Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Réunion du mercredi 8 mars 2023 à 13h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade, président :

Vous le savez, nous célébrons aujourd'hui la journée internationale des droits des femmes. Cette journée est l'occasion, dans le monde entier, de réaffirmer le caractère fondamental des droits des femmes, de saluer les acquis issus des luttes féministes mais aussi, parfois, et c'est regrettable, de constater les retours en arrière et les combats qu'il nous reste à mener.

S'il serait faux de dire que, depuis 1977 et l'instauration de cette journée, rien n'a changé, force est de constater, qu'aujourd'hui encore, hélas, le compte n'y est pas. Comme l'a récemment rappelé le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, au rythme actuel, il faudra encore trois cents ans avant de parvenir à l'égalité entre les femmes et les hommes, cela sans compter les régressions que nous observons dans un certain nombre d'États à travers le monde.

Un droit fondamental des femmes, le droit à l'avortement, a, ces dernières années, fait l'objet d'attaques particulièrement virulentes, conduisant même à sa remise en cause au sein d'États démocratiques, y compris au sein de l'Union européenne.

C'est pourquoi l'avis politique que je vous présente aujourd'hui a pour objet de mieux protéger ce droit en Europe grâce à son inscription dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

En effet, quand les droits des femmes sont attaqués, c'est l'État de droit tout entier qui est affaibli. Aujourd'hui en Europe, certains États ont la tentation de remettre en cause la démocratie libérale, cette démocratie respectueuse de l'individu, des minorités, des droits fondamentaux dont ceux des femmes, droits soutenus par chacun des pays membres lors de leur adhésion à l'Union européenne. La montée en puissance de mouvements extrémistes, populistes ou ultranationalistes au sein de certains États membres a déjà contribué à la fragilisation du droit à l'avortement en Pologne ou en Hongrie notamment, où il connaît des régressions extrêmement inquiétantes.

Ce constat alarmant des régressions de ces droits nous rappelle qu'ils ne sont jamais acquis mais qu'ils sont de précieuses conquêtes appelant notre vigilance.

En Chine, aujourd'hui, des femmes ouïgoures sont stérilisées et d'autres forcées à avorter par le régime communiste. Aux États-Unis, le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) n'est plus protégé constitutionnellement et certains États l'ont déjà interdit. En Europe, celui-ci est aussi restreint dans un nombre croissant d'États et les femmes ukrainiennes sont aussi les victimes de ces régressions. Ces femmes sont parmi les premières victimes de la guerre de Vladimir Poutine, violées pour certaines, agressées par les soldats russes pour d'autres. Nous avons tous lu ou entendu le récit de certaines d'entre elles, du calvaire qu'elles ont dû vivre. Lorsqu'elles parviennent à se réfugier en Pologne, elles y trouvent un refuge où elles espèrent pouvoir réparer leurs blessures. Dans le même temps, elles se rendent compte que les conditions drastiques de l'IVG en Pologne rendent quasiment impossible l'accès à l'avortement dans ce pays. Violées en Ukraine, elles ne peuvent avorter de manière sûre et légale dans un pays de l'Union européenne. Voici, aussi, la réalité de notre continent aujourd'hui.

Pour contrer cette dérive autoritaire et alarmante, les initiatives se multiplient aujourd'hui pour affirmer le caractère fondamental du droit de recourir à une interruption volontaire de grossesse et l'inscrire au plus haut niveau de la hiérarchie des normes, comme l'illustrent en France les propositions de loi déposées pour constitutionnaliser l'accès à l'avortement.

Au-delà des initiatives nationales, l'inscription du droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne constituerait une garantie forte pour toutes les femmes vivant en Europe qui voient avec crainte, dans certains pays, leurs droits remis en cause. C'est le sens de la proposition formulée par le Président de la République Emmanuel Macron devant le Parlement européen le 19 janvier 2022.

Le droit à l'avortement est, en effet, indissociable de la jouissance effective de nombreux droits fondamentaux consacrés par la Charte, tels que la dignité humaine, l'autonomie personnelle, l'égalité entre les femmes et les hommes et le respect de l'intégrité physique.

L'inscription du droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne permettrait une actualisation de cette dernière en rendant plus explicite ce droit fondamental. Elle constituerait également un enrichissement significatif du corpus des droits fondamentaux de l'Union européenne, contribuant à réaffirmer son héritage humaniste et progressiste, ainsi que les valeurs ancrées dans le projet européen.

Mes chers collègues, parce que les droits fondamentaux des femmes ne sont pas négociables au sein de l'Union européenne et parce qu'aucune femme ne doit se voir contrainte de recourir à l'avortement dans la clandestinité, je vous invite à soutenir ce projet d'avis politique.

Mais avant d'examiner le texte de cet avis politique et les amendements qui ont été déposés, je vais donner la parole aux orateurs de groupe, en commençant par le groupe Renaissance.

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