Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du jeudi 23 juillet 2020 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2021

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

L'exercice auquel nous nous livrons est destiné à nous permettre d'y voir plus clair, pour les mois qui viennent, dans la situation d'extrême détresse dans laquelle sont plongées toutes les économies et toutes les sociétés du monde. Je doute que nous parvenions à un regard de qualité en commençant par affirmer, comme l'a fait le ministre, qu'il est possible de rétablir d'ici à 2022 le niveau d'activité de 2020. Lors de la dernière crise mondiale, en 2008, nous avons perdu trois points de richesse nationale et mis quatre ans à revenir au niveau précédent. Par conséquent – et sans faire aucune remarque qualitative sur ce que pourrait être le redémarrage de l'économie – il est peu probable que nous récupérions, en l'espace de deux ans, les onze points perdus.

De même, je n'ai rien entendu sur les conséquences des différents chocs à venir. Le premier, c'est celui des 700 000 jeunes gens qui arrivent sur le marché du travail sans qu'aucune garantie ne leur soit donnée quant à l'emploi qu'ils pourront trouver. C'est pourtant la consommation populaire, particulièrement celle des jeunes gens qui commencent leur vie, qui entraîne les conséquences les plus importantes sur le développement de la richesse du pays.

Deuxièmement, aucune observation n'a été faite sur le risque que représente la dette privée. Or, chers collègues, et surtout estimé collègue Gilles Carrez, le principal problème de l'économie mondiale ne réside pas dans les dettes publiques : on retrouve toujours celui auquel on a prêté, c'est l'État ! Il réside dans les dettes privées, parce que s'il s'en va, s'il fait faillite, vous ne retrouvez jamais le propriétaire privé qui vous doit de l'argent. Or dans tous les pays, et notamment dans la zone euro, le montant de la dette privée est un multiple de la dette publique.

Pourtant, à vos yeux, il n'existe aucun risque qu'une telle déflagration se produise et, de fait, personne n'imagine donc les moyens dont il faudrait alors disposer.

Je vous rappelle que la dernière fois, le président Sarkozy et quelques autres avaient dû prendre en urgence de telles mesures – qui s'étaient d'ailleurs révélées assez efficaces du point de vue de l'économie capitaliste, puisqu'il s'agit de celle dans laquelle nous vivons. Mais là, pour le futur, rien du tout : le choc ne se produira pas, nous pouvons dormir tranquilles !

Nous avons tort. Au choc interne s'ajoutera le choc externe de la catastrophe économique qui menace les États-Unis d'Amérique. En effet, alors qu'ils ont fait tourner la planche à billets comme jamais dans toute leur histoire, la contraction du marché mondial qui résultera de la crise aux États-Unis d'Amérique ne saurait nous épargner.

Enfin, il n'est rien dit de l'annulation de la dette. Cher collègue Gilles Carrez, nous verrons bien qui, de vous ou moi, a raison, mais pour moi, la question de savoir si la dette sera annulée ne se pose même pas : elle le sera. La seule question est de savoir comment l'annulation aura lieu : se fera-t-elle de manière civilisée – autrement dit, les décisions prises permettront-elles que la dette, qui est aujourd'hui dans les coffres de la Banque centrale européenne, soit annulée sans que cela coûte le moindre euro à qui que ce soit, ce qui redonnerait une capacité de respiration aux États pour intervenir dans la suite de la crise – ou alors de manière sauvage ? C'est ce qui se passerait en cas d'effondrement des créanciers privés, s'ils ne pouvaient pas rembourser la dette.

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