Intervention de Thibault Bazin

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 9h40
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

L'article 9 entend, selon un objectif louable et largement partagé, préserver le pouvoir d'achat des plus jeunes générations. Cependant, tel qu'il est rédigé – « les petits-enfants et leurs descendants sont dispensés de fournir [l'aide sociale à l'hébergement] à leurs grands-parents » –, il créerait une grave inégalité pouvant déstabiliser le code civil, grèverait les finances publiques et contribuerait à accroître l'isolement des aînés en ne respectant pas le principe de solidarité intergénérationnelle et intrafamiliale.

Premièrement, si l'article 205 du code civil dispose que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin », un tel devoir ne se comprend qu'à la lumière de l'article 207 du même code disposant que « les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques ». Cette logique de réciprocité entre les ascendants et les descendants induit, par exemple, que des grands-parents puissent être amenés à verser une aide financière à leurs petits-enfants en cas de défaillance des parents. Or, si les dispositions de l'article 9 tendent à exonérer les descendants de leurs obligations vis-à-vis de leurs ascendants, elles le font de manière unilatérale puisqu'aucune exonération n'est prévue pour les ascendants. Concrètement, les grands-parents seront toujours tenus d'aider leurs petits-enfants, mais ces derniers n'auront plus d'obligations en retour. Dès lors, ces dispositions introduisent une rupture de réciprocité créant des obligations inégales et inéquitables entre les générations. Le principe d'égalité doit donc nous conduire à les rejeter.

Deuxièmement, en dispensant les petits-enfants et les descendants de l'obligation de verser une aide, l'article 9 pourrait mécaniquement augmenter les sommes perçues au titre de l'aide sociale à l'hébergement (ASH) puisque la part des petits-enfants et des descendants jusqu'alors déduite par le département du montant de l'aide ne le sera plus. Cela ne sera pas sans conséquence sur les finances des conseils départementaux, à moins que la solidarité nationale ne compense cette charge. Or la proposition de loi fait l'impasse sur la question des moyens de financement de la dépendance. L'alternative pour les départements qui voudraient stabiliser le niveau de leurs dépenses pourrait être d'augmenter le montant de la part des enfants, afin de compenser le retrait des autres descendants. Cette option ne semble pas plus souhaitable au moment où tous nos compatriotes sont durement touchés par l'inflation.

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