Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du vendredi 28 juillet 2017 à 9h30
Confiance dans la vie publique — Après l'article 15

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement visant à rendre le vote obligatoire. Si chacun a le droit d'exercer son droit de vote, il a aussi le droit de ne pas l'exercer. Je ne peux donc pas être favorable à cette initiative.

J'en profite – si vous me le permettez, mesdames et messieurs les députés – pour dire un mot de façon plus générale sur l'ensemble des amendements visant à insérer un article additionnel après l'article 15. Je ferai à ce propos trois observations.

Premièrement, quel que soit leur intérêt – et nombre des sujets que vous évoquez sont éminemment intéressants – , je répète que les amendements que vous proposez ne présentent pas de lien, même indirect, avec le texte en cours de discussion. Je vous prie de m'excuser d'insister sur ce point, mais l'objet du texte en discussion s'apprécie non seulement au regard de son titre, mais au regard du contenu des règles présentées dans le projet de loi initial. C'est donc à ces règles que les dispositions que vous proposez devraient se rattacher. Or il me semble que dans la plupart des cas, ce lien n'existe pas.

Je voudrais, au-delà de cette question purement procédurale, faire une deuxième observation. Je rappelle que notre ambition, par ces textes, est de rendre confiance dans la vie publique, pas de revoir l'ensemble de la vie institutionnelle ou économique de notre pays ! Or il me semble que l'enjeu de ces deux projets de loi, à savoir rétablir la confiance entre les élus et les citoyens, n'a pas de lien immédiat avec les dispositions applicables aux représentants des salariés élus dans les conseils d'administration, ni avec le droit des sociétés dans son ensemble, ni avec la réglementation bancaire – nous verrons cela plus loin – , ni avec le droit électoral, ni avec la présomption d'innocence, le fait majoritaire, l'encadrement des médias, etc. Je reconnais que toutes ces questions sont très intéressantes, mais il me semble qu'elles dépassent le cadre initialement fixé par le projet de loi.

Ce texte n'a pas pour objet de fournir à la représentation nationale l'occasion de reprendre, par voie d'amendement, le programme électoral de La France insoumise ou des autres partis politiques ici représentés – indépendamment de tout jugement sur le contenu de ces programmes. Il me semble que les sujets que vous évoquez sont trop sérieux pour être abordés de cette manière, par amendement. Nombre d'entre eux pourront se rattacher aux débats qui auront lieu sur le projet de loi constitutionnelle ou sur les projets de loi organique qui s'ensuivront, et les autres pourront être abordés à l'occasion de l'examen de telle ou telle disposition législative.

Enfin, ma dernière observation porte sur la manière de faire la loi. Faire la loi, c'est l'aboutissement d'un processus d'évaluation et de réflexion, c'est un travail qui ne s'improvise pas sur les bancs de cet hémicycle. Cela implique de dépasser les conceptions trop globales pour considérer un objet précis, que l'on entend faire évoluer. Pour faire la loi, me semble-t-il, il faut renoncer aux slogans et accomplir un travail continu fondé sur une évaluation du droit en vigueur.

C'est pourquoi je serai malheureusement conduite, dans la suite de nos débats, à donner un avis défavorable sur les amendements que vous proposez, non que je méprise leur qualité, mais parce que je considère qu'ils ne se rattachent pas au processus législatif en cours.

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