Intervention de Thierry Benoit

Réunion du mercredi 11 janvier 2023 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit :

S'agissant de ces négociations commerciales, le législateur court derrière les acteurs de la grande distribution depuis près d'un demi-siècle. Les parlementaires les plus anciens ou ceux qui suivent ces questions connaissent la loi Royer. C'est la loi de modernisation de l'économie (LME), adoptée en 2008, qui a créé un déséquilibre dans les négociations commerciales. À l'époque, on la qualifiait de « loi Michel-Édouard Leclerc », raison pour laquelle j'ai pris la précaution de ne pas la voter. Elle a laissé les mains libres au secteur de la grande distribution, qui, depuis lors, impose ses vues et met le secteur de l'agroalimentaire et surtout, en amont, celui de l'agriculture dans une situation de dépendance.

Les partis politiques ont évoqué le problème lors de la campagne présidentielle de 2017. Le candidat élu Président de la République, Emmanuel Macron, a ensuite lancé les États généraux de l'alimentation, dont l'objectif était un retour de la valeur pour le maillon amont, autrement dit une amélioration du revenu des agriculteurs et un rééquilibrage des négociations commerciales. Il y a eu des avancées, notamment la construction des prix à partir des indicateurs de coûts de production.

Toutefois – je le sais pour avoir présidé au cours de la précédente législature la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, dont Grégory Besson-Moreau a été le rapporteur –, les acteurs de la grande distribution et les centrales internationales nous précèdent. Ils ont créé un écosystème, avec la bienveillance plus ou moins manifeste des autorités de régulation de la concurrence, au niveau européen et même au niveau français, et nous avons bien du mal à faire bouger les lignes.

Cette proposition de loi tend à confirmer les dispositions qui ont fonctionné dans les lois Egalim 1 et Egalim 2, notamment l'encadrement des promotions. Quant à l'expérimentation du relèvement de 10 % du SRP, je ne suis pas opposé à sa poursuite, mais il convient tout de même de s'interroger sur ce que sont devenus les 400 millions à 500 millions d'euros correspondants, car personne n'a vu la trace d'un ruissellement, en tout cas pas les agriculteurs.

Derrière la question du partage de la valeur se pose de manière subliminale celle de la souveraineté alimentaire. De même que nous sommes aujourd'hui dans une situation de fragilité du point de vue de la souveraineté énergétique, nous risquons demain, si nous n'y prenons pas garde, de nous retrouver dans une situation de fragilité du point de vue de la souveraineté alimentaire. Si les distributeurs ont hébergé leurs centrales internationales en Belgique, en Suisse et au Luxembourg, c'est précisément pour échapper au droit français. Il faut donc que nous les ramenions dans le droit chemin, grâce à des textes du type de cette proposition de loi.

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