Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 3 octobre 2017 à 17h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale :

Madame Charrière, nous devons évidemment avancer sur le déploiement numérique. C'est, là encore, un sujet interministériel puisque nous devons travailler avec le secrétariat d'État au numérique afin de parvenir au déploiement du haut débit dans toute la France. Nous devons également faire le bilan du plan « Tablettes », afin d'évaluer ses effets. Il nous faut par ailleurs être attentif à d'autres dimensions, car les révolutions numériques ne se résument pas aux tablettes numériques. Je pense notamment à la question des robots et de l'intelligence artificielle, qui recouvrent des enjeux pédagogiques, éducatifs, mais également industriels. Je prêterai une attention toute particulière aux EdTechs françaises au cours des prochaines années : certaines start-ups sont en pointe sur ces questions et peuvent apporter beaucoup au système scolaire.

Nous devons avoir une vision d'ensemble, et une approche dont le mot-clé serait le discernement. Je ne suis absolument pas adepte du tout-numérique, pas plus que je ne le suis du cloisonnement à l'égard du numérique. Nous devons développer un usage pertinent du numérique, différent selon les âges de la vie. Il convient d'abord de transmettre un message de santé publique. Je le transmets régulièrement, et le redis devant vous : de plus en plus de rapports – notamment un, très récent, de la société française de pédiatrie – considèrent que l'exposition aux écrans avant six ans est très négative pour les enfants. Nous en avons d'ailleurs parlé avec Agnès Buzyn. Nous devons être attentifs à ce que la société des écrans n'apparaisse que progressivement dans la vie de l'enfant. Bien sûr, certains usages numériques sont pertinents dès l'école élémentaire, mais ils doivent être ciblés et correspondre à des méthodes et à des temps bien circonscrits. Au collège et au lycée, ce déploiement numérique doit être très important, faciliter de nouvelles pratiques pédagogiques et donc des innovations au service d'une plus grande implication des élèves dans leur scolarité.

Nous prévoyons une nouvelle étape pour le plan numérique, mais au-delà des tablettes, nous ferons preuve d'un fort volontarisme en matière de formation initiale et continue des professeurs.

Je vous soutiens dans vos propositions concernant le sport. Nous travaillons d'ailleurs sur ce dossier. J'ai commencé à l'évoquer avec Laura Flessel la semaine dernière à l'occasion de la Journée nationale du sport scolaire. Nous avons annoncé la création de 1 000 sections sportives nouvelles d'ici à 2024, qui s'ajoutent aux 3 000 existantes. Cela va dans votre sens puisque c'est comparable aux classes CHAM. Nous devons encourager ces initiatives. La création d'un label est une bonne idée, qui converge avec la nôtre : celle de labelliser des établissements qui correspondraient à des critères « Paris 2024 ». Nous espérons bien profiter de l'élan créé par les Jeux pour déployer les pratiques sportives dans les établissements.

Madame Dumas, ce livre pointe un problème bien réel. Je m'efforce de regarder les problèmes en face, et le diagnostic est clair : dans certains établissements, spécialement des collèges, il y a aujourd'hui des atteintes au principe de laïcité. Cela peut être par exemple un professeur de sciences de la vie et de la terre qui voit une partie de ses élèves contester que la Terre tourne autour du soleil… C'est très inquiétant, et très déstabilisant pour tous ceux, à commencer par les professeurs, qui vivent ces situations. La République ne doit pas être sur la défensive face à ces remises en cause de la laïcité, et plus généralement, au-delà de la question du fondamentalisme islamiste, face à tous les phénomènes que l'on peut ranger dans la catégorie de la « post-vérité ». La République doit être à l'offensive, et affirmer ses principes. Le monde adulte doit être uni face à toutes ces atteintes à la raison que l'on voit apparaître dans notre système scolaire. Concrètement, un professeur qui se trouve dans une telle situation doit pouvoir faire appel à son chef d'établissement, celui-ci s'appuyant sur l'ensemble de l'équipe éducative. C'est le message que nous envoyons à l'ensemble du système scolaire français.

Si cela ne suffit pas – ce qui arrive, comme le livre auquel vous faisiez référence le montre – alors c'est toute l'institution, c'est-à-dire le rectorat et, s'il le faut, le ministère, qui doit être derrière l'établissement, par des mesures éducatives, pédagogiques, voire d'ordre public. Chacun doit sentir, à commencer par les élèves, qu'il n'y a pas de recul, et que si l'on cherche à tester la République, celle-ci est parfaitement capable de répondre. La République est fière de ses principes et les affirme : c'est un changement pratique, mais aussi psychologique. C'est le sens de cette unité « laïcité » que j'ai mentionnée, comme vous le rappeliez, et qui sera en place dans le courant du mois d'octobre. Elle permettra d'établir une clarté juridique, et disposera d'une capacité de diagnostic et d'intervention au cas par cas. Je crois beaucoup aux cercles vertueux, je l'ai dit ; et c'est ici encore une question de confiance. La République a confiance en elle-même, et ses principes doivent être clairement affichés dès l'école primaire. Cela, les élèves doivent l'entendre, parce que c'est une certaine faiblesse, une certaine logique défensive qui a mené à des reculs. Nous adoptons donc cette nouvelle attitude avec résolution.

Monsieur Larive, la question des contrats aidés est une question sérieuse, que je vous remercie d'avoir posée. Contrairement à ce que vous avez dit, le ministère de l'éducation nationale n'est pas du tout le plus affecté. Je ne reviens pas sur la politique menée, en matière d'emploi, par le Gouvernement. Le Premier ministre l'a dit, il s'agit de changer radicalement de politique de l'emploi, en substituant à l'usage des contrats aidés une politique de formation professionnelle qui mène véritablement à l'emploi. Vous l'avez rappelé, les bénéficiaires des contrats aidés vivent une certaine précarité – et seuls 20 % de ceux qui sont employés dans le secteur public ont, en fin de contrat, une véritable insertion professionnelle. On peut souhaiter beaucoup mieux dans le futur, et le Gouvernement s'y attèle.

