Intervention de Amélie Verdier

Réunion du mercredi 26 juillet 2017 à 9h05
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Amélie Verdier, directrice du budget :

N'étant pas ministre mais seulement directrice du budget, je ne peux pas répondre à certaines questions. Ainsi, je ne peux pas vous dire déjà comment sera construit le budget de l'année prochaine.

S'agissant de la construction du budget, je commencerai par rappeler qu'il s'agit à la fois d'un acte de prévision et un acte de programmation – ce qui vaut également pour la programmation pluriannuelle. Le principe cardinal, c'est d'illustrer les conséquences des décisions. Nous commençons par établir le « tendanciel », c'est-à-dire ce qui se passe en l'absence de toute décision, de toute mesure nouvelle de dépense ou d'économie ; nous calculons l'effet en année pleine de décisions prises en cours d'année, ou l'effet au cours des années à venir de mesures de masse salariale, par exemple. Nous essayons de nous mettre d'accord avec les autres ministères pour que cette analyse soit aussi objective que possible.

Je me permets d'insister sur la complexité de cet exercice. Il existe des erreurs de prévision. Ainsi, pour les dépenses de guichet, c'est-à-dire les dépenses de transfert aux ménages selon certains critères, nous établissons des prévisions du nombre de bénéficiaires, à partir des mesures passées. Dans le cas des APL, la formule est complexe, faisant intervenir le loyer, la composition du foyer, les autres revenus, la surface... Certaines variables sont plus difficiles à prévoir que d'autres. Je le dis de manière très humble : nous essayons de faire au mieux, tout en sachant que la marge d'erreur existe. Il y a souvent des surprises, à la hausse ou à la baisse.

Les tendanciels que nous établissons servent de base à l'inscription des crédits en loi de finances. S'ils peuvent comprendre une part de volontarisme, il reste que notre métier est d'établir des prévisions aussi sincères que possible, en tenant compte des aléas.

S'agissant de l'audit de la Cour des comptes, il existait, c'est vrai, des impasses de construction dans le budget pour 2017. Je ne cherche pas à contourner cette difficulté ; mais les ministres, sortants et actuels, l'ont dit : la sincérité s'apprécie à plusieurs niveaux.

La première appréciation est juridique : le Conseil constitutionnel a jugé sincère la loi de finances pour 2017, tout en pointant des risques. Sa décision se réfère à l'avis du Haut Conseil des finances publiques, et elle est conforme à la jurisprudence, qui repose sur l'idée d'« intention manifeste de fausser les grandes lignes de l'équilibre ». La LOLF dispose en outre que la sincérité s'apprécie « compte tenu des informations disponibles ».

En matière de recettes, la création du Haut Conseil des finances publiques en 2012 a permis, objectivement, une nette progression de la sincérité des prévisions de croissance et de recettes – étant juge et partie, je ne me prononce pas, mais je cite des observateurs extérieurs. La Cour des comptes l'a également constaté : si elle a souligné certaines surévaluations de recettes, dans des proportions bien moindres que celles qui concernaient les dépenses, elle a globalement validé le scénario macroéconomique retenu. Je ne cherche pas ici à défendre qui que ce soit ; mais, dans le temps long des finances publiques, il me semble que ce dispositif de surveillance de nos finances publiques nous offre de bons garde-fous en matière de prévisions de recettes, qui sont établies en fonction des indicateurs macroéconomiques, du scénario macroéconomiques retenu, des encaissements, etc.

En matière de dépenses, nous nous livrons au même exercice. Mais je souligne que la sincérité doit s'apprécier ligne à ligne – et sur ce point, je ne tourne pas autour du pot, il existait des impasses et elles avaient été signalées. Mais le Gouvernement dispose aussi d'outils pour agir en cours d'année.

Vous m'interrogez, monsieur le président, sur le montant de la réserve de précaution, qui dépasse 13 milliards d'euros. À mon sens, ce n'est pas une bonne chose. En rendant indisponibles ces crédits, on prive les gestionnaires de toute visibilité sur leur budget effectif ; ils sont pourtant responsables du budget qui leur a été alloué en loi de finances initiale.

