Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 16h00
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva, président :

À la suite des événements, hélas, et non au terme d'un parcours judiciaire rectiligne, comme le montrent les appels du PNAT et l'argument du trouble à l'ordre public invoqué pour empêcher que le jugement en première instance, favorable, soit suivi d'effet. Fort heureusement, un arrêt de la Cour de cassation a récemment cassé la décision qui s'appuyait sur cet argumentaire ; il était difficile au PNAT de refaire appel après un jugement favorable, ce qui a enfin ouvert la voie à une logique de droit serein. Mais tout cela était postérieur aux événements, comme la levée de leur statut de DPS par le Premier ministre de l'époque après le déport du garde des Sceaux, ancien avocat de l'un des protagonistes.

Cela vient corroborer l'analyse quant à la dimension politique des décisions relatives au statut de DPS. Pour certains, les critères justifiaient le maintien de ce statut quel que soit le parcours carcéral – celui d'Yvan Colonna, d'après nos auditions, était exceptionnel, sans problème ni incident. Les décisions de maintien étaient liées au procès, à la situation judiciaire, ou à l'émoi qu'aurait suscité une éventuelle évasion – alors même que l'administration pénitentiaire jugeait ce risque faible en pratique. Le statut de DPS pour les trois intéressés ne posait de problème que dans la mesure où il empêchait leur transfèrement au centre pénitentiaire de Borgo – et encore : l'instruction dit de privilégier la détention des DPS dans les centrales, non de la systématiser, contrairement à ce que nous ont affirmé certains ; simplement, il aurait fallu un aménagement de sécurité à Borgo pour y permettre la gestion des DPS dans le quartier dédié. Il y a les critères – larges – et il y a eu la gestion des événements.

Il y a bien eu un problème de gestion politique. Comme je l'ai indiqué, Mme Belloubet nous a dit clairement que, pour elle, il n'y avait pas de prisonniers politiques en France, mais que les détenus basques et corses faisaient l'objet d'une considération particulière : elle ne s'occupait pas des 225 DPS, mais ces détenus-là faisaient l'objet d'un traitement particulier, compte tenu des enjeux plus larges qui y étaient liés.

Il faut tirer de cette affaire des conclusions pour l'avenir concernant le statut de DPS – qui concerne un peu plus de 200 détenus sur 70 000 en France : c'est infime. Vous avez connu le problème du non-rapprochement familial : Yvan Colonna n'avait plus vu sa mère depuis quinze ans, il ne voyait pas son fils ; la Corse est une île, à 550 kilomètres d'Arles, il faut plusieurs centaines d'euros pour venir au parloir ; les avocats ont même indiqué qu'il fallait montrer patte blanche deux jours à l'avance. Ne devrait-on pas revoir ce statut ? On parle de sa judiciarisation – ce n'est pas nous qui l'avons évoquée, mais les syndicats de la magistrature devant nous, ainsi que l'ancien Premier ministre Jean Castex, qui a estimé avoir dû prendre une décision lourde dont il aurait mieux valu qu'elle relève d'une instance judiciaire.

Pour ce qui est du passé, un transfèrement aurait empêché le drame. Cela n'emporte pas de responsabilité judiciaire à ce stade, mais justifie que l'on reconnaisse une trajectoire et un ensemble de problèmes.

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