Intervention de Élise Leboucher

Séance en hémicycle du mercredi 8 mars 2023 à 21h30
Accompagnement des couples confrontés à une fausse couche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlise Leboucher :

Nous nous retrouvons ce soir autour d'un sujet qui peut concerner toutes les femmes, sans distinction d'âge, de classe sociale ou d'origine. Pour préparer cette intervention, mes collaborateurs et moi nous sommes entretenus avec des professionnels de santé et des femmes qui ont vécu des fausses couches. C'est le sentiment d'isolement et de solitude qui ressort de ces témoignages. Une règle implicite impose aux femmes de ne pas annoncer leur grossesse avant la fin des trois mois d'aménorrhée. Ce non-dit participe d'un tabou qui ne devrait pas exister.

Les fausses couches spontanées précoces, celles qui interviennent avant quatorze semaines d'aménorrhée, concernent entre 12 et 24 % des grossesses. En France, 200 000 femmes font chaque année une fausse couche. Une femme sur dix subit, au cours de sa vie, un arrêt spontané de grossesse. Il n'existe pas une vérité, mais autant de vécus que de femmes. Les conséquences physiques et psychologiques d'une fausse couche diffèrent donc d'une personne à l'autre.

Comme le note Sandrine Josso dans son rapport, l'impact émotionnel n'est pas proportionnel à l'âge gestationnel, mais il croît à mesure que la grossesse est investie par les futurs parents. Pourtant, les conséquences physiques et morales des fausses couches sont encore mal prises en charge, les personnes avec un projet d'enfants sont peu informées. Si la fausse couche est un événement auquel les professionnels de santé sont régulièrement confrontés, elle reste un événement singulier pour les personnes concernées. Pour rappel, entre 20 % et 55 % des femmes présentent des symptômes dépressifs après une fausse couche, 15 % connaissent un état de stress post-traumatique.

La proposition de loi vise à améliorer le dispositif en vigueur et à donner la possibilité aux sages-femmes d'adresser les femmes, et leur partenaire le cas échéant. Si nous ne pouvons qu'être d'accord avec cette proposition, elle reste néanmoins encore insuffisante face aux besoins exprimés par les patientes, leur entourage, les professionnels de santé et les associations.

La proposition de loi confie aux ARS la responsabilité d'élaborer un parcours de soins spécifique à la prise en charge des fausses couches à partir de septembre 2024. Nous regrettons néanmoins qu'elle ne formalise pas de manière précise un protocole de prise en charge par l'assurance maladie de l'arrêt spontané de grossesse. Le texte étend les voies d'adressage à MonParcoursPsy, sans évolution du dispositif. Aujourd'hui, seulement 2 100 psychologues sur 80 000 professionnels recensés sont conventionnés dans ce cadre. Alors que les inégalités territoriales en matière d'accès à la santé se creusent de jour en jour, comment garantir un accès à ce dispositif controversé à toutes les personnes qui en éprouvent le besoin ?

Dans ce contexte de casse organisée du service public de la santé, les femmes sont les premières à subir les effets de l'austérité sanitaire. Selon une étude de l'association UFC-Que choisir publiée en novembre dernier, près d'un quart des femmes de plus de 15 ans vivent dans un désert médical pour la gynécologie. Depuis 2007, le nombre de gynécologues médicaux n'a cessé de diminuer pour atteindre 2,1 gynécologues médicaux pour 100 000 femmes, ce qui prive nombre d'entre elles d'un accompagnement holistique dédié à leur santé, comprenant prévention, traitement et suivi. Il est essentiel de renverser les perspectives et de gouverner par les besoins.

À ce titre, je tiens à vous alerter sur la situation de la psychiatrie et de la santé mentale en France. Dans un système de tarification à l'acte, la psychologie n'est pas valorisée car elle n'est pas synonyme de rentrées financières. Encore et toujours, le champ de la santé mentale demeure insuffisamment investi et l'on manque cruellement de psychologues, en particulier à l'hôpital public et au sein des services de gynécologie et de maternité. Encore et toujours, nous devons changer d'approche et gouverner par les besoins. Ce secteur est aussi synonyme de temps long, de relation de confiance à installer, de rechutes – des réalités qui ne rentrent pas dans le logiciel du capital.

Offrir un suivi psychologique accessible, c'est non seulement accompagner les personnes qui subissent des fausses couches, rompre avec le sentiment d'isolement, mais c'est aussi prévenir le développement de pathologies traumatiques pour la personne, pour son ou sa partenaire et pour les futurs enfants potentiels. Il est essentiel d'investir dans la prévention et l'information – par exemple en organisant des campagnes.

Le groupe LFI – NUPES a demandé un rapport sur l'accessibilité du dépistage de l'endométriose et son impact sur la prévention des risques de fausse couche précoce.

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