Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du mercredi 1er mars 2023 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Arnaud Montebourg, ancien ministre du redressement productif (2012-2014) :

Vous posez la question de la relation entre le choix politique et l'orientation technologique. Pour ma part, n'ayant pas de culture scientifique autre que celle venue de mon apprentissage personnel, empirique, je me suis toujours gardé d'arbitrer sur le terrain des technologies. J'ai défendu Astrid – je l'ai dit tout à l'heure en rappelant les trois combats que j'avais menés. Quand le Gouvernement auquel j'appartenais a pris la décision de décaler Astrid, j'ai envoyé une lettre qui en rappelait les enjeux. Vous la lirez, même si je n'ai pas retrouvé l'original.

Comme ministre de l'industrie, j'écoute les professionnels et les scientifiques. Au moment où il a fallu choisir une technologie pour le plan industriel Autonomie et puissance des batteries, par exemple, il y avait un débat sur le lithium-métal polymère et le lithium-ion – en clair, Bolloré contre le reste du monde. J'ai considéré qu'il ne me revenait pas de choisir, et qu'une sélection naturelle se ferait sur le marché, selon la loi schumpeterienne. La loi de la destruction créatrice a tranché : c'est le lithium-ion qui a gagné. Tout le monde cherche du lithium, maintenant. Dans un moment d'immaturité des technologies, il ne faut pas se précipiter, et le politique ne peut pas choisir.

S'agissant des réacteurs à neutrons rapides, on en construit en Russie, en Chine ; la France avait de l'avance mais Astrid a été décalé pendant le quinquennat Hollande, malgré mes efforts, puis stoppé, ce que je regrette. Nous disposions de compétences établies de longue date et du soutien de la filière, le CEA et son haut-commissaire étaient très engagés. Mon collaborateur m'a rappelé que mon équipe recevait régulièrement M. Bréchet. C'est une forme de conservatisme qui s'est imposée.

Je refusais d'arbitrer, de la même manière, s'agissant des véhicules thermiques et électriques. Les technologies ont parfois des destinées chaotiques, surprenantes !

En matière d'énergies renouvelables, il y avait un plan sur l'hydrogène, mais il a été arrêté ! Tous ces plans ont été arrêtés, et c'est dommage, car nous aurions gagné dix ans ! Et grâce au programme d'investissements d'avenir (PIA), c'est-à-dire le grand emprunt lancé par Sarkozy et renouvelé par Hollande, il y avait de l'argent à mettre.

Nous avions fait des choix, et en l'occurrence, les grands choix sont connus : il faut choisir les solutions qui ont un modèle économique, qui trouvent un marché. Sans chaleur fatale, il n'est pas certain que l'hydrogène soit compétitif en Europe, et sans nucléaire, il ne l'est pas du tout. Il est jumelé avec le nucléaire, ce qui me convient parfaitement : investissons dans l'hydrogène. Malgré quelques travaux importants, l'hydraulique a été quasi-abandonné alors que c'est le champ de progression le plus intéressant pour nous : nos reliefs constituent un avantage comparatif. Nous devrions nous intéresser de près à la géothermie de surface, car les technologies sont maintenant mûres. Le Gouvernement vient de le décider, et je ne peux que m'en réjouir. Je milite contre l'artificialisation des sols, et je défends la biodiversité, dans les entreprises que j'ai créées, qui sont équitables et écologiques ; et je ne comprends toujours pas pourquoi on n'installe pas systématiquement des panneaux photovoltaïques sur les bâtiments au lieu de les mettre sur des terres arables ! Exigeons au moins de nos élus la plantation de plantes mellifères, afin de nourrir les pollinisateurs. C'est ce qu'a fait en Lot-et-Garonne ma petite entreprise amoureuse des abeilles : nous avons trouvé un énergéticien qui a accepté de nourrir les pollinisateurs, et franchement le résultat est exceptionnel.

Je ne suis pas spécialiste de technologies : il faut laisser parler les industriels qui cherchent un marché. Parfois, il y a des dégâts. Mais il faut accepter de prendre des risques, y compris avec des finances publiques – sans aller jusqu'aux avions renifleurs…

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