Intervention de Élodie Jacquier-Laforge

Séance en hémicycle du mercredi 8 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission des lois, madame et monsieur les rapporteurs, je tenais tout d'abord à remercier mes collègues rapporteurs spéciaux pour la qualité de leurs travaux et de nos échanges sur cette mission. Nous sommes tous conscients de la complexité de la gestion de la politique de l'immigration, de l'asile et de l'intégration.

Dans le cadre de l'élaboration de mon rapport pour avis, j'ai pu mesurer l'étendue de cette complexité. Et si c'est l'aspect budgétaire qui nous réunit aujourd'hui, force est de constater, comme l'ont déjà rappelé mes collègues, que nous sommes tout d'abord face à une urgence humanitaire.

Comme l'ensemble de ses partenaires européens, la France est le point d'arrivée de flux migratoires sans précédent. Si les entrées irrégulières en Europe ont diminué, la pression migratoire demeure très élevée en France, en raison notamment des importants flux secondaires intra-européens générés par les entrées sur le territoire européen au cours de l'année 2015. Avec 85 000 demandes d'asile déposées en 2016, soit 40 % de plus qu'en 2012, nous sommes désormais au troisième rang des pays d'accueil de demandeurs au sein de l'Union européenne, derrière l'Allemagne, qui a reçu 720 000 demandes, et l'Italie, qui en a reçu 120 000.

Face à cette situation, le Gouvernement a entrepris une démarche volontariste à travers le plan visant à garantir le droit d'asile et à mieux maîtriser les flux migratoires présenté le 12 juillet 2017 et dont le Président de la République a ainsi résumé l'esprit : « loger tout le monde dignement » et mettre en place « partout, dès la première minute, un traitement administratif ».

Accueillir, orienter, traiter : cela suppose des moyens supplémentaires, et c'est précisément ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2018, première étape de ce plan, en augmentant les crédits dédiés à l'asile de 33 % par rapport à 2017. Ces crédits supplémentaires permettront notamment de poursuivre la mise à niveau de notre parc d'hébergement réservé aux demandeurs d'asile et de renforcer les effectifs de l'OFPRA et de la CNDA afin de réduire les délais de traitement des demandes d'asile.

Des crédits supplémentaires sont également alloués à l'Office français de l'intégration et de l'immigration – OFII – pour financer les formations linguistiques dispensées aux étrangers munis d'un titre de séjour, dont font partie les personnes à qui on vient d'accorder l'asile, et faciliter leur intégration dans la société française.

Je me suis plus particulièrement intéressée à la gestion territoriale des flux de demandes d'asile. Notre système repose sur un dispositif déconcentré. Chaque demandeur d'asile peut déposer son dossier auprès de l'un des trente-trois points d'accueil que compte le territoire national. D'autres pays ont fait des choix différents. Par exemple, les Pays-Bas disposent d'un point d'entrée unique traitant toutes les demandes et l'Allemagne a mis en place un point d'entrée unique à partir duquel les demandeurs d'asile sont orientés vers les Länder selon une clé de répartition préalablement définie.

On constate depuis deux ans une très forte polarisation de la demande sur la région parisienne, à hauteur d'environ 40 %. La part des flux secondaires intereuropéens, composés d'individus ayant déjà déposé une demande dans un autre pays et relevant donc de la « procédure Dublin », y est très importante. Ceux-ci représentent désormais près de 80 % des individus accueillis au centre de premier accueil situé porte de la Chapelle, au nord de Paris, où j'ai accompagné en septembre la présidente Braun-Pivet.

Afin de décongestionner les centres d'accueil d'Île-de-France, éviter l'installation de campements illégaux sur la voie publique et satisfaire le besoin urgent d'hébergement, on mobilise fortement le dispositif des centres d'accueil et d'orientation – CAO – initialement créés pour désengorger le Calaisis. Ouverts en urgence, ils apportent une contribution décisive au renforcement de la logique d'orientation du dispositif national d'accueil. Il importe désormais – et le ministère de l'intérieur y travaille – de rationaliser ces structures en harmonisant les prestations fournies et les coûts de fonctionnement, mais aussi en adaptant les sites aux contextes locaux et aux publics accueillis.

Par ailleurs, on assiste à un engorgement des structures chargées de l'accueil des demandeurs d'asile. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, les délais de prise de rendez-vous dans les plateformes d'accueil excèdent une semaine. S'agissant des guichets uniques, la situation est très contrastée : si le délai légal est de trois jours, le délai constaté est de dix jours à Orléans, quinze à Lyon et vingt-sept en moyenne en région parisienne. Cette disparité encourage les demandeurs d'asile à pratiquer une forme de « nomadisme administratif » consistant à multiplier les prises de rendez-vous, ce qui augmente en proportion l'activité des services chargés de l'enregistrement des demandes.

Le projet de budget que nous examinons accorde trente-cinq postes supplémentaires à l'OFII afin de renforcer les effectifs des guichets uniques. Dès lors, le défi consiste à mieux prendre en compte les comportements des demandeurs d'asile lors de l'affectation des ressources aux points d'accueil du territoire. Je sais, monsieur le ministre d'État, que vous y êtes attentif.

Enfin, le pilotage régional de l'hébergement des demandeurs d'asile mis en place par la loi du 29 juillet 2015 a permis de corriger – à défaut de les effacer – les effets non désirés de la régionalisation de l'admission au séjour mise en oeuvre en 2010, en particulier la concentration des flux sur les chefs-lieux de région, la multiplication des interlocuteurs et l'allongement des distances que les demandeurs d'asile doivent parcourir.

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