Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du mercredi 31 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Cette année, le budget de la mission « Culture » diminue de 50 millions d'euros. Une fois de plus, la culture est l'une des principales variables d'ajustement du budget.

Prenons l'exemple de l'archéologie, qui est significatif. Le Gouvernement prévoit de limiter drastiquement les exigences en matière d'archéologie préventive. Alors que le taux de chantiers diagnostiqués a considérablement diminué, passant de 10,5 à 8,6 %, l'objectif du Gouvernement est de limiter le recours à ces diagnostics à un niveau compris entre 6 et 8 %. Ces quelques points de moins vont se traduire par la destruction de milliers de sites archéologiques, au seul bénéfice de la rapidité des chantiers et de la profitabilité des entrepreneurs.

La situation de l'archéologie est un des symptômes des positions ultralibérales dont souffre la culture dans ce budget : bâtir plus vite au détriment du patrimoine architectural, consommer plus, se cultiver moins. La seule ligne budgétaire qui augmente, c'est celle du Pass culture. Cette disposition est l'archétype de l'individualisation et de l'hyper-marchandisation de la culture. Il s'agit ici d'accepter le formatage culturel que l'on nous impose : il faut être réceptif à la consommation de produits culturels.

Un des principes fondateurs des Lumières consistait à libérer l'être humain de ses diverses tutelles. Ce projet d'émancipation par l'art et la culture annonçait alors le concept de citoyenneté. Vous lui substituez une financiarisation de la culture au profit exclusif de la sphère privée et au détriment, lui aussi exclusif, du bien commun.

Une mesure permettrait de démocratiser la culture : l'ouverture gratuite des portes des musées à des millions de nos concitoyens et concitoyennes le dimanche. Cela coûterait 80 millions, soit cinq fois moins que le coût du Pass culture, mais ce serait tellement plus efficace !

À l'endroit de la création et des auteurs, vos propositions sont quasi inexistantes. En février, pour notre part, nous proposerons une autre mesure efficace en matière de droits d'auteur. La France insoumise souhaite en effet offrir un véritable statut social aux artistes et créer un fonds d'aide à la création artistique. Il faut assurer un revenu digne aux artistes et une protection sociale convenable. Ces assurances données à nos créateurs seront financées par une taxe sur les droits d'auteur des ayants droit, de quinze à soixante-dix ans après la mort de l'artiste. Au-delà, les oeuvres tomberont dans le domaine public, comme c'est le cas dans le droit positif. La loi reprendra donc le vieux rêve de Victor Hugo, qui proposait, vous le savez, d'aller encore plus loin dans la solidarité intergénérationnelle entre artistes.

L'une de vos propositions, dans la mission « Médias, livre et industries culturelles », à laquelle est rattachée l'avance à l'audiovisuel public, consiste à vider le fonds stratégique pour le développement de la presse au bénéfice de Presstalis. Cette entreprise est en difficulté, ses salariés également, mais en ne sauvant Presstalis que provisoirement, vous mettez en danger les autres acteurs du secteur, notamment les médias en ligne. Il faut sauver Presstalis, assurément, et le secteur de la distribution tout entier, mais il faut le faire bien. Nous proposons pour notre part la création d'une coopérative unique de distribution de la presse, soutenue par l'État. Cette possibilité d'organisation intelligente et raisonnée de la distribution de la presse a déjà été avancée par notre collègue Marie-George Buffet dans une proposition de loi du 27 février 2013. Dans la même logique, les aides au portage de la presse devraient être supprimées pour soutenir les médias de proximité. Il faut organiser plus simplement et plus complètement la distribution de la presse en France.

Le projet de loi de finances du Gouvernement prévoit une baisse du budget de France Télévisions de 68 millions d'euros. À cette forte diminution, il faut ajouter la suppression de l'affectation de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques de 85 millions d'euros. Depuis la création de cette taxe, destinée à compenser le manque à gagner résultant de la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes du service public, son affectation au budget de France Télévisions se fait de plus en plus discrète. Nous devons la faire respecter ! Si le reste du budget de l'État est en souffrance, créons de nouvelles taxes, ou permettons-nous quelques économies nouvelles, notamment sur les cadeaux aux nantis dissimulés en niches fiscales ! Ce n'est pas le budget de France Télévisions qui doit souffrir de l'incapacité du Gouvernement à équilibrer les autres postes de dépenses, et rien ne justifie de telles coupes dans les budgets. Ces restrictions, chers collègues, n'auront d'autres effets que de dégrader les conditions de travail des salariés et la qualité des programmes proposés à nos concitoyens et concitoyennes.

Victor Hugo déclarait, dans cette enceinte, le 11 novembre 1848 : « L'époque où vous êtes est une époque riche et féconde ; ce ne sont pas [… ] les intelligences qui manquent, ce ne sont pas les talents ; ce ne sont pas les grandes aptitudes ; ce qui manque, c'est l'impulsion sympathique, c'est l'encouragement enthousiaste d'un grand gouvernement. [… ] Je voterai contre toutes les réductions que je viens de vous signaler et qui amoindriraient l'éclat utile des lettres, des arts et des sciences ». « Je ne dirai plus qu'un mot aux honorables auteurs du rapport », poursuit Victor Hugo, et je fais de même pour les auteurs de cette loi : « Vous êtes tombés dans une méprise regrettable, vous avez cru faire une économie d'argent, c'est une économie de gloire que vous faites ». C'était hier, ce pourrait être demain : c'est tellement actuel !

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