Intervention de Alexandre Sabatou

Séance en hémicycle du mercredi 8 mars 2023 à 15h00
Régime juridique des actions de groupe — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Sabatou :

J'ai le plaisir de m'exprimer devant vous au nom de la commission des affaires européennes, en tant que rapporteur portant observations sur la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe.

Quand l'Union européenne fait quelque chose de bien, je l'affirme, d'autant que c'est assez rare pour être souligné. Je porterais donc un avis plutôt positif sur cette initiative européenne, dans la mesure où elle renforce les droits du consommateur français. En effet, la proposition de loi opère une refonte de ce régime juridique de l'action de groupe à la française en cohérence avec les dispositions de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE, dont elle assure une transposition partielle. Cette directive ayant été adoptée le 24 novembre 2020 par le Parlement européen, chaque État membre devait mettre son droit en conformité avec ses dispositions avant le 25 décembre dernier pour une entrée en vigueur au plus tard le 25 juin 2023.

Avec cette proposition de loi, ce sera chose faite, pour l'entier bénéfice du consommateur français. En effet, l'action de groupe est un recours collectif en justice pour réparer un préjudice représentant de faibles montants monétaires ou faire cesser un comportement délictueux lésant le consommateur. L'action de groupe est, dès lors, pour des consommateurs démunis face à des multinationales aguerries, un moyen de défense et une protection nécessaire.

Longtemps déconsidérée car assimilée à la class action américaine, devenue du fait de cette assimilation l'image fantasmatique de toutes les dérives associées à la jungle libérale d'un marché américain dérégulé, l'action de groupe telle que nous l'envisageons évite pourtant ces écueils. La directive a toutefois fait l'objet d'une gestation longue et difficile.

La France a soutenu une position mesurée : celle du respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité. Malgré une percée en droit interne réalisée par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite Hamon, l'action de groupe n'a pas pris sur le terreau du droit français du fait des nombreux freins posés par le législateur.

Après le scandale des moteurs truqués de Volkswagen en 2015 et les annulations de vol en série commises par l'entreprise Ryanair en 2017, il y avait urgence à adapter notre droit pour assurer une meilleure défense du consommateur français. La directive (UE) 2020/1828 crée un système original d'action de groupe européenne pour rendre effective la protection du droit des consommateurs, qui prévoit que chaque État membre doit instaurer un régime juridique d'action de groupe conforme à son droit interne et que tout consommateur européen doit pouvoir se joindre à des actions de groupe transfrontalières pour obtenir réparation d'un même préjudice. Les droits du consommateur sont ainsi garantis à une double échelle, tant pour les actions en cessation que pour les actions en réparation.

Pour répondre aux préventions de certains États membres, la directive prévoit plusieurs garanties : soumission à des critères en matière de transparence de la désignation et du financement des entités qualifiées autorisées à plaider, limitation des clauses d'options de retrait, remboursement des frais de justice à la partie gagnante, obligation d'informer les potentiels demandeurs d'une action collective, interdiction d'octroyer des dommages et intérêts punitifs et de verser aux avocats des honoraires de résultat, afin de dissuader ces derniers d'engager des procédures abusives. Le contrôle des dispositions relatives aux demandes d'agrément, à la prévention des conflits d'intérêts ou au financement des actions par des tiers semble pourtant insuffisant, et le risque est important de voir se multiplier les saisines des tribunaux les plus susceptibles de donner raison aux demandeurs.

Cependant, je déplore surtout qu'un fonds de soutien financier aux actions de groupe n'ait pas été instauré – même si la directive ne l'exige pas. En effet, les auteurs de la proposition avaient identifié l'absence d'un tel fonds comme un frein au développement des actions de groupe en France, où, à l'inverse du modèle américain, l'action ne permet pas des gains substantiels pour les cabinets d'avocats. Notons que ce dispositif a fait ses preuves, aussi bien au Québec qu'en Israël. Je regrette donc que l'amendement que j'avais déposé en ce sens ait été déclaré irrecevable au titre l'article 40, et j'espère que nous pourrons, à l'avenir, étudier la création d'un tel fonds.

La proposition de loi reste néanmoins une belle avancée au bénéfice du consommateur français, et je salue donc son dépôt.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion