Intervention de Christiane Taubira

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 16h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Christiane Taubira, ancienne garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Aucun garde des Sceaux ne saurait vous répondre avec précision sur la gestion quotidienne de la détention. La responsabilité en incombe aux directeurs d'établissement, et les surveillants ont chaque jour à gérer des situations très variées.

Les détenus inscrits au répertoire des DPS font normalement l'objet d'une surveillance quasi-permanente, y compris durant la nuit, et d'un rapport quotidien sur le logiciel Genesis. Il est donc énigmatique que deux DPS se soient trouvés sans surveillance au même endroit et au même moment. Pour répondre à votre question, théoriquement, les choses sont organisées pour que cela ne se produise pas.

Pour ce qui est du renseignement pénitentiaire, il est passé, pendant mes quatre années au ministère de la Justice, de moins de 30 agents à 189, ce qui indique bien une montée en puissance – je ne sous-estime donc pas ce service. Mais je l'envisage selon ma propre conviction de ce que peut être son efficacité. Si un autre garde des Sceaux pense différemment, il fait différemment. D'ailleurs, les lois de 2016 et de 2019 ont organisé différemment le renseignement pénitentiaire. À mon sens, croire que l'on peut surveiller un détenu efficacement depuis le seul intérieur de la prison est une illusion. On peut penser le contraire. Pour ma part, je suis convaincue que ce qui renseigne, ce sont les réseaux, ce sont les relations, c'est la surveillance de la correspondance et des personnes à l'extérieur. Par conséquent, je continue de penser que le renseignement pénitentiaire doit avoir tous les moyens, en effectifs et en logistique, mais que son efficacité sera mieux garantie si ses relations avec nos grands services nationaux de renseignement sont organisées de façon structurée.

La question n'est pas tant celle du volume de personnels que de leur efficacité. Peu importe ce que M. Colonna a pu faire ou non – je sais que, jusqu'au bout, il clamait son innocence –, peu importe sa condamnation, peu importent les péripéties judiciaires : il est mort. Par respect pour lui, je ne souhaite donc pas tenir de propos désinvoltes et irresponsables, et renvoyer au service du renseignement pénitentiaire. Puisqu'hélas il n'y a pas de remontée dans le temps possible, je ne peux qu'interroger la possibilité de tirer les enseignements de ce qui s'est passé. Je rejoins votre préoccupation : comment expliquer que deux DPS aussi différents aient pu se retrouver ensemble sans surveillance ?

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