Intervention de Camille Grand

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 10h35
Commission des affaires étrangères

Camille Grand, chercheur et directeur du programme « Défense, sécurité et technologie » du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), ancien Secrétaire général-adjoint de l'OTAN :

Nous nous trouvons dans un moment très intéressant. C'était l'argument d'un article que j'ai signé et qui est paru dans Le Monde, à l'occasion de l'anniversaire de l'agression russe contre l'Ukraine. L'OTAN affirme un retour à ses fondamentaux : la défense collective et la planification de la défense territoriale de l'Europe. Les alliés y sont extrêmement attachés. Vingt-huit de nos trente et un alliés au sein de l'OTAN font désormais de l'Alliance atlantique la matrice de leur politique de défense, les exceptions étant les États-Unis, la Turquie et la France, pour des raisons propres à chacun de ces pays. Dès lors, plusieurs options se présentent.

La première, qui ne me paraît guère satisfaisante, serait celle d'une répartition des tâches. Un sénateur américain disait, au moment des grandes crises, « n ous faisons la cuisine et vous faites la vaisselle », ce qui était un propos peu charitable. Nous ne devons pas nous laisser enfermer dans une répartition des tâches selon laquelle l'Union européenne reconstruirait l'Ukraine pendant que l'OTAN assure la défense de l'Europe. Il faut reconnaître – comme le font les textes européens sans trop de difficultés – la centralité de l'Alliance atlantique dans la fonction de défense collective tout en prenant acte du fait que l'Union européenne a, depuis le 22 février 2022, franchi toute une série d'étapes intéressantes et nouvelles. C'est l'Union européenne qui forme aujourd'hui des milliers de soldats de l'armée ukrainienne en Pologne, et non l'OTAN. L'Union européenne a mis en place un mécanisme de cofinancement, pour aller vite, des donations d'équipement aux Ukrainiens ; l'OTAN n'organise pas la livraison d'équipements létaux à l'Ukraine.

Nous devrions à mon avis assister à un double mouvement. D'une part se dessine une forme d'« européanisation » de l'OTAN, c'est-à-dire une augmentation du poids des Européens au sein de l'Alliance atlantique. À l'occasion de la guerre en Ukraine, la présence militaire américaine en Europe est passée d'environ 70 000 hommes à près de 100 000 hommes. C'est moins d'un tiers de ce qu'elle représentait durant la guerre froide et il n'y a pas d'intention particulière de revenir au niveau d'alors. Il existe donc une attente de prise de responsabilités et c'est là que les outils de l'Union européenne peuvent jouer un rôle complémentaire. Encore faut-il bien articuler les deux organisations. Ce fut rarement le cas jusqu'à présent, au vu de mon expérience à Bruxelles, tant comme observateur que comme acteur de ces débats : les deux organisations sont souvent restées chacune dans leur bulle.

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