S'agissant de l'éducation nationale, nous avons conservé les 50 000 contrats aidés dont nous disposions pour accueillir les élèves en situation de handicap – je réponds ainsi également à Mme Bazin-Malgras. Nous disposions aussi de 22 000 accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) : ces contrats à durée déterminée renouvelables pour une durée maximale de six ans sont plus robustes que les contrats aidés. Nous en avons créé 8 000 nouveaux. Nous sommes donc passés de 72 000 à 80 000 contrats au total, ce qui est conforme à l'engagement du Président de la République.

Il est exact qu'à la mi-septembre, il y avait encore 3 500 situations non résolues – non pas par manque de moyens, mais du fait de problèmes de recrutement. J'en profite pour souligner qu'encore ces derniers temps, une personne qui souhaitait bénéficier d'un contrat aidé était bienvenue à l'éducation nationale pour participer à l'accueil des élèves en situation de handicap. Au moment où je vous parle, ces problèmes sont en cours de résorption ; le chiffre à la mi-septembre était d'ailleurs déjà meilleur que celui de l'an dernier, malgré l'augmentation du nombre d'élèves concernés. Nous devrions arriver à une réponse pour l'ensemble des cas. Je ne dis pas que la situation est pure et parfaite : ce n'est pas vrai. Je reçois tous les jours des témoignages de difficultés diverses et variées, souvent de nature qualitative. Mais ce qui est important, c'est de progresser, de construire, de résoudre les problèmes y compris en cours d'année. Nous sommes en progrès ; pour autant, nous devons continuer de travailler, non seulement pour créer des postes nouveaux – ce qui sera encore le cas à la rentrée prochaine, dans cette logique de substitution de CDD aux anciens contrats aidés – mais aussi pour réfléchir à une meilleure organisation de notre système. C'est clairement une priorité du Président de la République, et donc du ministère, et nous l'avons prouvé.

Monsieur Larive, je reviens aux contrats aidés. Nous avons donc défini une priorité pour les contrats aidés pour l'éducation nationale en général, et plus spécifiquement pour l'accueil des élèves en situation de handicap et pour l'outre-mer. Cela nous a permis de faire face à cette situation de transition, dont je reconnais qu'elle a pu poser des problèmes, notamment pour l'assistance administrative aux directeurs d'école. Notre volonté est que cette transition se passe le plus vite et le mieux possible, notamment en établissant, en lien avec les communes, de meilleurs contrats pour les personnes qui oeuvrent auprès des directeurs d'école. Quand ce n'est pas le cas, nous essayons qu'ils puissent bénéficier d'aides nouvelles. Nous continuons de travailler. Je reconnais, je le redis, qu'il y a un problème ; mais nous pensons pouvoir le résoudre progressivement.

Monsieur Le Bohec, vous m'interrogez sur la carrière des enseignants. C'est un très vaste sujet, et qui ne concerne pas mon seul ministère : je ne veux pas interférer avec les discussions menées par le ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique. Vous avez raison, ces mesures étaient très attendues et nous devrons revaloriser les traitements des professeurs dans le futur. Nous adoptons une vision pluriannuelle. Les contraintes qui pèsent sur le budget de la France, et que nul n'ignore, empêchent de faire tout ce que l'on voudrait, tout de suite.

Mais je suis très ouvert sur ce sujet, qui n'est pas uniquement salarial d'ailleurs ; il faut également penser à l'ouverture des carrières. Je veux assouplir le système pour ouvrir de nouvelles perspectives aux professeurs. Un nouveau directeur général des ressources humaines a été nommé mercredi dernier, et ce sera sa priorité ; il recevra les organisations syndicales pour évoquer ces questions. Plus généralement, ces perspectives seront le résultat des nouvelles organisations des établissements que l'on peut souhaiter, et qui permettront aux professeurs de prendre de nouvelles responsabilités. In fine, nous devons renforcer la considération dont jouissent les professeurs dans la société ; c'est aussi à cela que je pense lorsque je parle d'école de la confiance. Nous devons tous en être les acteurs : nous devons toujours soutenir les professeurs, et rappeler qu'ils sont au coeur de l'avenir de la société française. Si nous voulons que les élèves les respectent, nous devons nous-même les respecter et les mettre au centre de notre action.

2 commentaires :

Le 18/10/2017 à 11:10, Laïc1 a dit :

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" dans certains établissements, spécialement des collèges, il y a aujourd'hui des atteintes au principe de laïcité. Cela peut être par exemple un professeur de sciences de la vie et de la terre qui voit une partie de ses élèves contester que la Terre tourne autour du soleil…"

Ah ah ah, il y en a qui ont envie de faire de la provoc pour la provoc. C'est là que l’Éducation nationale doit montrer ses muscles.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 18/10/2017 à 11:31, Laïc1 a dit :

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"La République ne doit pas être sur la défensive face à ces remises en cause de la laïcité, et plus généralement, au-delà de la question du fondamentalisme islamiste, face à tous les phénomènes que l'on peut ranger dans la catégorie de la « post-vérité »."

Vous n'avez qu'à prendre l'offensive, avec réunion en début d'année avec tous les parents d'élèves, et mot dans les cahiers de correspondance (pour ceux qui ne veulent pas venir à cette réunion), mettant en exergue les sanctions qui seront faites dès lors que l'enseignement du professeur sera remis en question pour des motifs d'ordre religieux.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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