l'articulation entre l'obligation de financement et le caractère facultatif de l'abondement du fonds par les différents financeurs. Les incertitudes financières rendent ces fonds très précaires et fragilisent leur fonctionnement. Cette situation a pour effet d'insécuriser grandement les personnes qui y font appel pour financer les restes à charge qu'elles ont dans le cadre de leurs droits à compensation.

Si le groupe Nouvelle Gauche salue l'initiative du rapporteur, il souligne la portée limitée de cette proposition de loi qui ne saurait constituer qu'une première étape pour améliorer la PCH. D'autres attentes fortes et d'autres défis à relever ne sont pas traités dans cette proposition de loi : exclusion de certaines personnes handicapées âgées du bénéfice de la PCH en raison du maintien de la barrière d'âge de soixante ans ; difficultés d'accès à la PCH pour le handicap psychique, cognitif ou mental ; exclusion de l'aide ménagère dans la PCH, ce qui crée de grandes difficultés et de l'incompréhension pour les personnes ; inadaptation de la PCH pour insuffisance de l'aide à la parentalité des personnes en situation de handicap. Toutes ces questions restent encore posées.

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