Intervention de Didier Martin

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Martin, rapporteur de la mission d'évaluation :

En premier lieu, je tiens à revenir sur la déclaration rapportée de Jean Leonetti selon laquelle 12 % des malades hurleraient de douleur. Pour ma part, j'ai travaillé en centre hospitalier périphérique, en centre hospitalier universitaire, en radiologie et en centre de lutte contre le cancer. Je n'ai jamais entendu des patients hurler de douleur. Si tel était le cas, nous devrions nous poser de graves questions. J'apprécie cette citation de Jean Leonetti, que nous avons reprise comme une manchette de tabloïd au début de notre rapport, mais elle ne correspond heureusement pas à une réalité. Les cris des patients sont entendus par les soignants et des évaluations de la douleur sont diligentées par l'ensemble du personnel hospitalier. Il convient également d'évoquer d'autres types de douleurs – psychique, morale voire sociétale – qui peuvent elles aussi être traitées par un accompagnement. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas travaillé dans les hôpitaux que décrit cette formule de Jean Leonetti.

Je suis d'accord avec Fanta Berete et d'autres collègues pour souligner le rôle du médecin traitant dans l'élaboration des directives anticipées. Malheureusement, les soignants manquent de temps. Il semble donc important de créer cet espace de verbalisation bienveillante et un mode de communication en parallèle du combat contre la maladie. Ce climat permet de recueillir les directives anticipées par voie orale ou écrite et de se forger une conviction par rapport aux volontés des patients.

Je confirme à Joëlle Mélin que la loi Claeys-Leonetti devrait être conservée en l'état, mais nous y suggérons deux amendements : la rédaction d'un rapport tous les deux ans et l'adaptation de la sédation en fonction des circonstances.

Je partage les propos de Justine Gruet au sujet de la coordination, qui nécessite également du temps et de la bonne volonté. Globalement, les soins palliatifs sont trop hospitalocentrés. Il faut en sortir.

S'agissant de la question de Monique Iborra, je confirme que seule la dose distingue la sédation légère de la sédation profonde. Certes, les effets de certains produits anesthésiques sont radicaux, notamment le Propofol et les curares, dont les injections sont létales. Cependant, les drogues sédatives adaptées comme le Midazolam voient leurs effets différer selon les quantités. L'allègement des doses permet d'évaluer le niveau de douleur et l'état de conscience du patient. Il s'agit d'une pratique délicate mais, une fois encore, il existe plusieurs types de sédation.

Je suis d'accord avec Didier Le Gac au sujet de la démocratie participative. Comme l'a indiqué Agnès Firmin Le Bodo, en matière de fin de vie, il faut allier humilité et humanité. Il importe de mener ce débat sociétal de manière démocratique car il nous oriente sur la reconnaissance de certaines libertés et volontés individuelles, mais également sur notre devoir de solidarité – un des grands principes de notre système de santé.

Je me suis déjà exprimé sur les moyens financiers et je considère qu'une enveloppe de 500 millions d'euros n'est pas négligeable.

Je ne souhaite pas ouvrir le débat sur la question de l'intentionnalité. C'est la raison pour laquelle ma proposition d'amendement porte seulement sur la sédation profonde, continue et adaptée. Il me semble important que la loi comporte des creux ou des vides. Il faut laisser la place à l'adaptation et à la décision collégiale sans préciser l'intentionnalité de donner la mort, qui relève d'un registre plus juridique.

Éric Alauzet a évoqué les maladies neurologiques et la question de la temporalité à court et moyen terme. Je suis assez affirmatif en la matière : la loi Claeys-Leonetti concerne les outils, les moyens et les obligations pour le court et le très court terme. À mon sens, les maladies dont l'issue est fatale à trois ou six mois n'entrent pas dans le champ de la loi. Enfin, l'insuffisance en matière de soins palliatifs ne doit pas conduire à proposer un texte sur l'aide active à mourir. Il faut absolument renforcer les moyens attribués aux soins palliatifs.

Pour répondre à Matthieu Marchio, les défauts des campagnes d'information à destination du grand public sont connus : elles coûtent cher et leurs effets sont temporaires. Pour ma part, je mise sur la relation de proximité avec le médecin traitant et l'infirmier, dont il faut valoriser le temps au chevet des patients. Lorsque nous avons interrogé Hermann Mbongo, infirmier libéral dans le sud de l'Essonne, il nous a clairement indiqué que le temps « soignant » devait être pris en compte et rémunéré plus justement, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un paiement à l'acte. Il faudra prévoir une cotation adaptée et sortir des schémas actuels.

Je remercie Jean-François Rousset d'avoir évoqué la famille et le continuum entre la démarche curative et la démarche palliative. J'ai également apprécié les propos de Paul Christophe lorsqu'il a évoqué la célébration d'un mariage dans une USP puisque j'ai moi-même fait cette expérience. Il est très difficile de parler de la mort mais il est possible de parler de la vie, et donc de l'amour et de la tendresse, même deux jours avant un décès.

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