Intervention de Bruno Joncour

Séance en hémicycle du mercredi 26 septembre 2018 à 15h00
Accord de dialogue politique et de coopération entre l'union européenne et cuba — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Joncour :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parler de peuple à peuple a toujours été le plus sûr moyen de nouer entre les hommes des liens de fraternité, d'écoute et de respect, seuls à même d'élever les consciences au-dessus des aléas politiques et historiques qui éloignent parfois les hommes les uns des autres.

Le groupe Mouvement Démocrate et apparentés au nom duquel je m'exprime reste persuadé, en dépit d'une conjoncture internationale qui pourrait paraître défavorable, que l'échange, la culture, le commerce, sont aujourd'hui encore les chemins les plus directs pour unir et réunir ce qui se tenait éloigné.

Réunir : tel est l'objet de l'accord que nous discutons en ce moment.

Parler de Cuba n'est pas chose évidente, car ce pays suscite en nous des sentiments ambivalents, nos débats en commission l'ont montré, soit que nous admirions la richesse de sa culture, soit que nous nous opposions à son régime oppressif ou au contraire que nous en voyions toutes les qualités, à commencer par son système éducatif ou de santé. Parfois, me permettrai-je de dire, tout cela à la fois. La situation de ce pays est le fruit de son histoire, des choix de ses dirigeants, de leurs relations avec leurs voisins tout comme avec les autres pays du monde, parmi lesquels l'Europe n'occupe pas une mince place.

Il me semble que cet accord, sans rien ignorer de tout cela, laisse au passé le temps du passé et se tourne résolument vers l'avenir. Nous aurions tout intérêt à faire de même, car il s'agit d'une aspiration profonde du peuple cubain qui demande à ce que lui soient ouvertes les portes d'un monde dont, à de rares exceptions près, il a été longtemps tenu éloigné. Et je souhaite que, dans ce cadre, la France et l'Europe ne soient pas les dernières à l'accueillir.

Les enjeux sont nombreux. Ils ont été rappelés par le rapporteur et la présidente de la commission. Ils ont trait aux aspects politique, économique, social et environnemental de nos pays. Ils appellent à de nouvelles formes de partenariat, à partir du moment où les deux parties montrent des signes d'ouverture et de dialogue. Tel est précisément l'objet de l'accord.

Dans le contexte d'une évolution sensible du régime cubain, il nous revient d'être à l'écoute le plus sérieusement possible des signes que Cuba envoie à ses partenaires, sans rien ignorer des faiblesses et des différends qui restent encore nombreux, mais avec tout l'espoir que peut réserver l'avenir.

Le changement à la tête de l'État cubain, la perspective de renouvellement interne et de transition sont l'occasion, nous semble-t-il, de prendre l'initiative de ce mouvement en direction de Cuba et d'approfondir les liens qui nous unissent, tout en fondant notre relation sur de nouveaux enjeux. La France a, depuis plusieurs années, entrepris ce dialogue par plusieurs actions fortes : la restructuration de la dette cubaine envers la France en 2016, la présence de l'Agence française de développement à Cuba, la visite du président Hollande et celle de Raúl Castro à Paris. Tout cela témoigne du renouveau et de la place qu'occupe désormais Cuba dans nos relations diplomatiques.

Le soutien de l'Union européenne est d'autant plus important, désormais, que la dépendance de Cuba à l'égard de l'économie vénézuélienne lui fait courir de grands risques. La gravité de la situation au Venezuela ne doit pas, à nos yeux, déteindre sur Cuba, qui présente d'ores et déjà des signes inquiétants, peut-être révélateurs d'une crise, comme en témoigne un déficit budgétaire de 12 %.

L'administration Trump a choisi la politique du durcissement. Nous devons, nous, Européens, privilégier la coopération et nourrir un dialogue constructif. Nous n'ignorons rien des manques, des erreurs et des fautes de Cuba, en particulier dans le domaine politique. Ce pays, relativement jeune, a toujours été ballotté entre des intérêts divergents et des régimes politiques souvent éloignés de la démocratie. De fait, Cuba n'a pas encore réussi à trouver son point d'équilibre. Il en va de même dans les autres domaines de coopération. Que ce soit en matière d'emploi, d'éducation, de santé publique, de culture ou d'égalité entre les hommes et les femmes, il me semble que nous avons là des sujets de discussion.

Sur la scène internationale, le message de Cuba, s'il est souvent apparu excessif, n'en est pas moins très identifié et important, y compris pour nos opinions publiques : l'anti-impérialisme, le développement par l'instruction et l'amélioration des conditions de vie ne nous sont évidemment pas indifférents.

De même, Cuba reste aujourd'hui encore un pays écouté en Amérique latine, et il ne nous serait pas inutile de trouver à travers lui un partenaire et un allié dans le dialogue que nous entretenons avec les pays d'Amérique du sud, et dont nous souhaitons qu'il se renforce durablement.

Enfin, pour la France et pour l'Europe, dans un monde particulièrement agité, dont les équilibres sont puissamment remis en cause, dans un contexte marqué par la lutte contre les trafics de drogue et la coopération à venir, tôt ou tard, avec le Venezuela, nous devons saisir l'occasion peut-être unique de réaliser des avancées en direction d'un pays qui n'intéresse ni les États-Unis ni la Chine, mais pour combien de temps encore ? C'est sur cette base que notre coopération peut évoluer et fructifier.

Mes chers collègues, les périodes de transition sont les plus délicates pour un pays, surtout lorsqu'il ambitionne de concilier développement économique et mutation politique. Cuba doit relever des défis immenses, en particulier la conjugaison du décollage économique et de la concorde nationale, car nous savons tous que la population a nourri de la frustration pendant ces longues années d'isolement. Il nous revient donc d'être pour Cuba des partenaires fiables et ambitieux, exigeants et amicaux pour que ce dialogue politique et cette coopération puissent être profitables à nos peuples.

C'est au nom des valeurs que j'ai exprimées que le groupe Mouvement Démocrate et apparentés votera cet accord, pour que s'ouvre une nouvelle page de la relation entre Cuba et la France, entre Cuba et l'Europe et, plus largement, entre Cuba et le monde.

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