Intervention de Corinne Vignon

Réunion du mardi 10 janvier 2023 à 18h40
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCorinne Vignon, rapporteure :

Je suis heureuse que le bien-être animal soit à nouveau abordé au sein de notre commission. La place qu'occupe désormais cette question essentielle aux yeux de nos concitoyens témoigne d'un vrai changement de mentalité dans la société.

La précédente législature a permis des avancées importantes, au premier rang desquelles l'adoption de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, dont je salue ici les trois rapporteurs – Loïc Dombreval, Dimitri Houbron, Laëtitia Romeiro-Dias – sans oublier Aurore Bergé, qui a facilité l'accord en commission mixte paritaire.

Je remercie également les personnes qui ont accepté de me rencontrer pour élaborer la proposition de loi, qu'il s'agisse des associations de protection animale, parmi lesquelles la Fondation Brigitte Bardot, de vétérinaires, de dresseurs, ou de la Fédération nationale des chasseurs.

Le rapport entre l'homme et l'animal a profondément évolué au cours de la dernière décennie. La prise de conscience collective qui s'est opérée conduit à refuser certaines pratiques qui nous paraissent inadmissibles.

Je vous montre, aussi choquantes qu'elles puissent paraître, des images des lésions physiques qu'occasionne l'utilisation des colliers étrangleurs, électriques ou à pointes dits torquatus.

Ces colliers de dressage coercitifs sont encore largement, et librement, vendus et utilisés pour corriger des comportements jugés dérangeants ou inadaptés de la part des animaux de compagnie. D'après une étude publiée en 2018, le phénomène est loin d'être négligeable : près d'un chien sur quatre est équipé d'un collier électrique en France parce qu'il aboie ou pour le cantonner à un périmètre déterminé par son propriétaire.

Cette situation est inacceptable. Les vétérinaires et la communauté scientifique sont unanimes pour dénoncer les souffrances physiques et psychiques qu'infligent aux animaux de compagnie de telles méthodes.

L'usage normal des colliers électriques a des conséquences psychologiques importantes – stress, terreur, anticipation de la douleur, laquelle modifie durablement le comportement du chien même lorsque l'impulsion électrique n'a été envoyée qu'une seule fois –, sans parler des lésions physiques comme les brûlures et les pertes de poils.

Quant aux colliers étrangleurs et à pointes, ils sont responsables de perforations de la peau, d'écrasement de la trachée, de pression intraoculaire, d'instabilité cervicale, d'arthrose dégénérative ou encore de paralysie du nerf laryngé.

Placés entre les mains du grand public, peu au fait des conséquences de leur utilisation, ces instruments donnent facilement lieu à des dérives. Les photos que je vous ai montrées en sont la preuve et plusieurs vétérinaires nous l'ont confirmé, certains propriétaires fixent des colliers électriques sur les parties génitales de l'animal ou aiguisent les pointes des colliers torquatus afin d'accroître la sensibilité de l'animal à la douleur.

Ces pratiques, qui relèvent de la torture, ne peuvent plus être tolérées, d'autant qu'elles sont inefficaces, voire contre-productives. La riche littérature scientifique démontre que l'utilisation de colliers coercitifs, loin d'atteindre ses objectifs, tend à dégrader fortement la relation entre l'homme et l'animal et à renforcer les comportements agressifs, notamment les morsures. Il nous a ainsi été rapporté que plusieurs enfants ont été défigurés par des chiens devenus hypersensibles et traumatisés du fait de l'utilisation de colliers électriques.

La proposition de loi répond donc aussi à une double préoccupation de sécurité et de santé publique. Les associations ont vraiment insisté sur ce point, les refuges sont saturés de chiens au comportement difficile sur lesquels des colliers étrangleurs ou électriques ont été systématiquement utilisés.

Loin de résoudre les problèmes rencontrés par les maîtres, dont il ne faut pas sous-estimer le désarroi, l'usage de tels colliers crée un cercle vicieux : en augmentant les troubles du comportement, il accroît le risque d'agression sur l'homme et par conséquent d'abandon ou d'euthanasie de l'animal.

L'interdiction est d'autant plus urgente et essentielle que nous disposons de solutions alternatives en matière d'éducation canine, respectueuses de la condition animale et dont l'efficacité a été largement démontrée.

L'article 7 de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie dispose qu' « aucun animal de compagnie ne doit être dressé d'une façon qui porte préjudice à sa santé et à son bien-être, notamment en le forçant à dépasser ses capacités ou sa force naturelles ou en utilisant des moyens artificiels qui provoquent des blessures ou d'inutiles douleurs, souffrances ou angoisses ».

Plusieurs de nos partenaires européens, tels que le Danemark, la Suisse, l'Allemagne ou plus récemment la Belgique, ont interdit l'utilisation de colliers coercitifs afin de lutter contre la maltraitance et respecter le bien-être animal.

Bannir à notre tour ces pratiques abusives et cruelles, tel est l'objectif de la présente proposition de loi. Cela permettra non seulement de mettre fin à des souffrances injustifiables, mais également de généraliser des méthodes de dressage canin plus respectueuses de la condition animale.

Enfin, la proposition de loi permet d'enrichir une réflexion plus générale sur notre rapport aux animaux domestiques ainsi qu'à leur éducation. Les auditions ont ainsi mis en lumière les questions posées par les conditions d'adoption et d'acquisition des chiens, notamment les staffs et les malinois dont les besoins en matière d'éducation canine ne sont pas toujours adaptés au mode de vie des propriétaires. Les échanges avec les professionnels de l'éducation positive des chiens nous ont également conduits à nous interroger sur les méthodes employées par les dresseurs, ainsi que sur l'encadrement juridique de la profession, autant de sujets sur lesquels nous pourrons, je l'espère, mener un travail approfondi au sein de la commission.

Le texte constitue une nouvelle étape indispensable pour améliorer la condition animale dans notre société. Les amendements déposés par les différents groupes démontrent à quel point ce sujet dépasse les clivages politiques habituels, ce dont je me réjouis particulièrement.

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