Comme directrice du budget, je peux défendre la réserve de précaution : il faut parfois atteindre, à court terme, des objectifs de finances publiques. Pour cela, il faut limiter la dépense et c'est le rôle de la réserve. Mais un gel trop important est risqué, parce que l'on finit par immobiliser des crédits qui correspondent à des dépenses obligatoires et, surtout, parce que ce n'est pas là de la bonne gestion publique.

Le ministre l'a dit : le Gouvernement veut réduire la réserve de précaution. La première année d'application de la LOLF, elle était de 6 % ; nous sommes descendus, une fois, jusqu'à 5 %. Longtemps resté à 6 %, le taux a atteint 8 % à compter de la loi de finances pour 2015.

J'insiste sur le fait qu'il faut mettre des crédits en réserve pour pouvoir prendre des mesures d'urgence, par exemple pour atteindre l'objectif de 3 % de déficit public. C'est le sens du décret d'avance et du décret d'annulation signés au début de ce mois. De même, tous les ans, il y a des aléas – je pense notamment aux crédits qui viennent d'être ouverts pour faire face aux crises sanitaires auxquelles sont confrontés les éleveurs.

En ce qui concerne la programmation pluriannuelle, monsieur le président, je serai plus optimiste que vous : elle me semble utile, même si elle n'est pas respectée ; elle est même à mon sens indispensable pour progresser vers une plus grande sincérité des budgets, en dessinant un cadre de référence qui nous permet d'évaluer les conséquences des décisions annoncées. Par exemple, nous pourrons mieux illustrer, sur plusieurs années, les conséquences par rapport à ce qui était prévu d'une décision en matière de masse salariale.

Il est donc intéressant de réaliser plus fréquemment des exercices de programmation pluriannuelle. Cela permet d'illustrer les écarts avec les prévisions initiales.

Monsieur Labaronne, en matière de coopération, nous agissons de façon plus informelle que la DGFiP. Je vois très régulièrement mes homologues britannique, allemand, néerlandais : chaque pays est organisé différemment. Certains pays disposent d'une grande direction de la dépense ; d'autres ont plus fortement intégré la politique économique et budgétaire. Bercy a un rôle reconnu en matière d'appréciation des politiques publiques et des budgets : le rôle de mon homologue allemand, par exemple, est moins central – il alloue plutôt des budgets, mais si j'étais caustique je dirais que ses administrations les respectent aussi plus spontanément... Mais il n'y a pas d'organisation modèle. Le plus important, c'est que l'administration soit organisée pour répondre aux besoins du Gouvernement et fournisse des prévisions précises.

S'agissant des APL, il faut distinguer ce que l'on peut faire en cours d'année de ce l'on peut faire à moyen terme. Il existe des rapports qui montrent l'inefficience de la politique du logement ; nous y consacrons 1,9 % du PIB, soit le double de nos voisins, et nos résultats sont peu satisfaisants. En cours d'année, sans véhicule législatif, le Gouvernement ne peut que prendre des mesures réglementaires, qui touchent aux paramètres des APL.

S'agissant de l'ICHN, c'est un sujet important, mais ces inquiétudes ne concernent pas 2017.

Une masse de crédits très importante du budget de la défense avait été gelée ; 850 millions ont été annulés, et la ministre des armées a annoncé ce qui lui avait été confirmé par le ministre de l'action et des comptes publics, à savoir un dégel immédiat de 1,2 milliard d'euros. Ainsi, les gestionnaires connaissent les crédits qui leur sont réellement alloués.

Je conclurai sur le bilan de la LOLF. Nous devons revivifier son esprit : les gestionnaires doivent se sentir responsables de leurs crédits, et donc tenus par le plafond voté en loi de finances ; mais ils doivent aussi disposer de leviers plus puissants.

Enfin, la direction du budget n'est chargée ni de la perception des impôts, ni de la fraude fiscale. Je ne répondrai donc pas aux questions à ce propos.

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