Intervention de Bernard Doroszczuk

Réunion du jeudi 16 février 2023 à 9h15
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) :

. – Je tiens tout d'abord à lever une ambiguïté : je ne pense pas m'être placé délibérément dans la situation où la réforme proposée serait nécessairement adoptée. Il est tout à fait clair que le Parlement est souverain et devra décider à la fois du type de réforme à conduire et du calendrier. Je n'ai pas d'avis personnel sur le sujet et j'ai simplement essayé, en me projetant dans le schéma proposé, de répondre aux questions qui m'étaient posées sur les raisons d'être du projet de réforme et les évolutions qu'il induirait. Je voudrais m'excuser si mes propos ont été mal interprétés et réaffirmer évidemment la souveraineté totale du Parlement.

Où en est-on dans l'élaboration de premières idées de schéma ? Il a été question d'une lettre de mission, d'un calendrier serré. Je pense qu'il faut avoir en tête que l'idée de la ministre est, si j'ai bien compris, qu'un premier travail d'analyse soit conduit entre l'IRSN, le CEA et l'ASN afin d'identifier, si l'orientation envisagée était confirmée, les premières étapes à franchir et les propositions que ces instances pourraient formuler à cette fin. Il ne nous a pas été demandé de formuler de propositions relativement à l'achèvement du processus de réflexion, de dialogue, de concertation qui doit s'instaurer si cette orientation était confirmée. Nous avons seulement été sollicités pour suggérer une méthode de travail visant à parvenir à des propositions. Cette méthode est fondée sur une écoute et une prise en compte des avis exprimés dans différentes enceintes, par les parlementaires, les administrateurs de l'IRSN, etc. Tous ces éléments doivent être pris en compte pour élaborer une méthode de travail permettant de déboucher, le moment venu, sur des propositions concrètes. Il n'existe pas de schéma préétabli. Les contours ne sont pas figés. J'entends par exemple souvent évoquer la question de la recherche, imbriquée avec l'expertise et nécessaire pour que l'autorité de sûreté puisse exercer sa mission. Ce sujet est ouvert. Aucune décision n'a été prise dans ce domaine et il nous est demandé d'expertiser cette question, en regardant les synergies susceptibles d'exister entre les différents acteurs.

En résumé, la lettre de mission concerne les premières propositions, notamment législatives, si le Gouvernement décidait d'aller dans ce sens, et une méthode de travail permettant de prendre connaissance de l'ensemble des avis et problématiques et d'avancer sur un projet d'organisation qui viendrait dans un deuxième temps, si le Parlement votait la loi. L'acte fondateur de toute évolution éventuelle est la loi.

Je souhaiterais revenir par ailleurs sur la question de l'accélération et de la simplification des procédures, mentionnée à plusieurs reprises, pour signaler que nous menons ce travail en permanence. Nous n'avons pas attendu la survenue d'une éventuelle réforme pour nous interroger sur la question de la réduction de la complexité des procédures. Il s'agit d'une préoccupation que l'ASN partage avec l'IRSN et les exploitants. Des décisions prises par le passé – je pense notamment aux obligations faites dans le cadre des réexamens de sûreté – ont à l'évidence amélioré la sûreté, avec la mise en place de dispositifs supplémentaires, mais peut-être également complexifié la conduite opérationnelle des installations. Nous nous posons dès aujourd'hui la question et sommes tous en phase sur ce point : il faut veiller, dans les étapes futures de réexamen, à regarder de façon plus approfondie les facteurs organisationnels et humains qui peuvent être des sources de risque lorsque, au motif réel d'améliorer la sûreté, on complexifie peut-être la conduite. Il s'agit d'un vrai sujet, sur lequel nous travaillons en permanence, car nous considérons qu'un système trop complexe présente des risques. Ce questionnement n'est pas lié à l'évolution de l'organisation qui pourrait être décidée.

En outre, le but n'est pas d'accélérer les procédures, mais de faire en sorte, si la décision était prise dans le cadre d'un rapprochement entre expertise et instruction, que le système soit plus efficient. Il est important de se poser la question face aux multiples projets et prises de position auxquels nous serons confrontés dans les années à venir, compte tenu des décisions qui seront prises ou produiront alors des effets.

J'en viens à la remarque de Gérard Longuet, dont je partage tout à fait les propos. Il s'agit de disposer d'un lieu fédérateur, permettant d'optimiser ce que nous faisons en relation avec les autres parties prenantes. Je suis assez sensible à l'idée selon laquelle il ne faut pas de système étanche ou fermé, mais un dialogue permanent entre les parties prenantes. Il ne faut pas penser que l'expertise ou l'instruction sont des étapes conduites en vase clos. Nous travaillons toujours en étroite relation avec l'ensemble de l'écosystème. Vous avez insisté sur la nécessaire confrontation des idées : ceci correspond très exactement à la manière dont nous fonctionnons. Lorsque nous prenons une décision, nous le faisons en collège et je puis vous dire que ceci n'aboutit pas toujours à la première tentative. Les membres du collège ne sont pas toujours d'accord les uns avec les autres et posent souvent, dans la mesure où ils n'ont pas été impliqués dans l'instruction, de nombreuses questions qui n'ont parfois pas été envisagées par les services, à charge pour ces derniers d'approfondir les aspects concernés, en lien éventuellement avec l'IRSN et les exploitants. Nous procédons de façon itérative, pour parvenir finalement à un consensus. La confrontation des idées est la règle. Je me souviens parfaitement de situations dans lesquelles nous avons demandé que les exploitants soient auditionnés dans le cadre du processus d'instruction. Ceci a concerné par exemple la poursuite d'exploitation des réacteurs au-delà de 50, voire 60 ans. Nous menons sur ce sujet un travail régulier. De la même manière, nous travaillons avec les exploitants nucléaires sur tous les sujets qui nous préoccupent aujourd'hui en matière de cycle du combustible, de risques de saturation, etc.

Être ouvert aux autres, faire se confronter les idées est une démarche qui existe et fonctionne.

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