Intervention de Stéphane Travert

Réunion du mardi 17 janvier 2023 à 17h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert, rapporteur pour avis :

Bien que techniques, les Ddadue n'en sont pas moins des textes importants et qui méritent toute notre attention. Ils sont essentiels pour assurer la conformité de notre droit au droit européen.

Les articles 30 et 31 traitent de questions agricoles.

L'article 30 apporte des clarifications juridiques en lien avec les nouvelles dispositions prévues dans le plan stratégique national (PSN) pour la politique agricole commune (PAC). Deux modifications principales sont prévues. Je m'attarderai un peu plus longuement sur la première mesure, la seconde étant d'ordre technique – il s'agit de préciser en droit le pouvoir réglementaire de FranceAgriMer.

La première mesure consiste à clarifier le rôle des régions en tant qu'autorités de gestion des aides à l'installation. Depuis le cadre financier pluriannuel 2014-2020, la réglementation européenne a évolué pour permettre aux États membres de déléguer la gestion des fonds européens aux régions. La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) a acté cette évolution pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), mais la régionalisation est restée en partie inachevée, du fait d'un enchevêtrement de compétences entre l'État et les collectivités. Les transferts de moyens sont également jugés insuffisants. Concernant plus spécifiquement les aides à l'installation, directement concernées par l'article 30, le code rural et de la pêche maritime prévoit une gestion conjointe par le préfet de région et le conseil régional.

Dans le cadre de la nouvelle programmation de la PAC, entrée en vigueur le 1er janvier, la répartition des compétences a été clarifiée. La France a fait le choix de poursuivre la logique de décentralisation en confiant entièrement aux régions la charge de la gestion des aides non surfaciques. Ce choix est le fruit de discussions ouvertes dès 2018 par votre serviteur entre l'État et l'association Régions de France pour définir les nouvelles modalités de gestion du Feader. Une ordonnance prise sur le fondement de la précédente loi Ddadue a modifié la loi Maptam afin d'intégrer cette nouvelle clé de répartition dans notre droit. La loi de finances pour 2023 a également permis les transferts financiers et de personnels afférents. Les emplois budgétaires concernés et les crédits d'intervention afférents aux mesures s'élèvent à 100 millions d'euros.

Les régions auront désormais, pour peu qu'elles en fassent la demande, la pleine responsabilité de la gestion des aides à l'installation, dans les limites posées par le PSN et par les décrets prévoyant les règles d'éligibilité ainsi que les dépenses concernées. À l'exception de Mayotte et de Saint-Martin, l'ensemble des régions et collectivités qui pouvaient exercer cette compétence en ont fait la demande.

Cette décentralisation des aides à l'installation doit permettre d'accroître le renouvellement des générations dans le secteur agricole en offrant à chaque collectivité locale la possibilité de construire des dispositifs d'aide au démarrage adaptés aux besoins, par exemple ceux résultant de la pression foncière, de certaines spécificités géographiques et de la présence de filières particulières.

En l'état du droit, l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime, qui traite des politiques d'installation, présente une incohérence avec la loi Maptam : l'article fait toujours mention de l'ancien cadre en vigueur, reposant sur la gestion conjointe du préfet de région et du président du conseil régional – ou, en Corse, le président du conseil exécutif. L'article 30 a précisément pour objet de remédier à cette incohérence.

Outre des mesures de coordination qui sont les bienvenues, les sénateurs ont adopté deux modifications importantes à l'article 30.

La première consiste à instaurer un bilan annuel des régions relatif à leur action en tant qu'autorités de gestion des aides à l'installation. Cette mesure est tout à fait pertinente. La responsabilisation des régions dans ce domaine doit s'accompagner d'un suivi national pour garantir la lisibilité et l'équité des aides octroyées.

La seconde vise à durcir les conditions de formation minimale pour prétendre aux aides à l'installation. Je ne suis pas tout à fait favorable à cette mesure, qui constitue un recul par rapport au PSN. Celui-ci prévoit que les bénéficiaires de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) doivent présenter, au moment de l'installation, un niveau de diplôme et/ou d'expérience professionnelle défini régionalement, dans la limite de ce qui est prévu dans la définition du jeune agriculteur. Il est également possible pour le bénéficiaire d'acquérir progressivement ce niveau au cours de son installation, si l'autorité de gestion régionale en prévoit la possibilité.

Il a fallu de nombreux échanges, lors de l'élaboration du PSN, pour trouver cet équilibre, et l'approche retenue me paraît être la bonne. L'installation de jeunes agriculteurs est absolument essentielle, dans un contexte où 43 % des agriculteurs auront atteint l'âge de la retraite en 2030 – la commission se saisira d'ailleurs de cet enjeu lors des travaux autour du futur projet de loi d'orientation agricole. La modification souhaitée par le Sénat est susceptible de freiner les conditions d'accès à la DJA, alors que le renouvellement des générations est une des priorités de nos politiques agricoles. Je vous proposerai donc un amendement visant à supprimer cette disposition.

L'article 31, pour sa part, ratifie huit ordonnances qui modifient principalement le code rural et de la pêche maritime, mais aussi, dans une moindre mesure, le code général des impôts et, par coordination, le code de la consommation, le code de l'environnement et le code de la santé publique.

Ces ordonnances, prises entre 2015 et 2021, adaptent pour la plupart des règlements européens d'application directe. Le projet de rapport qui vous a été adressé présente les principales mesures contenues dans ces ordonnances.

La première d'entre elles, en date du 4 juin 2015, modifie, conformément au droit européen, le livre II du code rural et de la pêche maritime, en particulier ses dispositions relatives aux contrôles en matière de santé animale ou végétale.

Les quatre ordonnances suivantes ont été prises le 7 octobre 2015. La première transpose une directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles des professions réglementées par le code rural et de la pêche maritime. La deuxième met en conformité les règles relatives aux signes d'identification et de qualité, notamment en introduisant la mention facultative « produit de montagne ». La troisième, relative aux produits de la vigne, a modifié le code rural et de la pêche maritime ainsi que le code général des impôts afin d'adapter les régimes d'autorisation, de conditions de circulation, d'imposition fiscale et de contrôles en lien avec les produits de la vigne au regard du droit de l'Union européenne. La quatrième met en conformité le code rural et de la pêche maritime avec le règlement (UE) no 1379/2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture.

Trois autres ordonnances sont ratifiées par l'article 31. Celle du 30 octobre 2019 a apporté plusieurs adaptations en lien avec le règlement (UE) 2016/2031 relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux et le règlement (UE) 2017/625 du 15 mars 2017 concernant les contrôles officiels et les autres activités officielles servant à assurer le respect de la législation alimentaire. L'ordonnance du 21 avril 2021 relative à la reproduction, à l'amélioration et à la préservation du patrimoine génétique des animaux d'élevage adapte notre droit au règlement européen de 2016 concernant l'élevage des animaux. Enfin, est également ratifiée l'ordonnance du 20 octobre 2021 relative aux mesures de surveillance, de prévention et de lutte contre les maladies animales transmissibles, qui adapte notre droit au règlement européen sur la santé animale.

Ces ratifications sont nécessaires pour assurer la sécurité juridique de notre droit et sa conformité au droit européen. Elles sont également très importantes pour l'agriculture française.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion